Alors que la route solaire testée par l’entreprise française de travaux publics Colas s’est révélée être un fiasco, une initiative menée conjointement par l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse vise à développer des autoroutes solaires. Dans ce projet les véhicules ne rouleront pas sur les panneaux, mais en-dessous.

Coller sur des routes des panneaux solaires résistant au passage répété des camions, aux freinages et aux intempéries hivernales tout en offrant une adhérence optimale pour assurer la sécurité du trafic, n’était pas une idée lumineuse. Dès la présentation du projet Wattway de « route solaire » développé par Colas, une filiale du groupe Bouygues, de nombreux experts, en France comme ailleurs, avaient exprimé leur scepticisme sur sa capacité à produire de l’électricité avec une compétitivité suffisante, certains traitant même le projet « d’énergétiquement et économiquement absurde ».
Pourtant, le gouvernement français, sous l’impulsion de Ségolène Royale a cru aux promesses du PDG de Colas et financé un tronçon expérimental d’un kilomètre à Tourouvre, en Normandie. Celle qui était alors ministre de l’environnement et de l’énergie l’a inauguré en grande pompe fin 2016 et voulait en construire 1.000 kilomètres en France. Deux ans et demi plus tard le test s’est avéré être un fiasco. Amputée d’une centaine de mètres trop abîmés pour être réparés, la route solaire faisait désormais pâle figure avec ses joints en lambeaux, ses panneaux solaires qui se décollaient et les nombreux éclats qui émaillaient la résine protégeant les cellules photovoltaïques.


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Après avoir produit la première année à peine 50 % des 790 kilowattheures (kWh) par jour attendus, la Wattway normande en a généré encore deux fois moins l’année suivante. Quant au coût astronomique, dix fois supérieur à celui des installations photovoltaïques en toiture, il vaut mieux ne pas en parler.

La route solaire fait désormais pâle figure

L’autobahn solaire

Le projet de recherche lancé par l’Institut autrichien de technologie AIT s’engage sur une autre voie : celle d’une « autobahn » solaire où les panneaux photovoltaïques ne seront pas placés sur la chaussée mais au-dessus du trafic. Une sorte d’ombrière continue qui recouvrirait les bandes de circulation. Outre la production d’électricité, les scientifiques pointent d’autres avantages présentés par ce concept : la protection des chaussées contre les intempéries en hiver et contre la surchauffe en été permettrait de réduire les entretiens et d’allonger la durée de vie du revêtement routier. En outre ils estiment que cette couverture du trafic pourrait estomper le bruit de l’autoroute et protéger les occupants des véhicules contre les ardeurs du soleil estival. Enfin la protection offerte contre la neige et la pluie devrait améliorer la sécurité routière et réduire la fréquence des accidents.


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« Les autoroutes sont un bon endroit pour produire de l’énergie solaire parce qu’elles traversent en général des zones déjà densément peuplées et que cette utilisation ne mobilise pas de surfaces agricoles ou des terrains qui pourraient être utilisés pour d’autres usages », explique Martin Heinrich de l’Institut Fraunhofer pour les systèmes d’énergie solaire (ISE) basé à Fribourg en Allemagne, lequel  est également impliqué dans le projet.

Un potentiel de production énorme

Stephan Freudenstein, de l’Université technique de Munich, nous détaille le potentiel du concept : « Le réseau routier représente 5% de la superficie totale de l’Allemagne et les autoroutes en occupent presque la moitié. Il est intéressant d’utiliser cet espace pour produire de l’électricité » explique-t-il.
L’Allemagne compte 13.000 km d’autoroutes dont plus d’un quart sont à 6 voies ou plus. Cela représente une surface de 337 km2, légèrement plus grande que celle de la ville de Brême.
Martin Heinrich a calculé la quantité d’énergie que les autobahn solaires allemandes pourraient générer : même en tenant compte d’une perte de rendement de 30 % due aux orientations non optimales des panneaux à de nombreux endroits du réseau ainsi qu’à l’ombrage provoqué par les arbres ou les talus, il estime qu’une production électrique de 47 térawattsheures (TWh) par an est possible. De quoi couvrir près d’un tiers de la consommation de tous les ménages de ce pays de 83 millions d’habitants.

Les scientifiques ont également estimé le prix d’un tel déploiement : environ 300 euros par m2, plus de deux fois supérieur à celui des grandes centrales photovoltaïques au sol, mais comparable à celui des installations en toiture. La couverture totale du réseau autoroutier allemand par des ombrières solaires coûterait alors 100 milliards d’euros. Une somme rondelette mais qui en regard de la quantité d’énergie produite n’est pas exagérée, estime Martin Heinrich.

Les autoroutes allemandes occupent 2,5 % de la surface du territoire

La recherche durera 3 ans

Soutenu financièrement par l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse, ce projet de recherche dénommé « PV-SÜD » s’étendra sur trois ans. Les chercheurs sélectionneront d’abord les modules photovoltaïques les plus adéquats. Il s’agira notamment de trouver un compromis en matière de transparence des panneaux : ils devront en effet laisser passer suffisamment de lumière pour garantir une bonne visibilité aux conducteurs tout en évitant une perte de rendement trop importante.
Dans un 2e temps, un tronçon pilote d’environ 40 mètres de long sera construit pour tester la solidité de la structure, sa résistance aux intempéries, au vent et aux contingences dues à la circulation. Les impacts sur la sécurité routière et la conduite des automobilistes seront également évalués.


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