Pour compenser la chute vertigineuse de sa production électrique, −15 % en 2022 par rapport à 2021, la France a dû soutirer énormément de courant de ses voisins européens. En conséquence, sa facture d’imports est passée de 2 milliards d’euros en moyenne à 7 milliards d’euros en 2022, selon le bilan électrique annuel dévoilé par RTE.

L’année 2022 n’aura pas été un grand cru pour l’énergie électrique en France, à en croire le bilan électrique annuel présenté le 16 février par le gestionnaire du réseau de transport RTE. Crise oblige, la consommation d’électricité corrigée des effets météorologiques et calendaires a sensiblement diminué : elle est passée de 467 à 459,3 TWh entre 2021 et 2022, soit une baisse de 1,7 %. Elle s’est creusée au dernier trimestre 2022 pour atteindre 9 %, principalement en raison de la baisse d’activité des industries chimiques, métallurgiques et sidérurgiques (- 20 % de consommation pour ces derniers) et, dans une moindre mesure, des secteurs tertiaires et résidentiels (- 5 %).

En parallèle, la production électrique s’est littéralement effondrée, passant de 522 à 445 TWh. Une chute de près de 15 % consécutive aux déboires du parc nucléaire national et à la sécheresse ayant affecté nos centrales hydroélectriques. La France n’avait plus produit aussi peu d’électricité depuis… 1992. Les centrales nucléaires accusent une baisse de 22,6 % et l’hydraulique de 20,6 %. Pour compenser, les centrales à gaz ont augmenté leur production de 34 %, élevant ainsi l’intensité carbone de l’électricité en France de 3,5 millions de tonnes d’équivalent CO₂, pour un total de 25 MTeq.CO2.

Les centrales à gaz et les imports à la rescousse

Grâce à l’essor important du parc photovoltaïque, passé de 13,1 à 15,7 GW de puissance installée et des conditions météo favorables, la production solaire a bondi de 31 %. Cela représente 4,3 TWh d’électricité bas-carbone supplémentaire sur un total de 18,6 TWh d’origine solaire, bienvenue durant l’été, au plus fort de l’indisponibilité des réacteurs nucléaires.

Malgré une augmentation de 1,9 GW du parc éolien en 2022, qui s’établit désormais à 20,6 GW installés, la production a quasiment stagné. Souffrant d’une intrigante baisse de la vitesse des vents en Europe, la filière a produit 38,1 TWh contre 26,8 TWh en 2021. Le facteur de charge moyen annuel de l’éolien terrestre français s’établit à 21,6 %, le « plus bas depuis dix ans » précise RTE. L’éolien en mer, composé pour l’instant du seul parc de Saint-Nazaire mis en service en novembre 2022, a produit 0,674 TWh. Un excellent résultat, son facteur de charge s’élevant à 48 % en moyenne, soit plus de deux fois celui de l’éolien terrestre.

Statistiques de l’éolien en France / Infographies : RTE, bilan électrique 2022.

À égalité avec le solaire et l’éolien (56,7 TWh de production totale en 2022), les imports d’électricité ont été cruciaux pour l’équilibre du réseau national. Ils ont représenté 57 TWh, venus principalement d’Allemagne et de Belgique (29,3 TWh), où le courant est hélas bien plus carboné qu’en France. Le solde entre les imports et les exports (40,5 TWh, injectés majoritairement en Italie et en Suisse) est en défaveur de l’hexagone, avec −16,5 TWh.

Les importations d’électricité ont coûté 7 milliards d’euros à la France en 2022, contre 2 milliards de bénéfices en moyenne annuelle entre 2014 et 2019. Une hausse spectaculaire, qui doit toutefois être comparée à la facture énergétique globale de notre pays. 93 % des 115 milliards d’euros dépensés en énergie sont dus à l’importation de combustibles fossiles, notamment pour les transports.

Échanges d’électricité aux frontières / Infographie : RTE, bilan électrique 2022.

Le charbon en voie d’extinction

Enfin, si le spectre d’une montée en puissance des centrales à charbon planait durant la crise énergétique, leur production a en réalité baissé. Les deux dernières unités de France (Cordemais et Saint-Avold) ont produit 2,9 TWh en 2022, contre 3,8 TWh en 2021, représentant seulement 0,6 % du mix. Les tranches au fioul ont toutefois généré davantage de courant, passant de 1,9 à 2,2 TWh. Enfin, les bioénergies (bois et biogaz) et déchets ont augmenté de 6 %, soit 10,6 TWh.

Avec un parc nucléaire désormais purgé des problèmes de corrosion sous contrainte, la production électrique française devrait retrouver une silhouette un peu plus habituelle en 2023. Des incertitudes subsistent toutefois, notamment sur le niveau des précipitations, qui conditionnera fortement la production hydroélectrique. La réorganisation de l’approvisionnement en gaz lié à l’invasion russe en Ukraine génère pose également question pour l’hiver 2023-2024.

Côté renouvelable, 2023 sera l’année de l’éolien en mer avec la mise en service des parcs de Fécamp et Saint-Brieuc, d’une puissance de 500 MW chacun, ainsi que des premiers parcs flottants pilotes en Méditerranée. Enfin, pour le nucléaire, la France devra attendre le premier trimestre 2024 au plus tôt pour bénéficier de son premier EPR, en chantier à Flamanville depuis seize ans.

À lire aussi Éolien en mer : la carte des parcs et projets en France