Des cellules solaires intelligentes qui communiquent entre elles et avec d’autres appareils pour fournir non seulement l’électricité là où elle est nécessaire mais aussi communiquer des informations. S’agit-il de science-fiction ? Pas du tout : des scientifiques de l’Université Technologique de Delft (TU Delft) aux Pays-bas, ont fondé une nouvelle discipline qu’ils appellent « photovoltatronique ». Dans un article publié récemment dans la revue « Energy & Environmental Science », ils expliquent que la technologie est déjà en grande partie disponible.

« Aujourd’hui, les cellules photovoltaïques ne sont utilisées que pour produire de l’électricité, alors qu’elles sont capables de remplir d’autres fonctions » nous révèle Miro Zeman, professeur à la TU Delft. « Elles capturent des photons et elles émettent des électrons. Mais ces particules ne transportent pas seulement de l’énergie, elles peuvent aussi véhiculer des informations. Il est donc possible de rendre ces cellules intelligentes et de leur permettre de communiquer » précise-t-il.

Selon les scientifiques de Delft, l’électrification et la digitalisation sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important dans le secteur de l’énergie. Ils ont publié un article dans la revue « Energy & Environmental Science » dans lequel ils expliquent que l’utilisation à grande échelle de sources d’énergie renouvelables variables, de batteries de stockage et de composants électroniques de puissance, fonctionnant tous avec du courant continu (DC), modifie fondamentalement les systèmes électriques, dont les infrastructures ont été construites pour transporter du courant alternatif (AC). Cette tendance conduit à une hybridation et une complexification des systèmes électriques AC/DC. Pour les stabiliser et les rendre fiables, le recours aux technologies de l’information et de la communication (TIC) est de plus en plus généralisé.

Une technologie émergente : la photovoltatronique

C’est là qu’intervient la « photovoltatronique », nom donné à ce nouveau domaine de la technologie photovoltaïque. Celle-ci jouera un rôle croissant dans la production locale d’électricité propre, principalement dans les zones urbaines en expansion, estiment les scientifiques. « Mais pour tirer pleinement parti du photovoltaïque dans l’environnement urbain, la technologie solaire doit devenir intelligente » affirme Hesan Ziar, un autre membre de l’équipe universitaire. Le but des chercheurs est donc de développer ce qu’ils appellent des « PV-based Intelligent Energy Agents » (PV-IEAs) en combinant la technologie photovoltaïque avec la photonique[1], la microélectronique et l’électronique de puissance, la technologie des capteurs, le stockage d’énergie, la communication sans fil et l’informatique. Ces cellules photovoltaïques intelligentes seront non seulement capables de capter des photons, de générer des électrons et de les injecter dans un réseau : elles pourront aussi recevoir de l’information, la traiter, l’envoyer et la diriger vers un récepteur déterminé. Ces cellules pourront donc communiquer entre elles et avec d’autres objets.

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Des exemples concrets

Dans leur article, les scientifiques de la TU Delft identifient cinq domaines de recherche dans lesquels cette nouvelle technologie pourrait se déployer et ils décrivent une dizaine d’applications potentielles de la photovoltatronique.
A titre d’exemple ils expliquent que des cellules solaires intelligentes pourraient être incorporées dans les vitres des immeubles. En fonction de signaux qui leur seraient envoyés par différents capteurs elles pourraient tenir compte de paramètres comme l’ensoleillement, l’ombrage, la température à l’intérieur de la pièce, son occupation plus ou moins importante, le moment de la journée, etc., pour produire plus d’électricité et donc réduire la transparence de la vitre ou au contraire augmenter, si nécessaire, le transfert de lumière en réduisant la production d’énergie.

« Les PV-IEAs seront pilotés par un système qui comprend plusieurs éléments » explique Miro Zeman : « des capteurs qui mesurent les conditions de l’environnement, des algorithmes de contrôle, un ‘cerveau’ qui traite et envoie les informations et des actionneurs qui exécutent les décisions du cerveau ». Aujourd’hui, les panneaux photovoltaïques ne remplissent qu’une seule fonction : la production d’électricité. Ils ne disposent donc que d’actionneurs électriques. « Mais dans le futur, les PV-IEAs seront multifonctionnels et ils enverront leurs signaux à d’autres types d’actionneurs comme par exemple des dispositifs optiques ou mécaniques » précise Zeman.

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Des cellules intelligentes pourraient communiquer avec des véhicules autonomes

Pour finir de nous convaincre, Olando Isabella, professeur lui aussi à la TU Delft cite d’autres exemples d’application concrète de la photovoltatronique.
« Les installations solaires actuelles sont statiques » nous rappelle-t-il. « Nous avons développé des applications qui permettent aux panneaux de mesurer l’ombrage ou d’autres facteurs pouvant réduire l’ensoleillement. En fonction de ces informations, des cellules intelligentes pourraient commander un changement de position dans l’espace pour optimiser leur production électrique ».

Imaginons par exemple des cellules placées sur la carrosserie d’une voiture autonome stationnée dans un parking. « Dans quelques années elles recevront des informations sur l’ensoleillement, les prévisions météo locales, la cartographie du lieu, leur position, la présence ou non d’autres véhicules et de piétons dans leur environnement, le niveau de charge de la batterie, la durée prévue du stationnement, … Et en fonction de toutes ces données, le ‘cerveau’ du système pourrait, si nécessaire, piloter la voiture autonome vers un autre emplacement où les cellules produiront plus d’énergie … ».

Si Olando Isabella admet que cet exemple ne pourra pas se réaliser avant une dizaine d’années au moins, il pense que d’autres applications moins complexes de la photovoltatronique pourraient arriver beaucoup plus rapidement au stade de la commercialisation. « La cellule solaire qui communique, coopère et décide existe déjà », affirme-t-il. « La complexité de l’application déterminera combien de temps nous devront attendre avant de pouvoir l’utiliser ». Il cite par exemple des cellules intelligentes qui pourraient être installées sur des façades de bâtiment, des ombrières ou même être incorporées dans des vêtements.

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Des cellules solaires intelligentes pourraient communiquer avec des voitures autonomes

[1] La photonique est la branche de la physique qui concerne la génération, la transmission, le traitement ou la conversion de signaux optiques (véhiculés par des photons).

Lien vers l’article publié dans « Energy & Environmental Science »