Doit-on craindre une perte de valeur immobilière lorsque des éoliennes sont construites à proximité de sa maison ? La crainte de la dépréciation est-elle fondée ?

Plusieurs études indépendantes sur l’impact immobilier des éoliennes ont été menées à travers le monde.

Si la plupart de ces études ont été réalisées sur des échantillons de transactions immobilières assez vastes, et si on peut dès lors penser qu’elle reflètent assez fidèlement la réalité, elles sont néanmoins assez rares. Et on peut comprendre pourquoi : ces études doivent idéalement démarrer avant l’annonce du projet éolien, relever les transactions tout au long du développement du projet, observer le marché pendant la phase de construction, et après la construction. En d’autres termes, elles s’étalent sur une période minimale de 10, voire 12 ans. Or peu d’études sont commandées pour des périodes aussi longues.

Parmi les études existantes, toutes, ou presque, arrivent aux mêmes conclusions : l’arrivée d’éoliennes a peu ou pas d’impact sur les valeurs immobilières. Tout au plus ont-elles un effet dépréciateur passager pendant la phase de construction, au moment où la présence de grues surdimensionnées, le va-et-vient de convois exceptionnels, pourraient donner des craintes à tout investisseur immobilier.

Les chercheurs ne peuvent toutefois exclure qu’avec la densification du parc éolien et la multiplication des turbines dans nos paysages, les conclusions d’hier ne soient plus celles d’aujourd’hui, et qu’un effet dépréciateur apparaisse, alors qu’il était inexistant il y a quelques années encore. Mais ils constatent que, dans l’échantillon de transactions analysé, les impacts négatifs sont trop faibles ou trop rares pour être statistiquement quantifiables. S’il devait y avoir un effet dépréciateur, il serait limité dans le temps, d’après les chercheurs.

Des valeurs immobilières moins volatiles qu’il n’y paraît

La valeur d’un bien immobilier est déterminée par deux types de critères :

  • les critères objectifs : surface du terrain, surface habitable, nombre de pièces, localisation, état du bien, présence d’un jardin, d’un garage, degré d’isolation, confort thermique, etc.
  • les critères subjectifs : esthétique du bien, impression personnelle, intérêt de l’acquéreur lié au quartier, ou à la région.

A ces critères s’ajoute l’état du marché local de l’immobilier pour établir la valeur du bien en rapport avec les biens comparables avoisinants.

La construction d’éoliennes dans l’environnement du bien n’aura, selon toute logique, qu’un impact limité sur les critères de valorisation objectifs du bien. Si impact il y a, il jouera essentiellement sur les éléments subjectifs de l’appréciation, et devra être évalué au cas par cas, car la distance à l’habitat, le nombre d’éoliennes, l’impact acoustique et la qualité du paysage peuvent considérablement influer sur cette appréciation. Certains considèrent même la présence d’éoliennes comme un « plus » pour l’environnement.

Un impact difficile à cerner

Etablir un lien entre le prix d’une transaction et un facteur isolé (ici la présence d’éoliennes) est à la fois complexe et risqué. L’étude doit non seulement porter sur un échantillon de transactions assez vaste, mais le prix des ventes doit clairement établir un lien avec l’arrivée prochaine d’éoliennes ou leur présence à proximité. Une baisse des prix immobiliers observée dans un périmètre limité peut s’expliquer, entre autres, par des nuisances sensiblement accrues (trafic routier plus dense) ou par l’appauvrissement des moyens de communication (suppression d’une gare de chemin de fer, par ex.).

Nous avons contacté trois agences immobilières établies à Fernelmont, en Belgique, dans une région où la densité du parc éolien est particulièrement élevée. Aucun des agents immobiliers contactés n’a relaté d’impact sur les prix de vente lié à l’annonce ou à la présence d’éoliennes. Les facteurs les plus déterminants au niveau du prix restent les critères objectifs énumérés ci-dessus : surface du terrain, localisation, nombre de pièces, etc.

Aux Etats-Unis, dans l’Etat de Massachusetts, une étude a été réalisée en 2016 par Ben Hoen, un chercheur du Lawrence Berkeley National Laboratory.

L’étude portait sur un échantillon de 122 000 transactions de vente conclues entre 1998 et 2012, dans un rayon de 16 km autour d’une quarantaine d’éoliennes se trouvant à proximité d’une zone à forte densité de population.

Ben Hoen conclut à l’absence d’impact lié exclusivement aux éoliennes sur le niveau de prix de vente des maisons à proximité des turbines. Par contre, l’étude a mis en évidence une dévalorisation relative des valeurs immobilières lorsque de nouvelles infrastructures telles qu’une grand route, ou une ligne à haute tension sont construites dans le voisinage.

Les éoliennes sont-elles mal perçues ?

En réponse à cette question, des perceptions contradictoires s’opposent.

D’un côté, les sondages sont clairs : 80% des Français ont une « bonne image » de l’éolien (Harris Interactive, octobre 2018), en particulier ceux qui vivent à proximité d’une éolienne.

En mars 2018, ils étaient même 84% à être favorables à l’éolien selon BVA-Foncia-La Dépêche du Midi.

Par ailleurs, de nombreux mouvements opposés à l’éolien existent, et peuvent amener à penser le contraire. Il n’est pas rare de voir érigés dans nos campagnes des panneaux exprimant la colère des riverains à l’égard des projets éoliens. De nombreux projets font l’objet de pétitions qui récoltent souvent des centaines de signatures. Mais, d’après les sondages, les opposants sont souvent des groupes non-représentatifs qui masquent la majorité silencieuse de la population.

Au fil des ans, l’intensification des phénomènes climatiques et une meilleure prise de conscience de l’urgence climatique mènent à la conclusion que l’acceptation sociale de l’éolien s’améliore. Le nombre de citoyens qui demandent de leurs élus locaux des mesures plus concrètes en faveur de l’environnement, et une politique plus volontariste, ne fait également que grossir.

Mais les recours au Conseil d’Etat sont toujours aussi nombreux et l’opposition ne faiblit pas, en particulier dans les régions où le patrimoine culturel et la qualité des paysages sont remarquables.

Et le marché français ?

En 2010, une étude globale a été menée par l’association Climat Energie Environnement dans le Nord Pas-de-Calais. L’enquête a porté sur 10 000 transactions analysées à travers 116 communes, dans un rayon de 5 km autour de cinq parcs éoliens. Les données ont commencé à être récoltées 3 ans avant la construction, au cours de l’exécution du chantier (1 an), et tout au long des 3 ans qui ont suivi la mise en service.

Dans les communes proches des éoliennes, aucune relation n’a pu être établie entre la présence visuelle des éoliennes et une baisse de valeur éventuelle, ou une baisse du nombre de demandes de permis. Après la mise en service des éoliennes, une dizaine de maisons a été vendue chaque année dans un rayon de 2 km. La valeur moyenne des transactions de vente n’a connu aucun infléchissement particulier.

Pourtant, de nombreuses messages d’opposants à l’éolien font état de pertes de valeur de 20%, voire 30%. Ces chiffres sont bien ancrés dans l’esprit de nombreux citoyens, tant le message a été répété et diffusé à grande échelle. Mais de tels chiffres sont en contradiction avec l’indice ERA-KUL, une enquête immobilière réalisée par la Koninklijke Universiteit Leuven (Belgique). Cette étude a révélé qu’à moins de 500 mètres d’une éolienne, une dévalorisation de 3,5% était possible ; à moins de 2 km, de 2,66% ; et qu’au-delà de 3 km, l’effet était négligeable.

Conclusions    

La crainte d’une dépréciation généralisée de l’immobilier liée à la présence d’éoliennes n’est donc pas démontrée par les études menées à travers le monde.

Si impact il y a, l’effet dépréciateur est limité à la fois dans le temps, dans l’espace, et en intensité.

A l’inverse, les communautés locales qui bénéficient de retombées économiques de l’éolien disposent de nouveaux moyens pour créer ou améliorer les services collectifs locaux, ce qui peut entraîner une hausse de la valeur immobilière de certains biens.

Toutefois, en amont de tout projet, il reste indispensable d’organiser une concertation avec les riverains pour favoriser la bonne acceptation du projet éolien, afin d’expliquer le choix du site, de communiquer sur les coûts et bénéfices apportés à la collectivité dans son ensemble, d’objectiver au mieux les inconvénients et les avantages de ce mode de production d’électricité décentralisée,.

Pour aller plus loin :

  • Association Climat Energie Environnement, « Evaluation de l’Impact de l’Energie Eolienne sur les Biens Immobiliers- Contexte du Nord-Pas de Calais », mai 2010.
  • Ernest Orlando Lawrence Berkeley National Laboratory, “The impacts of Wind Power Projects on Residential Property Values in the United States”, USA, 2009. Cette étude a porté sur l’analyse de 7 500 transactions de vente de maisons, localisées autour de 24 parcs éoliens terrestres dans 9 États différents
  • Gone with the wind : valuing the local impacts of wind turbines through house prices, Stephen Gibbonsab, 2013, disponible sur : eprints.lse.ac.uk/58422/
  • Étude sur l’acceptabilité de l’éolien, IFOP et France Énergie Éolienne, 2016, disponible sur : fee.asso.fr/actu/etude-ifop-2016-lacceptabilite-de-leolien/
  • Incidences éventuelles de l’installation d’éoliennes sur le marché immobilier en Brabant Wallon, 2010, Fédération Royale du Notariat Belge.