Nous baignons en permanence dans un environnement parcouru par des rayons électromagnétiques comme la lumière, les ondes radio, les infrarouges, etc. Parmi ceux-ci, les ondes « terahertz », appelées aussi « rayons T » transportent de l’énergie. Des scientifiques du MIT annoncent la mise au point d’un moyen de capter cette énergie et de l’utiliser pour alimenter en courant continu des appareils électroniques comme des téléphones portables, des tablettes, des implants médicaux, etc.

Dans le spectre électromagnétique, la bande des fréquences térahertz s’étend de 100 GHz à 30 THz[1]. Elle est aussi parfois désignée par le terme « infrarouge lointain ». Tous les objets dont la température est inférieure à environ 65°C émettent en permanence des « rayons T », y compris notre organisme et tous les corps qui nous entourent. Les émetteurs Wi-Fi, par exemple émettent également ces ondes de haute fréquence qui se situent sur le spectre entre les micro-ondes et l’infrarouge « proche ». Ces « rayons T » sont invisibles, contrairement aux rayons lumineux émis par les corps beaucoup plus chauds comme le Soleil et les étoiles ainsi que les lampes qui nous éclairent. Bien que nous ne nous en rendions pas compte, nous baignons donc continuellement dans une « soupe » d’ondes terahertz. Celles-ci, comme toutes les autres ondes électromagnétiques, transportent de l’énergie. Nous le savons puisque nous pouvons par exemple transformer la lumière en électricité avec des cellules photovoltaïques.

Bien que les rayons T soient beaucoup moins énergétiques que les rayons lumineux, il serait évidemment intéressant de pouvoir exploiter cette énergie gratuite qui nous entoure en permanence, de jour comme de nuit. Mais, jusqu’il y a peu, personne n’avait encore trouvé le moyen de la capter et de la convertir en électricité.

Ces dernières décennies, des chercheurs ont bien tenté d’utiliser des redresseurs à diodes, semblables à ceux que nous utilisons pour convertir les ondes radio en courant continu. Ces redresseurs fonctionnent très bien pour les basses fréquences, mais leur utilisation n’a pas été probante pour la plage des ondes terahertz : les expériences menées pour tenter de convertir ce type d’ondes en courant continu n’ont été concluantes qu’à des températures « ultra-froides », les rendant peu pratiques pour une utilisation courante.

Les chercheurs ont exploité les propriétés du graphène

Des scientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont donc exploré une autre voie. Ils se sont basés sur le comportement « quantique » du graphène, un matériau bidimensionnel[2] cristallin constitué d’atomes de carbone. C’est le constituant du graphite que nous utilisons par exemple dans les mines de nos crayons. Il se trouve à l’état naturel dans les gisements de graphite.
Outre son très faible taux d’impuretés, l’une des propriétés spectaculaires du graphène est de posséder des électrons dont la masse apparente est nulle (je vous épargne les explications scientifiques). Les électrons se déplacent sur le graphène à la vitesse de 1.000 km/s, soit presque 150 fois la vitesse des électrons dans le silicium.  Grâce à ses propriétés de cristal bidimensionnel et à une capacité récemment découverte d’auto-refroidissement très rapide, un transistor de graphène ne s’échauffe que très peu.

Les chercheurs du MIT ont découvert qu’en combinant le graphène à du nitrure de bore ils obtenaient un matériau capable, sous l’effet des ondes terahertz, de dévier la trajectoire de tous les électrons dans une seule direction, créant donc ainsi un courant continu. Ils ont alors imaginé un « redresseur térahertz », constitué d’un petit carré de graphène posé sur une couche de nitrure de bore et doté d’une antenne chargée de collecter et de concentrer le rayonnement térahertz ambiant, en augmentant suffisamment son signal pour le convertir en courant continu.
L’équipe a récemment fait breveter son concept et publié sa découverte dans la revue ScienceAdvanced. Elle travaille maintenant  à la mise au point d’un appareil capable de produire du courant pour des applications pratiques.

Les rayons T pourraient recharger en continu nos appareils nomades

« Un tel dispositif permettrait de collecter et de convertir passivement l’énergie ambiante, à la manière d’une cellule photovoltaïque, mais pour une gamme de fréquences différentes », explique Hiroki Isobe, l’auteur principal de l’étude menée par le MIT. Selon lui, des redresseurs térahertz de ce type pourraient être utilisés pour convertir les rayons T ambiants afin de recharger des appareils « nomades » comme les smartphones et les ordinateurs portables, ou pour alimenter sans fil des implants électroniques.

Une chose est toutefois certaine : il ne faut pas espérer que cette invention permette de produire gratuitement de grandes quantités d’énergie. Bien que présentes en permanence dans notre environnement, les ondes terahertz sont en effet moins énergétiques que la lumière qui, elle aussi, nous baigne continuellement, du moins en journée. Par contre leur intérêt, pour les applications envisagées, c’est qu’elles sont disponibles presque partout, à tout moment, et ne sont pas intermittentes. Les rayons T ont un fort pouvoir pénétrant et traversent de nombreux matériaux qui ne contiennent pas d’eau tels que les vêtements, le papier, le bois, le carton, les plastiques … Ils ne sont pas ionisants et sont tout-à-fait inoffensifs pour les êtres vivants.


[1] 1 térahertz ou THz = mille milliards de hertz. Le hertz est l’unité qui permet de mesurer une fréquence. 1 Hz est la fréquence d’un événement qui se répète une fois par seconde.

[2] Un matériau bidimensionnel, parfois appelé matériau monocouche ou matériau 2D, est un matériau constitué d’une seule couche d’atomes ou de molécules


Lien vers le communiqué du MIT