Les épisodes de canicule et de sécheresse ont un impact sur le fonctionnement des centrales nucléaires. EDF prend-elle suffisamment en compte ce facteur pour planifier l’avenir de la filière ? La Cour des comptes s’est penchée sur la question.

Le changement climatique conduit à l’augmentation des épisodes de canicules et sécheresse, ce qui a un impact sur la ressource en eau. Or, les centrales nucléaires ont besoin d’eau pour fonctionner et elles sont soumises à des normes en matière de rejet d’eau chaude dans le milieu aquatique. En cas de canicule, la température de la mer et des fleuves augmente et les centrales peuvent être contraintes de limiter leur rejet d’eau. Cela peut conduire à une indisponibilité temporaire des réacteurs.

Peu de pertes de production nucléaires liées aux contraintes climatiques

Dans son rapport annuel publié le 12 mars 2024, la Cour des comptes fait un état des lieux de l’impact du changement climatique sur le fonctionnement des centrales. D’abord, l’institution reconnait qu’EDF, exploitant du parc nucléaire en France, tient compte de ce facteur dans ses projections.

Certes, jusqu’ici, les indisponibilités du parc nucléaire liées à des tensions sur la ressource en eau sont limitées. Sur les deux dernières décennies, les pertes de production liées à ce phénomène climatique sont restées inférieures à 1 % de la production annuelle, sauf lors de la canicule de 2003 où le niveau a atteint 1,5 %. Si cela semble faible, la Cour rappelle que les indisponibilités ont atteint plus de 6 gigawatts (GW) en 2003, soit près de 10 % de la capacité nucléaire installée. Et le mouvement va s’accentuer dans les années à venir. En effet, à l’avenir, non seulement les canicules et sècheresses seront plus fréquentes, mais les besoins en électricité vont s’accentuer, notamment en été, du fait de l’électrification des usages et de l’utilisation accrue de la climatisation.

Si la réglementation en vigueur tient compte des risques climatiques dans le fonctionnement des centrales, l’institution déplore qu’aucun chiffrage précis n’existe sur les dépenses nécessaires pour adapter les installations au changement climatique. EDF doit se montrer plus innovante en la matière « non seulement sur les systèmes de refroidissement sobres en eau, mais également sur des systèmes de traitement biocide rejetant moins de réactifs chimiques dans le milieu naturel ».

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Considérer le changement climatique dès la conception des EPR2

Concernant les futurs réacteurs EPR2 (6 d’abord, puis peut-être 8 complémentaires par la suite), la question de la ressource en eau doit être sérieusement étudiée dès leur phase de conception. Par exemple, les futurs réacteurs EPR2 situés à Penly, en bord de mer, seront installés 11 mètres au-dessus du niveau de la mer, conformément au scénario le plus pessimiste du GIEC à l’horizon 2100 concernant l’élévation du niveau marin. Mais « ils n’offrent aucune marge à la hauteur des effets éventuels d’une accélération de la fonte des calottes glaciaires » souligne la publication.

Pour les 8 EPR2 additionnels en cours d’étude qui seront probablement installés au sein de centrales existantes en bord de rivière, la Cour des comptes réclame un examen minutieux de leur localisation. En effet, la perte de production pourrait être accrue du fait du rejet cumulé des eaux du parc actuel avec celles des nouveaux réacteurs.

4 recommandations pour l’avenir du nucléaire face au changement climatique

Pour conclure, la Cour des comptes considère qu’EDF et l’État doivent en faire davantage pour que les conséquences du changement climatique soient mieux intégrées à l’étude de l’avenir de la filière. Pour cela, l’institution recommande de :

  • Fiabiliser les mesures de prélèvement et de consommation d’eau des centrales nucléaires ;
  • Calculer les coûts d’adaptation des centrales nucléaires au changement climatique ;
  • Communiquer les impacts de la contrainte hydrique sur les centrales situées en bord de rivière ou d’estuaire et au besoin, adapter leurs capacités de stockage ;
  • Élaborer une approche commune d’adaptation du nouveau nucléaire au changement climatique.