Passer du kérosène à l’hydrogène est un gigantesque défi technologique pour l’aviation. Si les premiers Airbus ou Boeing « verts » ne sont pas pour demain, la filière avance à petits pas. Moteurs à hydrogène, systèmes de ravitaillement : plusieurs industriels viennent de dévoiler leurs évolutions.

« L’avion est né avec le pétrole et mourra avec le pétrole » annonçait le médiatique polytechnicien Jean-Marc Jancovici au micro de France Inter. Un avis partagé par certains scientifiques, très critiques envers les projets de transition de l’aviation vers l’hydrogène et, dans une moindre mesure, vers les carburants alternatifs (SAF). Les défis techniques sont immenses et ne pourraient être relevés dans le court délai imposé par le changement climatique.

Voler à l’hydrogène est considérablement plus complexe qu’au kérosène. D’abord, parce qu’il faut le produire à partir d’autres énergies, contrairement au pétrole qui est simplement extrait du sous-sol et raffiné. Son stockage sous forme liquide, qui présente la plus grande densité énergétique, nécessite un système de refroidissement (−253 °C) ou de compression (1 013 bars) extrêmement puissant. Seuls les lanceurs spatiaux en sont aujourd’hui équipés.

Plus petit atome de l’univers, l’hydrogène fuit inéluctablement des réservoirs. Il est d’ailleurs considéré comme un gaz à effet de serre bien plus problématique que le dioxyde de carbone. Son transport et sa distribution posent également question, puisqu’il ne pourrait pas utiliser les installations existantes pour le gaz et hydrocarbures (au-delà d’un certain mélange).

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Bruler l’hydrogène ou le transformer en électricité ?

Pourtant, l’industrie aéronautique y croit toujours et avance pas à pas vers l’avion à hydrogène, sans que l’on sache vraiment quand il volera pour la première fois. Fin novembre, le motoriste Rolls-Royce a ainsi annoncé avoir testé avec succès un turbopropulseur à hydrogène. Dérivé du moteur AE 2100-1 exploité sur les appareils régionaux comme Saab 2000 et certains avions militaires, l’engin a été simplement démarré au sol. Ni caréné ni installé sur un aéronef, le moteur a consommé quelques litres d’hydrogène compressé dans des bouteilles ordinaires. Rollys-Royce n’a fourni aucun détail technique.

De son côté, Airbus a dévoilé un projet de turbopropulseur à pile à combustible à hydrogène. Une technologie différente, qui consiste à générer de l’électricité par réaction de l’hydrogène avec de l’oxygène, au lieu de le bruler. Le moteur sera testé avant 2030 sur un avion démonstrateur baptisé « ZEROe », un A380 modifié pour l’occasion. Ce dernier devra également éprouver les réservoirs d’hydrogène liquide alimentant le turbopropulseur.

À gauche : le turbopropulseur à pile à combustible imaginé par Airbus. En haut à droite : l’A380 d’essais avec le turbopropulseur H2. En bas à droite : le turbopropulseur à hydrogène testé par Rolls-Royce.

Fournir l’hydrogène et ravitailler les avions

L’objectif est de faire voler, à l’horizon 2035, un premier appareil 100 % hydrogène capable de transporter 100 passagers sur 1 000 miles nautiques (1 852 km). En parallèle, l’avionneur européen annonce travailler sur les systèmes de remplissage, autre défi crucial. En partenariat avec l’entreprise spatiale ArianeGroup, il veut construire la première station de ravitaillement en hydrogène liquide pour l’aviation, sur l’aéroport de Toulouse.

Prévue pour 2025, la station sera exploitée pour les essais du premier avion « vert » d’Airbus. Il restera enfin à assurer un approvisionnement sûr et durable, la production d’hydrogène bas-carbone nécessitant d’importantes infrastructures et consommant de grandes quantités d’électricité. L’avionneur a d’ailleurs récemment averti qu’il pourra tenir son programme seulement si les énergéticiens sont en mesure de lui fournir suffisamment d’hydrogène.

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