L’hydrogène serait-il la clé pour décarboner les villes de demain ? Si un scénario 100 % hydrogène pourrait sembler séduisant sur de nombreux aspects, il présente tout de même des limites qui semblent difficiles à accepter.

Et si Al Khobar, cette ville saoudienne de 500 000 habitants bordée par le golfe Persique, devenait la première ville 100 % hydrogène au monde ? C’est ce qu’a proposé le scientifique indépendant Alberto Boretti dans l’International Journal of Hydrogen Energy, une revue scientifique spécialisée dans l’hydrogène. Dans son article, Alberto Boretti indique que l’Arabie Saoudite, grâce à ses ressources en gaz fossile, pourrait produire dès maintenant de grandes quantités d’hydrogène « noir » permettant d’alimenter des villes entières.

Si cet hydrogène serait fortement carboné puisque produit à partir de ressources fossiles, le pays pourrait ensuite construire progressivement des infrastructures nécessaires à la production d’hydrogène vert. Pour cela, la ville d’Al Khobar présenterait un profil idéal, notamment grâce à son emplacement, ses capacités de production de gaz fossile, ainsi que son potentiel solaire et éolien. D’ailleurs, la société Saudi Aramco crée actuellement un hub dédié à l’hydrogène dans la ville industrielle de Jybail, à seulement 100 km de là.

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Pour un besoin en puissance de l’ordre de 200 MW pour la ville d’Al Khobar (500 000 habitants), il faudrait, selon Alberto Boretti, environ 1 GW d’installation de production solaires et éoliennes, voire 1,3 GW pour pouvoir produire également du combustible renouvelable. À ces moyens de production devrait être associé l’équivalent de 997 MW d’électrolyseurs (509 MW dans le cas d’une utilisation combinée à des batteries). Grâce à ces installations, et moyennant l’ajout d’une capacité de stockage d’hydrogène de l’ordre de 145 000 MWh, Al Khobar pourrait devenir la première ville au monde alimentée par un mix d’hydrogène bleu, blanc et vert ainsi que par l’électricité solaire. En dimensionnant ces installations, Alberto Boretti a même pris en compte la possible évolution interannuelle des capacités de production, principalement liées au changement climatique actuel.

L’hydrogène, un problème de rendement

La solution proposée par Alberto Boretti a du sens sur de nombreux aspects. Le recours massif à l’hydrogène permettrait, en effet, de décorréler en grande partie la production d’énergie, et son utilisation. À l’instar des énergies fossiles traditionnelles, avec des moyens de stockage adaptés, il serait possible de se soustraire presque complètement aux contraintes liées à l’intermittence des énergies renouvelables que sont le solaire et l’éolien.

Pourtant, cette solution a un inconvénient colossal : son rendement. Alberto Boretti annonce un rendement de 75 % pour la production d’hydrogène, et un rendement de 55 % pour la production d’électricité à partir d’hydrogène, l’électrolyse. En d’autres termes, pour 100 MWh d’électricité, on obtiendrait l’équivalent de 75 MWh d’énergie sous forme d’hydrogène. Ensuite, pour que cette énergie soit de nouveau utilisée, l’hydrogène devrait de nouveau être transformé en électricité, avec un rendement de 55 %, donnant ainsi 41,15 MWh d’électricité.

Par conséquent, dans la proposition d’Alberto Boretti, la chaîne hydrogène aurait un rendement global de 41 %. Bien plus faible que de nombreux autres systèmes de stockage d’énergie comme les STEP, qui affichent un rendement compris entre 75 et 80 %, ou encore les batteries, qui affichent un rendement supérieur à 90 %. Pourtant, les chiffres proposés par le scientifique indépendant sont très optimistes. Une note de l’ADEME sur le sujet annonce un rendement global plus proche des 25 % que des 41 %, en fonction des technologies retenues.

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Privilégier l’utilisation directe et le stockage journalier

Pour cette raison, privilégier un fonctionnement entièrement électrique, en limitant au maximum les étapes de transformation intermédiaires, paraît être une solution plus avantageuse d’un point de vue environnemental. Il conviendrait de favoriser, en journée, l’utilisation directe de l’énergie produite, ainsi qu’un système de stockage journalier. La STEP de Hatta, en Arabie Saoudite, les systèmes de stockage d’électricité par batterie, ou encore les installations de stockage gravitaire, sont quelques exemples.

L’hydrogène, lui, paraît surtout adapté à la décarbonation d’installations très gourmandes en électricité, ainsi qu’à certains moyens de transport pour lesquels le poids des batteries représenterait un obstacle insurmontable. On pense notamment à l’aviation.