Certains l’auront peut-être remarqué lors de la présentation du nouveau gouvernement, le ministère de la Transition énergétique était aux abonnés absents. Loin d’être un simple oubli, ou un choix d’organisation, la disparition du ministère porté par Agnès Pannier-Runacher pourrait cacher un changement idéologique important

Ce jeudi 11 janvier, la France découvrait la composition du gouvernement formé par le nouveau Premier Ministre Gabriel Attal. Dans la liste plus restreinte qu’à l’accoutumée des 14 ministres, les plus observateurs auront pu constater une absence de taille : celle du ministère de la Transition énergétique. Agnès Pannier-Runacher, qui en avait la charge depuis le 20 mai 2022, a été nommée ministre déléguée en charge de la Santé. Christophe Béchu, lui, reste ministre de la Transition écologique.

La fin du grand ministère de l’Écologie ?

Après quelques heures de flottement, il semblerait que la gestion du domaine de l’énergie revienne du côté de Bercy, sous la tutelle du ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Il s’agit d’une première, ou presque, depuis 2007. À cette époque, Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait décidé de réunir le ministère de l’Équipement ainsi que le ministère de l’Écologie pour former un grand ministère de l’Écologie et du Développement Durable. À cette époque, l’énergie avait rejoint le portefeuille de ce ministère pour ne plus le quitter, excepté lors d’une parenthèse de moins de deux ans pendant laquelle il avait été rattaché à l’économie, entre 2010 et 2012.

Durant toute cette période, le ministère de la Transition écologique prenait la charge de nombreux domaines comme le transport, le logement ou encore la cohésion des territoires. Au fil des gouvernements, ce ministère est monté, progressivement, dans la hiérarchie des ministères, pour atteindre la cinquième place du gouvernement Borne, nommé en juillet 2022.

À lire aussi ChatGPT ferait-il un bon ministre de la transition énergétique ?

Dans le gouvernement formé par Gabriel Attal, outre l’absence de ministre de la Transition énergétique, le ministère de la Transition écologique est relégué en 10ᵉ position. Cet ensemble de décisions inquiètent de nombreux acteurs de la transition écologique sur l’importance qu’accorde ce nouveau gouvernement aux enjeux de notre siècle.

Ces changements d’importance, qui pourraient témoigner d’un changement de rapport entre le gouvernement français et la transition écologique, inquiètent de nombreux acteurs du mouvement écologique au sens large. Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, s’est notamment demandé sur le réseau social X : « Et le ministère de la Transition énergétique, il a disparu ou j’ai raté une annonce ? ». De son côté, WWF France a annoncé dans un communiqué : « C’est un recul de 15 ans. Comment le Premier ministre pourra-t-il encore prétendre être en charge de la planification écologique et énergétique alors que ces deux portefeuilles seront à nouveau écartelés entre des ministères et des intérêts opposés ? C’est un très mauvais signal au moment même où des textes importants de programmation doivent être discutés dans les toutes prochaines semaines. »

À lire aussi Eoliennes : Barbara Pompili monte au créneau !

Un changement de philosophie sur la transition énergétique ?

En réalité, ces décisions pourraient laisser présager, non pas un désintérêt du gouvernement vis-à-vis de l’écologie, mais plutôt un changement d’idéologie. Ce changement pourrait notamment faire écho aux déclarations du 7 janvier dernier d’Agnès Pannier-Runacher, dans une interview accordée à La Tribune. La ministre de la Transition énergétique avait ainsi indiqué qu’il était nécessaire d’aller plus loin que les 6 EPR déjà prévus et que les besoins en électricité étaient équivalents à 8 réacteurs nucléaires additionnels.

Dans une interview donnée le lendemain pour France Info, elle indiquait vouloir sortir du débat qui voudrait opposer énergies renouvelables et nucléaire, et déclarait ainsi : « Moi je fais à la fois du nucléaire, et des renouvelables, et au maximum », ajoutant que les français veulent une électricité « abondante, produite sur leur territoire, et à un prix compétitif ». Pour finir, l’ancienne ministre expliquait que la priorité était avant tout de produire de l’énergie sans utiliser d’énergie fossile, peu importe la technologie.

Entre les lignes de ces différentes annonces, semble se dessiner un changement de philosophie qui mettrait l’accent sur une augmentation de nos moyens de production d’énergie tout en mettant de côté la sobriété. Avec de tels discours, c’est tout un pan d’idéologie écologiste qui semble mise de côté, avec notamment la rationalisation des usages et des comportements comme moyen indispensable de réduire l’impact environnemental de nos sociétés. Néanmoins, ce discours semble plus en phase avec la réalité d’une société dont l’économie est toujours basée sur la croissance, et pour laquelle la décroissance ne semble pas envisagée.