Que ce soit pour l’équipement des véhicules électriques ou le stockage de l’électricité produite par des installations solaires ou des parcs éoliens, les batteries lithium-ion sont devenues un des maillons essentiels de la transition énergétique. Mais dans certains médias et sur les réseaux sociaux, leur empreinte écologique est régulièrement pointée du doigt. Alors, si « sales » que ça les batteries ?

Des batteries géantes sont notamment de plus en plus utilisées pour l’équilibrage des réseaux électriques. Dans ce cas elles permettent d’éviter les risques de blackout. Mais un nombre croissant de ménages et d’entreprises en installent également pour stocker l’électricité produite par leurs panneaux photovoltaïques.
Les critiques à leur encontre concernent principalement leur utilisation de « terres rares » ou de « métaux rares » comme le cobalt, mais aussi l’empreinte écologique du lithium dont l’extraction consommerait des « quantités astronomiques » d’eau ou le fait qu’elles ne seraient pas ou peu recyclées. Qu’en est-il vraiment ?

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Lithium et consommation d’eau

Le lithium est utilisé dans l’électrolyte des batteries. Il n’y en a pas dans les matériaux constituants des électrodes. Ce métal léger ne représente que 2 % du poids d’une batterie. Contrairement à la (fausse) rumeur, il est relativement abondant sur terre. Comme le sodium, son cousin de la famille des alcalins (lequel est un des composants du sel de cuisine), on trouve du lithium dans l’eau des océans à raison de 18 mg/l. Même sans tenir compte de cette ressource, les réserves mondiales exploitables sont estimées à 80 millions de tonnes. Au rythme de sa consommation actuelle, on en a pour … 900 ans !
Le lithium n’est pas seulement utilisé dans les batteries, il intervient aussi par exemple dans la fabrication des verres et des céramiques, des graisses et des lubrifiants ou de l’acier.

Pour des raisons économiques il est surtout extrait dans deux types de gisements :

  • les « saumures »[1] qui se trouvent dans des nappes souterraines, sous les « salars », c’est-à-dire les déserts de sel présents principalement en Amérique du sud (Bolivie, Argentine, Chili) ;
  • certaines roches riches en lithium appelées « pegmatites » ; ces gisements-là sont répartis un peu partout sur la planète, y compris en Europe, mais ils sont surtout exploités en Australie, dans des carrières à ciel ouvert, où leur concentration en lithium est plus élevée.
60% du lithium extrait dans le monde provient de carrières en Australie

Du lithium en quantités non négligeable a aussi été détecté dans certaines nappes phréatiques. Son exploitation est notamment envisagée en Alsace et en Allemagne, de l’autre côté du Rhin.
Des carrières de lithium sont également en projet dans plusieurs pays européens, notamment en Serbie et au Portugal.


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Aujourd’hui, 60% du lithium consommé dans le monde sont extraits des carrières de pegmatique en Australie. C’est d’ailleurs de celles-ci que provient la quasi-totalité du lithium présent dans l’électrolyte des batteries car cette utilisation nécessite un lithium très pur ; or celui qui est prélevé dans les salars d’Amérique du Sud contient plus d’impuretés et son raffinage est coûteux.

Pourtant lorsque l’empreinte écologique du lithium des batteries est montrée du doigt par certains, c’est son extraction dans les salars qui est critiquée. Les « saumures » contenant le chlorure de lithium sont situées dans des nappes souterraines entre 1,5 et 60 m de profondeur sous les salars. Elles sont pompées et déversées en surface dans des bassins d’évaporation. Le chlorure de lithium y est ensuite progressivement concentré puis récolté par une méthode similaire à celle qu’on utilise pour produire du sel de cuisine dans les marais salants. Une technique qui « consomme des quantités énormes d’eau » reprochent certains : la production du lithium contenue dans la batterie d’une Tesla (capacité de 64 kWh) s’accompagnerait par exemple de la consommation de 3.800 à 6.000 litres d’eau.

Extraction de lithium dans un salar d’Amérique du sud, par une technique similaire à celle qui est utilisée dans les marais salants. Mais ce n’est pas ce lithium qui est employé dans les batteries

A première vue, cela semble effectivement beaucoup.
Mais relevons d’abord que cette eau provient des saumures très chargées en sel se trouvant dans les nappes sous les salars, qu’elle est tout-à-fait impropre à la consommation et qu’elle ne peut pas être utilisée non plus pour l’irrigation des cultures.
Ensuite, une étude scientifique menée par des chercheurs de l’Institut Helmholz de Ulm en Allemagne a démontré qu’en réalité cette quantité d’eau est équivalente à celle qui est nécessaire pour cultiver 10 avocats ou le café utilisé dans 30 tasses, ou encore produire :

  • 250 grammes de viande de bœuf ;
  • ½ jean
  • 211 litres d’essence : l’industrie du pétrole consomme en effet 18 litres d’eau pour produire un litre de carburant.

Sachant que le lithium contenu dans la batterie de cette Tesla n’est pas consommé, qu’il permettra sans doute de parcourir plus de 500.000 kilomètres, qu’il pourra ensuite être recyclé (voir ci-dessous) et qu’il ne provient pas des salars d’Amérique du Sud mais de mines en Australie, vous comprendrez sans doute très bien que le procès fait aux batteries et aux véhicules électriques à cause de l’empreinte écologique du lithium est tout-à-fait scandaleux.
Dommage que tant de médias, de journalistes et mêmes d’associations environnementales ou écologistes se soient laissés si facilement berner par les lobbies du pétrole …

Terres rares

Autre reproche souvent entendu : les batteries contiendraient des « terres rares », dont l’extraction, en Chine notamment, serait une source importante de pollution de l’environnement. Un article paru dans automobile-propre.com coupe les ailes à cette fausse rumeur.
En résumé, il ne s’agit pas de terres, mais de métaux et ils ne sont pas rares ! C’est en fait le nom d’une famille de 17 éléments chimiques du fameux tableau de Mendeleïev que tous les lycéens ont un jour appris à connaître.
Contrairement à ce que leur nom pourrait laisser penser, l’abondance des terres rares dans l’écorce terrestre est bien plus grande que celle de nombreux autres métaux d’usage courant : leur concentration est trois fois plus importante que celle du cuivre et deux fois plus que celle du zinc, deux métaux pourtant très utilisés dans l’industrie et présents dans de nombreux biens d’usage courant. Les terres rares sont par exemple 200 fois plus abondantes sur terre que l’or ou le platine. En d‘autres termes, les réserves exploitables de terres rares sont bien moins critiques que celles de nombreux autres métaux stratégiques. Au rythme de leur consommation actuelle, nous en avons pour 800 ans (contre par exemple 30 ans pour le cuivre).

Mais ce qu’il faut surtout préciser, c’est que les batteries lithium ion … ne contiennent pas de terres rares !
D’où vient alors cette rumeur ? Il y a une vingtaine d’années, les premiers véhicules hybrides qui embarquaient une batterie, notamment la Toyota Prius et la Honda, étaient équipés de batteries NiMH (Nickel Métal Hybride) dont l’électrode négative (anode) était constituée d‘un alliage de lanthane-pentanickel (LaNi5). Les accumulateurs de ces véhicules hybrides de la première génération contenaient une dizaine de kilos de lanthane, lequel est bel et bien une terre rare. Mais aujourd’hui cette technologie de batteries est dépassée : elle a été remplacée par la famille des batteries lithium-ion (Li-ion) aux performances bien plus élevées qui ne contiennent donc pas de terres rares.

La batterie d’une Renault Zoé : comme celles des autres véhicules électriques, elle ne contient pas de terres rares.

Cobalt et exploitation des enfants

Autre critique souvent entendue : les batteries lithium-ion contiennent du cobalt. Il ne s’agit pas vraiment d’un métal rare mais le reproche qui lui est fait est d’être extrait dans des mines au Congo, lesquelles exploiteraient des enfants, violeraient les droits des travailleurs et pollueraient l’environnement.
Il est exact qu’environ 50 à 60 % de la production mondiale de cobalt est concentrée en République du Congo et qu’on peut y trouver des enfants dans certaines petites mines artisanales. Une recherche sur le net vous fera découvrir de nombreuses photos d’enfants, travaillant les pieds dans la boue à l’extraction de minerais de cobalt. Une situation évidemment lamentable et hautement déplorable qu’a notamment dénoncé Amnesty International.
Plusieurs associations et ONG ont mené leur enquête : ces mines artisanales, et d’ailleurs illégales, qui exploitent des enfants et violent les droits humains, produisent environ 10 % du cobalt en provenance du Congo. Cela concerne donc 5 à 6% de la production mondiale. Les autres 90% des mines congolaises sont exploitées par des grands groupes miniers multinationaux, lesquels pour ne pas ternir leur renommée, notamment auprès de leurs clients, se préoccupent du respect des droits des travailleurs et n’utilisent pas d’enfants.

A titre de comparaison, la proportion des usines textiles qui occupent des enfants, principalement en Asie et en Afrique est bien supérieure à 5 %. Pourtant, l’industrie textile ne fait pas l’objet de campagnes de dénigrement semblables à celles dont est victime la production de batteries de stockage.

Les mines artisanales et illégales où travaillent des enfants au Congo ne concernent que 5 à 6 % de la production mondiale de cobalt

Soucieux de leur image, la plupart des fabricants de batteries et de voitures électriques comme notamment Renault, BMW, Ford, Mercedes, Volvo, le groupe Volkswagen et Tesla, ont annoncé avoir pris des mesures pour contrôler les chaines d’approvisionnement des métaux utilisés dans leurs batteries et s’assurer qu’ils ne proviennent pas de mines qui violent les droits humains.
Ces mesures sont similaires à celles qu’adoptent les grandes chaînes de distribution pour s’assurer de la provenance des ingrédients contenus dans les aliments qu’elles mettent sur le marché, notamment les produits labellisés bio ou munis d’une marque de qualité. Pour contrôler leurs chaînes logistiques, ces entreprises automobiles ou alimentaires utilisent notamment la technologie de la blockchain.

Enfin, il est important de signaler que les fabricants d’accumulateurs lithium ion utilisent de moins en moins de cobalt : les cellules de type NMC 811 qui équipent les voitures électriques les plus récentes en contiennent 2 à 3 fois moins que les cellules NMC 622 ou NMC 111 utilisées dans les générations précédentes de véhicules électrifiés. Et tous les constructeurs annoncent qu’ils travaillent à la mise au point de batteries sans cobalt. Les premiers exemplaires devraient très bientôt arriver sur le marché.


>>> Lire aussi : Le fabricant chinois SVOLT présente la première batterie Li-Ion sans cobalt


En conclusion, vous comprenez que le procès fait aux batteries de stockage quand elles sont accusées d’être responsables du travail des enfants dans des mines insalubres est en réalité une fausse rumeur, pour ne pas dire une « fake news ».

Recyclage

Qu’en est-il maintenant du recyclage de ces batteries ? Il faut d’abord savoir qu’il existe une législation européenne qui oblige les fabricants à récolter les accumulateurs électriques en fin de vie et à les recycler à leurs frais. Il s’agit de la directive 2006/66/EC relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’à leurs déchets, laquelle impose notamment aux fabricants de s’enregistrer en tant que producteur de batteries et à confier celles qui arrivent en fin de vie à un recycleur dont le procédé garantit au moins 50% de recyclage.
En Europe, plusieurs usines de recyclage des batteries lithium ion sont opérationnelles. L’une d’elle, exploitée par le groupe Umicore est située en Belgique, à Hoboken près d’Anvers. J’en ai dénombré au moins 3 autres dont une en France, près de Lyon et deux en Allemagne. Plusieurs autres sont en construction ou à l’état de projet.

J’ai personnellement visité celle qu’exploite la société allemande Duesenfeld. Elle est située à moins de 13 km du hall de fabrication des batteries de Volkswagen près de Brunswick en Basse-Saxe. Les infos et les impressions que j’en ai ramenées sont réjouissantes : il est possible de recycler ces batteries avec un impact environnemental très réduit. Les métaux et les matériaux récupérés permettent de fabriquer de nouvelles batteries avec des émissions de gaz à effet de serre inférieures à celles qui sont produites lorsque les accumulateurs sont assemblés avec de nouveaux matériaux.
Duesenfeld a mis au point une technique de recyclage « à froid », économe en énergie qui permet de réutiliser 91 % des matériaux contenus dans les batteries et notamment les métaux stratégiques comme le cobalt, le nickel, le manganèse et le lithium.

Démontage d’une batterie en fin de vie à l’usine de recyclage Duesenfeld

Autre avantage de cette technologie : les premières opérations peuvent être décentralisées et se faire dans des containers mobiles placés à proximité des sites des constructeurs qui confient leurs batteries à recycler. Ce démantèlement décentralisé réduit le volume des composants à traiter et par conséquent les coûts des transports mais aussi leur empreinte environnementale.

Alors, finalement, pensez-vous qu’elles soient vraiment si « sales » ces batteries ? N’hésitez pas à donner votre avis dans les commentaires ci-dessous.


[1] Saumure : est une eau très concentrée en sels et autres éléments solides dissous.  Les saumures se trouvant sous les salars d’Amérique du Sud sont chargées en lithium.