Après l’Afrique du Sud, l’Égypte sera le second pays du continent africain à exploiter une centrale nucléaire. Elle sera implantée à El Dabaa, en bordure de la mer Méditerranée. Le premier béton du réacteur n°3 vient d’être coulé.

La centrale nucléaire d’El Dabaa en Égypte sera équipée de 4 réacteurs russes VVER-1200 d’une puissance électrique de 1,2 GW chacun, pour un total de 4,8 GW. Le site se trouve en bord de mer, à un peu plus de cent kilomètres à l’ouest d’Alexandrie. Les réacteurs en construction, conçus et construits par la société d’État russe Rosatom, sont du même modèle que ceux déjà en service dans les centrales de Leningrad et de Novovoronezh en Russie, ainsi que dans la centrale d’Ostrovets en Biélorussie.

La construction de l’unité 1 a commencé en juillet 2022, et celle de l’unité 2 a suivi en novembre. Tout récemment, le premier béton a été coulé dans les fondations de l’unité 3, peu après l’approbation de l’autorité de contrôle égyptienne (ENRRA, Egyptian Nuclear and Radiological Regulatory Authority) accordée le 29 mars 2023. Une cérémonie organisée à l’occasion du démarrage des travaux a réuni des officiels égyptiens et russes, notamment de la Nuclear Power Plants Authority (NPPA), propriétaire de la centrale, et de Rosatom, le constructeur.

Les contrats qui lient NPPA et Rosatom sont entrés en vigueur le 11 décembre 2017. Le premier réacteur devrait entrer en service en 2026. Toutefois, l’histoire de la centrale d’El Dabaa fut plus laborieuse qu’il n’y paraît.

Le chantier du réacteur n°3 de la centrale nucléaire d’El Dabaa / Image : Rosatom.

L’histoire tourmentée de la centrale nucléaire d’El Dabaa

Le projet de centrale nucléaire d’El Dabaa, fut tumultueux. L’emplacement a été désigné comme site du programme nucléaire égyptien en 1981, par Hosni Moubarak peu après son accession au pouvoir. Un appel d’offre est lancé en 1983, mais le projet est abandonné à la suite de l’accident de Tchernobyl en 1986.

En août 2010, le président Moubarak relance le projet d’El-Dabaa, pour une mise en service 2019. En 2013, le ministère de l’électricité égyptien annonce lancer un appel d’offres international. Toutefois, c’est au cours de l’été de cette année que se produit le coup d’État d’Abdel Fattah al-Sissi, qui accède au pouvoir en 2014. Une offre russe est alors étudiée, aboutissant à la signature d’un accord entre l’Égypte et la Russie en 2017.

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Selon ce contrat, Rosatom va construire la centrale, mais fournira également le combustible nucléaire pour l’ensemble de son cycle de vie. L’entreprise russe aidera également à la formation du personnel égyptien et assurera la maintenance de la centrale pendant les dix premières années de son exploitation. Rosatom est aussi chargé de construire une installation de stockage spéciale et de fournir des conteneurs pour le stockage du combustible nucléaire usagé. C’est enfin la Russie qui fournit à l’Égypte un prêt à 3 %, destiné à financer 85 % des 30 milliards de dollars de coût total du projet.

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Quel impact sur le mix énergétique égyptien ?

D’après l’Agence Internationale de l’Énergie, la production totale d’énergie primaire de l’Égypte est de l’ordre de 1 000 TWh (3,63 EJ, « exajoules », soit 3,63·1018 J). Par ailleurs, l’Égypte est un pays très riche en gaz naturel. Ainsi, en 2021, d’après la Energy Information Administration étasunienne, les ressources en gaz naturel de l’Égypte s’élèvent à environ 1 800 Gm3 (milliards de m3), soit les troisièmes réserves par ordre de taille de l’Afrique. La production de l’Égypte est de l’ordre de 70 Gm3. De ce fait, la production d’énergie primaire est très largement dominée par le gaz naturel (2,13 EJ) et le pétrole (1,25 EJ).

L’Égypte produit 192 TWh d’électricité, lesquels représentent environ 20 % de la consommation finale d’énergie. On ne sera pas surpris par le fait que ce sont des centrales thermiques au gaz naturel qui assurent la plus grande part de la fourniture d’électricité, à hauteur de 161 TWh, soit 84 %. Leur capacité installée s’élève à 54 GW, pour un total toutes sources d’énergie confondues de 60 GW.

La centrale nucléaire d’El Dabaa va donc représenter plus de 7 % de la capacité électrique installée en Égypte, ce qui est très significatif. Il s’agira de la seconde centrale nucléaire construite en Afrique, après celle de Koeberg en Afrique du Sud, constituée de deux réacteurs de 920 MW construits par un consortium français réunissant Framatome, Alstom et Spie Batignolles.

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