Le gouvernement turc a tracé des objectifs pour le moins ambitieux pour augmenter la part des énergies bas-carbone dans son mix énergétique. Ainsi, compte-t-il, d’ici 2030, produire 10 % de son électricité à partir du nucléaire. Cela permettra de réduire les importations du gaz naturel utilisé par ses centrales. Prévue il y a trois ans, la première centrale nucléaire turque à Akkuyu sera bientôt réceptionnée, mais la Turquie est peu convaincante sur des enjeux vitaux.

Connue pour être plutôt un bon exemple en matière de renouvelable, la Turquie produit 53 % de son électricité à partir d’énergies vertes, essentiellement d’origine hydraulique, mais également éolienne, solaire, géothermique et de biomasse. Le reste étant produit depuis des ressources fossiles : gaz naturel, lignite et charbon.

Par ailleurs, et afin de diversifier ses sources d’énergie et de réduire sa dépendance aux combustibles fossiles, la Turquie a élaboré une stratégie nucléaire pour répondre à ses besoins croissants. L’objectif est d’atteindre 10 % de sa production d’électricité à partir d’énergie nucléaire, d’ici 2030. Première grande étape de cette stratégie, la construction, lancée en 2015, d’une centrale nucléaire à Akkuyu (sud). Composée de 4 réacteurs totalisant 4 800 MW de puissance installée, son coût est estimé à 20 milliards de dollars. Le projet s’inscrit dans le cadre d’un partenariat avec la Russie, en dépit des tensions politiques entre les deux pays causées par la guerre en Ukraine. Le président russe a rassuré que ce projet était « purement commercial » et qu’« il sera réalisé loin de toute considération politique ».

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Selon les autorités turques, la centrale nucléaire d’Akkuyu sera bientôt opérationnelle, avec un premier réacteur de 1 200 MW. Il s’agit de la première étape avant la pleine exploitation, qui devrait survenir à l’horizon de 2026. Cette première centrale sera dotée de réacteurs nucléaires avancés de troisième génération (réacteurs à eau pressurisée de type VVER-1200 de conception russe), avec des systèmes de sécurité annoncés comme modernes. Mais les observateurs restent sceptiques quant aux garanties avancées par les Turcs.

Enjeux politiques et écologiques éludés

Ce projet de centrale nucléaire connait, outre des problèmes de sécurité et d’environnement, des retards et des obstacles à répétition liés à la réglementation et au manque de financement en raison notamment de l’embargo instauré sur les banques russes. Malgré tous les déboires essuyés jusqu’ici, Moscou, à travers son entreprise Rosatom, et Ankara se disent déterminés à aller jusqu’au bout.

D’abord, sur le volet sécurité, Rasatom est pointée du doigt par l’Agence internationale de l’énergie atomique (IAEA) qui l’accuse de prendre des risques, surtout depuis la mainmise de l’armée russe sur les centrales nucléaires et le réseau électrique ukrainien.

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Par ailleurs, un procès a été intenté, dès 2018, par des habitants de la province de Mersin, où est érigée la station, soutenus par des militants écologistes. Ils mettent en garde contre les effets néfastes des rejets chauds de la future centrale sur l’écosystème marin. Car cette dernière utilisera les eaux de la Méditerranée pour son refroidissement.

Enfin, en 2021, un incendie déclaré dans le chantier a ravagé des centaines d’hectares de la forêt avoisinante, calcinant au passage des habitations et des plantations. En plus des retombées économiques sur la vie des riverains, ces derniers craignent des risques liés à la radioactivité. La demande accrue de l’économie turque en énergie (+160 % en vingt ans), entraîne le pays dans une course effrénée à l’augmentation des capacités de production.