Pour respecter ses engagements en faveur du climat, l’Union européenne ne mettrait pas suffisamment la main à la poche. Il manquerait annuellement 406 milliards d’euros d’investissements annuels, soit 2,6 % du PIB, selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE).

Le think tank I4CE a épluché les investissements climatiques européens. Bien que 407 milliards d’euros aient été investis en 2022, c’est sur le double qu’il faudrait compter pour tenir nos objectifs climatiques pour 2030. 406 milliards d’euros sont donc manquants chaque année, soit 2,6 % du PIB, pour que les 22 secteurs d’activités ciblés réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990. La rénovation énergétique des bâtiments, l’installation de pompes à chaleur, véhicules électriques, énergies renouvelables… comptent parmi ces investissements.

En tout, le cercle de réflexion comptabilise un nécessaire objectif d’investissement de 813 milliards d’euros annuels, public et privé. Cela représente environ 1 800 euros par an et par habitant de l’UE. Cette estimation vient, selon les auteurs du rapport, combler « une lacune » car « l’UE ne dispose pas d’un outil cohérent pour assurer le suivi annuel du déficit d’investissement dans le domaine du climat. » C’est d’ailleurs la proposition du Conseil scientifique consultatif sur le climat de « s’efforcer d’obtenir une vue d’ensemble plus granulaire et plus précise des investissements requis et réels dans l’atténuation du changement climatique afin de suivre et d’évaluer les progrès réalisés. »

Une « approche globale » nécessaire

Le déficit d’investissements durables nécessitera « une approche globale » associant règlementations existantes et futures, mesures de tarification du carbone et « un certain nombre de financements publics supplémentaires de la part de l’UE. » L’estimation de l’I4CE est deux fois moindre que les 40 000 milliards sur lesquels l’institut Rousseau planche pour décarboner l’économie de l’union, dans une étude commandée par les Verts. Les auteurs expliquent que « les trois quarts de ces fonds peuvent être obtenus en réaffectant les dépenses actuelles qui sont soit superflues, soit nuisibles à la transition. » Les dépenses publiques devront donc doubler et cela n’a pas à effrayer selon eux : c’est « moins que les dépenses de relance post-Covid (338 milliards d’euros par an) ou que les subventions aux combustibles fossiles des Vingt-Sept (359 milliards d’euros par an). » L’énergie de son côté doit capter 22 % (79 milliards d’euros par an) de l’investissement supplémentaire total (public et privé confondus).

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Cesser de restreindre les investissements

Les précédents montants avancés sont considérables, plus grands que ceux envisagés par la Banque européenne d’investissement (BEI), Banque centrale européenne (BCE) et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) : 530 milliards d’euros par an d’ici à 2030 contre 330 milliards selon leur calcul en 2022. Lors d’une conférence de haut niveau en septembre 2023, elles notent que les dépenses consacrées au solaire, stockage des batteries, efficacité énergétique « dépassent déjà ou sont sur le point d’atteindre » les dépenses requises pour une transition réussie, quand d’autres « sont loin d’atteindre les niveaux requis » : bâtiments, réseaux, électrification de l’industrie notamment.

La BEI joue déjà un rôle « actif » dans ce domaine. Et son effet levier à travers ses prêts devra augmenter (1 pour 1,4 aujourd’hui). En témoigne « le plus grand prêt vert conclu en Europe », se réjouit la Commission, d’un montant de 1 milliard d’euros à la Suède pour la giga-usine de batteries Nothvolt pour 5 milliards levés (1 pour 5 donc). Cette même banque d’investissement devra, selon le responsable du Green Deal, « restaurer la neutralité technologique en étant moins dogmatique » dans les choix d’investissements énergétiques. »

« La Commission européenne devrait mieux évaluer et traiter le déficit d’investissement climatique de l’UE, sous peine de voir le Pacte vert (Green Deal) ne pas tenir ses promesses économiques, sociales et environnementales », prévient l’I4CE. Les récentes coupes budgétaires dans le domaine du climat pour contenir le déficit ne sont pas de bon augure, même dans le cadre d’une croissance économique timorée.