Réduire sa consommation d’électricité et soulager le réseau sans compromis ? C’est possible, grâce à une technique au nom abstrait : l’effacement diffus. Elle consiste à laisser vos radiateurs s’éteindre automatiquement durant quelques minutes. L’opération est pilotée à distance Voltalis, une société qui peut désormais moduler 300 MW de puissance en France.

Économiser de l’électricité n’est pas nécessairement une corvée. Au-delà des gestes volontaires, il existe un système simple, gratuit, sans contraintes et efficace pour réduire sa consommation et aider le réseau à passer les pics. Il s’agit de l’effacement diffus. Derrière cette appellation absolument pas attrayante se cache un concept ingénieux.

L’effacement diffus consiste à couper l’alimentation des appareils les plus énergivores durant quelques minutes, selon les besoins du réseau, entre autres paramètres. Pratiqué depuis plusieurs décennies chez les grands industriels, ce système débarque depuis quelques années chez les particuliers. Dans nos logements, le système se contente d’éteindre brièvement les radiateurs électriques.

À lire aussi On teste 4 outils pour gérer sa consommation d’électricité en temps réel

Une interruption imperceptible puisqu’elle s’étend généralement sur une dizaine de minutes et dépasse très rarement la demi-heure, dans tous les cas pas assez pour refroidir un logement. Les coupures sont réalisées par un petit boîtier connecté, installé en amont de chaque radiateur.

Ils sont pilotés à distance par une société spécialisée selon les besoins du réseau, les prix de l’électricité sur le marché spot et un mélange de paramètres, fruit d’un « savoir-faire » tenu secret, nous explique Mathieu Bineau, le patron de Voltalis.

Si c’est gratuit, c’est vous le produit ?

Cette entreprise détient actuellement 94 % du marché de l’effacement diffus chez les consommateurs de moins de 1 MW, dont les particuliers font évidemment partie. Elle installe gratuitement le dispositif chez tous ceux qui en font la demande, et fournit un accès à un espace gestion en ligne (site et application mobile). Cet espace permet notamment de créer des scénarios d’allumage et d’extinction pour chaque radiateur aux horaires et jours de son choix. Un outil toutefois jugé peu ergonomique par de nombreux utilisateurs, faute de mises à jour régulières.

« Si c’est gratuit, c’est vous le produit » affirme un célèbre adage. Dans le cas de l’effacement diffus, c’est votre sobriété qui est commercialisée. Car, pour rattraper les « 500 à 1 000 € » que lui coûte l’installation et générer des bénéfices, la société « vend » la consommation d’électricité que vous ne réalisez pas, de la même façon qu’une centrale vend l’électricité qu’elle produit. Pour le client, ces micro-coupures se traduisent par des économies d’énergie atteignant jusqu’à 15 % de la facture annuelle, selon l’entreprise.

À lire aussi Voltalis : l’effacement diffus prend son envol

Près de 200 000 foyers équipés pour 300 MW modulables

Voltalis est également financé à long terme via le mécanisme de capacité. Avec ses 200 000 foyers équipés en France, l’entreprise représente aujourd’hui 300 MW de capacité de modulation. Concrètement, elle peut éteindre l’équivalent d’un tiers de réacteur nucléaire de palier CPY en quelques secondes, sur simple demande du réseau.

Un effacement maximal qui interviendra « cet hiver au moment des pointes de froid » explique Mathieu Bineau, qui veut toutefois rassurer. « On n’a pas envie que les gens aient froid où soient gênés par le dispositif » assure-t-il. Les coupures devraient donc rester brèves, de l’ordre de quelques dizaines de minutes. « On ne s’autoriserait à faire des choses un peu longues en cas d’urgence » précise le dirigeant. Logiquement, un signal Ecowatt orange ou rouge devrait signifier des modulations plus étendues.

Si besoin, le consommateur peut toutefois reprendre la main en désactivant la coupure en cours. Un petit bouton est présent sur chaque boîtier afin de redémarrer le radiateur en cas d’inconfort.

À lire aussi Les compteurs Linky seront-ils bridés pour sauver la France d’un blackout ?

Cinq fois plus d’installations avec la crise énergétique

Crise énergétique oblige, Voltalis constate un fort engouement pour son système, notamment des pouvoirs publics qui souhaitent que « toutes les solutions [de sobriété, NDLR] soient déployées au plus vite ». « Le rythme d’installation a été multiplié par cinq ces derniers mois » assure Mathieu Bineau.

Certaines collectivités, comme la métropole de Lyon dernièrement, s’associent à l’entreprise pour inciter les ménages à s’équiper, via des campagnes de communication. « C’est le canal principal » de nouveaux clients, annonce le dirigeant, derrière les déploiements lancés par les bailleurs sociaux. Voltalis dispose d’une très grande marge de développement, le chauffage électrique pouvant représenter jusqu’à… 38 000 MW de puissance lors de vagues de froid intenses, comme celle record du 8 février 2012. C’est 127 fois plus que les 300 MW actuellement modulables par la société.

À lire aussi Le compteur Linky vous privera-t-il d’eau chaude cet hiver ?