Brûler des déchets organiques comme des résidus agricoles pour créer de l’électricité fait partie des modes de production plutôt respectueux de l’environnement. Mais sous la même étiquette « biomasse », une ancienne centrale au charbon des Bouches-du-Rhône fabrique du courant à partir de bois… en partie importé du Brésil.

Le sujet a fait couler beaucoup d’encre depuis qu’il a été autorisé, en 2012. Alors qu’elle fonctionnait jusque-là exclusivement au charbon, la centrale de Provence à Meyreuil, propriété d’Uniper, fait le choix de convertir une de ses deux tranches à la biomasse. Depuis 2015, ce n’est donc plus de la houille mais du bois qui brûle dans la chaudière. Une matière dont le plan d’approvisionnement est source de polémique.

Gloutonne, avec son puissant générateur de 150 mégawatts (MW), la centrale de Provence prévoit de réduire en cendres 850.000 tonnes de bois par an. Si l’exploitant promet de se fournir dans un rayon de 250 kilomètres d’ici 2026, la production forestière « locale » serait incapable de livrer une telle quantité dans des conditions écologiquement responsables.

La centrale de Provence et le village de Mimet – H.L.

Les parcs naturels effrayés par l’appétit de la centrale

Un plan qui a affolé les parcs naturels du Luberon et du Verdon ainsi que des collectivités locales et associations environnementales, qui ont saisi le tribunal administratif de Marseille en 2015. Leur crainte ? La faiblesse de l’étude d’impact réalisée par l’énergétiste dans une zone de 3 kilomètres autour de sa centrale. Déforestation, industrialisation de la ressource, les besoins monumentaux de la centrale risqueraient d’exercer une forte pression sur les territoires concernés, bien au-delà du maigre périmètre.

« L’écologie doit être mise au service de l’économie »

Si les plaignants obtiennent l’annulation de l’autorisation d’exploitation auprès du tribunal, un appel porté par Uniper et le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot ainsi qu’une autorisation provisoire de la préfecture des Bouches-du-Rhône permettent à la centrale de poursuivre ses activités. Forcés par Renault Muselier, le président (LR) de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur qui menace de retirer leurs subventions, les parc naturels renoncent finalement. L’élu s’était exaspéré par voie de communiqué, expliquant que « l’écologie doit être mise au service de l’économie pour faire de la croissance verte un atout ».

Les « plaquettes forestières » utilisées par l’unité biomasse – Photo Uniper

Du bois principalement importé du Brésil

En janvier 2016, la centrale a réceptionné sa première livraison de bois en provenance du Brésil. 40.000 tonnes de plaquettes qui ont traversé l’Atlantique puis la Méditerranée pour arriver au port de Marseille-Fos, avant d’être transférés jusqu’à la centrale par camion, à 70 kilomètres de là. Ces importations représentent aujourd’hui 55% de l’approvisionnement selon l’exploitant. 20% est d’origine locale, 15% est composée de déchets de récupération et 10% de bois « en fin de vie ».

Une voie fluviale du Jura jusqu’à Meyreuil

Uniper s’est aussi allié à l’Office national des forêts pour se fournir en bois du Jura, à plus de 500 kilomètres de Meyreuil. En septembre 2017, les 1.500 premières tonnes de la ressource, issus de la forêt domaniale de Chaux ont sillonné le Rhône jusqu’à Arles. Si le transport fluvial est moins polluant que la route, le bois reste tout de même transporté par camion sur environ 130 kilomètres depuis sa coupe jusqu’au port de départ, puis de son déchargement jusqu’à la centrale. 36.000 tonnes devraient ainsi être livrées chaque année via deux rotations mensuelles.

L’unité biomasse de la centrale de Provence – Photo Uniper

Absence de cogénération

Au-delà de l’origine de son approvisionnement, la tranche biomasse de la centrale de Provence fait également polémique en raison de l’absence de cogénération. Cette installation qui permet de récupérer la chaleur dissipée par les chaudières pour alimenter, par exemple, un réseau de chauffage public, n’a pas été choisie d’entrée par Uniper. L’exploitant qui a déjà investi 230 millions d’euros dans la conversion, n’exclut pas l’ajout ultérieur d’une unité de cogénération, sans préciser de calendrier. Pour l’instant, le rendement de la centrale de Provence est de 39%, inférieur de 10 à 20% par rapport à une centrale équipée.

La centrale de Provence – Photo Uniper

Transport par camion et stockage des cendres polémiques

A proximité immédiate de la centrale, l’inquiétude réside sur la circulation des camions, qui devrait être intensifiée par un ballet quotidien de 180 poids-lourds, à ajouter aux 40 qui alimentaient déjà le site. La solution ferroviaire n’a pas été retenue, malgré la présence d’un raccordement fonctionnel au réseau national. Les riverains sont aussi méfiants envers le futur site d’enfouissement des cendres, non-loin de la centrale et très proche de zones urbanisées. Présentées comme inoffensives, elles seront stockées dans des alvéoles étanches suivant un processus si précis qu’il suscite des doutes.

En 2017, au cours des phases d’essais, la tranche biomasse a injecté 250 MWh dans le réseau. Au rythme de croisière, la centrale prévoit de fonctionner 7.500 heures et de produire 2.412 GWh par an, soit 16% de l’électricité consommée en région PACA. En 2026, Uniper vise à s’approvisionner en ressources exclusivement locales, composées pour moitié de bois forestier et pour l’autre de bois d’élagage et de recyclage. La centrale bénéficiera d’un tarif d’achat subventionné de l’électricité qui devrait lui rapporter 70 à 80 millions d’euros par an.