La réduction de notre dépendance aux combustibles fossiles passe obligatoirement par la transformation de notre parc de véhicules automobiles. Hydrogène, électrique « pur », bioéthanol, biogaz : les solutions sont nombreuses, mais il est complexe de déterminer laquelle est la meilleure pour l’environnement. Une des manières de le savoir est d’évaluer la surface de terrain nécessaire pour les fournir en énergie. Dans cet article, nous évaluons qui d’une voiture électrique alimentée au photovoltaïque ou d’une voiture au superéthanol issu de betteraves, occupe le moins d’espace.

Imaginons que vous ayez hérité d’une parcelle d’un hectare (ha) et que vous souhaitez utiliser cette surface pour alimenter votre voiture personnelle, sans utiliser de combustible fossile, c’est-à-dire du diesel ou de l’essence. Une première possibilité pourrait être d’y cultiver des betteraves et de produire grâce à elles un agrocarburant pour le réservoir de votre voiture thermique, comme le superéthanol (E85). Une alternative pourrait être d’installer une centrale photovoltaïque sur ce terrain, pour recharger la batterie de votre voiture électrique. Quelle solution vous apporterait le plus d’autonomie pour votre véhicule ? Répondre à cette question, c’est connaître quel est le meilleur usage du sol qui peut en être fait.

Première option : la voiture au superéthanol

Il serait possible d’utiliser votre parcelle pour produire des betteraves sucrières. En France, il s’agit de la première culture industrielle, et elle est destinée principalement à la production de sucre. Pour l’anecdote, cette tradition n’est pas sans rapport avec nos préoccupations de production énergétique locale. En effet, la culture de la betterave sucrière s’est développée en France au XIXᵉ siècle, sous l’impulsion de Napoléon, dans l’objectif de faire face au blocus de la Grande-Bretagne sur les importations de sucre de canne. Les betteraves sont aujourd’hui essentiellement cultivées au nord de la Loire, notamment dans le Nord, le Nord-Est, en Île-de-France, en Normandie et dans le Centre.

Les sucres de la betterave peuvent être transformés en éthanol, et cet éthanol peut se substituer à l’essence dans un moteur thermique. La plupart des véhicules peuvent fonctionner de manière ordinaire avec 5 à 10 % d’éthanol (carburant dit « E10 »). Par ailleurs, il existe de plus en plus de véhicules susceptibles de fonctionner jusqu’à 85 % d’éthanol (E85, véhicules dits « FlexFuel ») de série ou après adaptation. Enfin, si en théorie un véhicule peut fonctionner à 100 % d’éthanol, cela n’est pas recommandé par les constructeurs.

Mais partons sur cette idée. Il faut savoir que l’éthanol contient moins d’énergie par litre que l’essence. Ainsi, un véhicule qui consommerait 7,5 L/100 km en essence, aurait besoin d’environ 11 L/100 km d’éthanol. Par ailleurs, un hectare de terrain mis en culture de betterave est susceptible de produire, selon les estimations, de 6 000 à 9 000 L de bioéthanol par an. Avec la production de votre parcelle de 1 hectare, vous seriez ainsi capable de rouler environ 70 000 km, soit environ 7 fois plus que le parcours annuel moyen d’une voiture particulière en France. Vous pourriez donc même en céder à vos voisins.

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Deuxième option : la voiture électrique

Dans l’alternative, vous pourriez installer sur votre terrain des panneaux photovoltaïques pour alimenter une voiture électrique. En moyenne, un tel véhicule consomme autour de 17 kWh/100 km. En France, on peut se fonder sur une puissance d’environ 400 kWc par hectare pour une centrale photovoltaïque au sol, dont on peut espérer une production entre 800 et 1 400 kWh par kWc et par an. En conséquence, votre terrain serait susceptible de produire environ 400 MWh/an, soit de quoi rouler environ 2 millions de km.

La voie électrique permet donc de produire l’énergie pour rouler environ 25 fois plus de distance que la voie agrocarburant, et ce, à partir de la même surface de terrain. Une autre manière de le voir serait de considérer que sur la parcelle de 1 hectare, vous pourriez consacrer 400 m2 à votre centrale photovoltaïque pour rouler 70 000 km/an. Le reste pourrait être laissé à la biodiversité, sous la forme d’une forêt ou d’un étang, par exemple.

Agrocarburants vs électrique : une affaire de rendements

La voiture électrique alimentée à l’énergie solaire est donc bien moins consommatrice d’espace qu’une voiture thermique alimentée par un agrocarburant produit à partir de betterave. Bien entendu, ce calcul est simplifié, il pourrait être critiqué et amélioré. La comparaison globale entre ces deux solutions est bien plus complexe que ce que nous avons exposé dans ce court article. En effet, pour pouvoir juger de l’impact environnemental, la totalité des conséquences néfastes (ou bénéfiques) sur l’environnement doivent être évalués.

Pour prendre quelques exemples, la culture de betterave, en mode intensif, nécessite des engrais (produits à partir de fossiles) et des pesticides, dont l’impact sur l’environnement peut être néfaste. Par ailleurs, la fabrication des panneaux photovoltaïque et de la batterie d’un véhicule électrique nécessite de l’énergie, et ils doivent être remplacés puis recyclés à la fin de leur cycle de vie. Cela peut être à l’origine de dégâts environnementaux, notamment lors de l’extraction des matières premières nécessaires à leur fabrication.

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1 % de rendement pour la photosynthèse, jusqu’à 24 % pour le photovoltaïque

La différence est toutefois significative puisque nous trouvons environ un facteur 25. Et il existe une raison profonde qui permet d’expliquer ce résultat. Le rendement global de la photosynthèse est faible, de l’ordre de 1 % pour les plantes cultivées, tandis que le rendement des panneaux solaires commerciaux se situe entre 18 et 24 %. Les panneaux photovoltaïques sont donc plus de 20 fois plus efficaces que les plantes pour convertir l’énergie du soleil en une énergie utilisable par nos véhicules.

Et il y a une raison simple : le but de la vie n’est pas de produire de l’énergie. Les plantes produisent de l’énergie pour vivre, pour se reproduire, pour évoluer et pour se protéger des autres espèces vivantes. Elles ne sont donc pas optimisées pour le rendement énergétique, mais pour être en mesure de réaliser toutes ces activités, d’une manière indubitablement résiliente, comme nous l’a prouvé l’histoire mouvementée de la Terre et de la vie.