Selon la Commission européenne, il faudra investir pas moins de 584 milliards d’euros pour mettre en œuvre le pacte vert européen. Il s’agit d’accomplir un triple objectif : la recherche d’efficacité des réseaux et l’accélération de leur déploiement, ainsi que l’intégration de nouveaux challenges liés à la transition énergétique. Les réseaux doivent impérativement être modernisés pour y parvenir. Une question jusque-là peu évoquée dans le débat public, qui a tendance à se focaliser sur les moyens de production.

De quel constat part la Commission ?

Selon une communication en date du 28 novembre, l’UE a un réseau électrique des plus résilients et étendus. Il parcourt 11 millions de kilomètres au sein du marché unique. À travers la Communauté européenne, les capacités transfrontalières ont permis de « réduire les coûts de production de 9 milliards d’euros par an jusqu’en 2040. » Ce gigantesque réseau est le fruit d’une « première phase de densification rapide après-guerre », poursuivie lors du programme électronucléaire, relève Théophile Doubliez, chargé de mission concertation dans le milieu de l’énergie.

Toutefois, entre 2023 et 2030, l’électrification des usages augmentera de 60 % la quantité d’électricité consommée sur le vieux continent. Les capacités solaires et éoliennes seront plus que doublées (de 400 à 1 000 GW en 2030), les productions offshores raccordées grimperont à 317 GW. De nouveaux services devront être rendus par ces lignes, opérées par les transporteurs et distributeurs nationaux. À l’autre bout du réseau, la production de dihydrogène vert, climatisation, mobilité « propre », l’électrification de l’industrie montrent l’aspect tentaculaire qu’elles revêtiront alors que 40 % des infrastructures ont plus de 40 ans. Les consommateurs résidentiels, qui jusqu’à présent recevaient les électrons, investiront les nombreuses possibilités. Des « millions de panneaux solaires [se dresseront] sur les toits, des pompes à chaleur et des communautés énergétiques locales partageant leurs ressources. »

Cela doit être planifié à long terme pour obtenir une feuille de route, selon les recommandations. Le réseau sera plus décentralisé et flexible. Pour une meilleure gestion et plus coordonnée, le réseau gagnera en digitalisation et en capacité de cyberdéfense. Résultat, le montant à investir pour l’adapter à la transition énergétique s’élèverait à 584 milliards d’euros. Aussi, la Commission regrette des temps d’attente de 4 ans à 10 ans pour la haute tension alors que le nombre de demandes de raccordement a explosé, note RTE.

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Comment y parvenir ?

Consciente des effets de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt, mais aussi du manque de main d’œuvre qualifiée, la Commission souhaite dialoguer avec les investisseurs, autorités de régulation, agences de crédit, institutions financières. Et ce, pour lever « les obstacles au financement, notamment au moyen de prêts, de fonds propres et de garanties. » La réponse n’est pas seulement réglementaire, mais aussi industrielle. L’exécutif européen a annoncé, le même jour, que 85 des 166 Projets d’Intérêt Commun (PIC) étaient liés à l’offshore et aux réseaux intelligents. Ce statut leur confère un financement de l’UE et seront mis en service entre 2027 et 2030.

L’ingénieur concertant, M. Doubliez, admet que les deux premières phases du développement des réseaux (après-guerre et déploiement du nucléaire) « étaient accompagnées d’un fort soutien du public, l’accès à l’électricité n’était pas fiable et l’industrie avait une bonne image ». Désormais, « on voit que les citoyens et les associations sont plus réticents à l’accueil de nouvelles infrastructures. » Le travail consiste à « convaincre que la transition énergétique nécessite à la fois des réseaux et des nouveaux moyens de production. »

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