Avec l’explosion des prix de l’énergie, les collectivités sont plus que jamais encouragées à colmater les « fuites » de kilowattheures. Dans une école post-guerre de Gignac-La-Nerthe, une commune du sud-est de la France, d’importants travaux vont permettre de réduire de 40 % la consommation d’énergie, mais également d’en produire. En quoi consistent-ils ?

La rentrée des classes a été particulière pour les élèves de l’école élémentaire Célestin Arigon à Gignac-La-Nerthe (Bouches-du-Rhône). Les 164 enfants ont découvert un établissement flambant neuf en apparence. Pourtant, la structure n’a pas été modifiée. Les murs sont faits du même béton que celui coulé en 1958, lors de la construction. Plutôt que de démolir et reconstruire les 1 500 m² de cette école vieillissante, la mairie a opté pour une profonde rénovation.

De passoire thermique alimentée aux énergies fossiles, l’établissement est devenu un exemple de sobriété énergétique. Trois mois de chantier ont suffi pour faire entrer cette école dans le XXIe siècle. La rapidité ne surprend pas : il fallait garantir l’accueil des élèves dès la rentrée de septembre. La hausse des prix de l’énergie a peut-être aussi motivé. De 350 000 € en 2021, la facture d’électricité de la commune est passée à 700 000 € en 2022 et atteindra probablement le million d’euros en 2023, annonce la mairie.

L’école Célestin-Arigon à Gignac-La-Nerthe et sa cour intérieure, en cours de désartificialisation / Images : Révolution Énergétique.

Une école construite sans isolation thermique

Logiquement, les travaux se sont concentrés sur l’isolation thermique. « Avant, il y avait les tuiles directement sous le faux plafond » explique Valentin Papachristou, le directeur des services techniques de Gignac-La-Nerthe. Pour éviter le gaspillage de coûteuses calories en hiver et l’effet sauna durant l’été, d’épais panneaux de laine de roche ont été placés dans l’interstice. Sur les murs des classes et dans les couloirs, un isolant biosourcé majoritairement composé d’ouate de cellulose (du papier recyclé) a été utilisé. Un matériau plus coûteux à l’achat, mais moins carboné.

En parallèle, une puissante pompe à chaleur (PAC) aérothermique air/eau a été installée. Elle sera capable d’assurer les besoins hivernaux, en injectant de l’eau chaude dans les imposants radiateurs en fonte d’origine, détartrés et remis à neuf pour l’occasion. La PAC offrira également la climatisation en été. Et ce n’est pas un luxe, dans cette commune où les températures peuvent être caniculaires bien avant les grandes vacances et plusieurs semaines après la rentrée.

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Jongler entre pompe à chaleur et chaudière au gaz, selon les prix de l’énergie

Malgré le déploiement de la pompe à chaleur, la mairie a souhaité conserver la chaudière au gaz « quasi-neuve » déjà en place, d’une puissance de 230 kWth. Un choix principalement motivé par les fortes variations du prix de l’énergie. Ainsi, l’école peut jongler entre le gaz et l’électricité, selon la moins chère des énergies sur le moment. Un représentant explique également avoir favorisé la sécurité, pour éviter que l’école ne se retrouve sans chauffage en hiver, « au moment où tout le monde tire en même temps sur les centrales nucléaires, même celles qui ne sont pas encore construites », ironise-t-il.

Qu’elle soit produite à partir de gaz ou d’électricité, la chaleur doit être parfaitement conservée et valorisée dans les salles de classes. Des « déstratificateurs », de discrets ventilateurs installés au plafond, forcent l’air chaud naturellement concentré en hauteur à se diriger vers le bas. En homogénéisant la chaleur dans la pièce, le déstratificateur évite la tentation d’augmenter la température de consigne du chauffage.

À gauche : un panneau d’isolant biosourcé, en haut à droite : des rouleaux de laine de roche, en bas à droite : une salle de classe en cours de rénovation / Images : Révolution Énergétique.

Chaque salle de classe est d’ailleurs pilotable individuellement, via une « gestion technique centralisée » (GTC) et sa consommation d’énergie peut être analysée, grâce à l’installation de sous-compteurs. L’ensemble est également pilotable à distance. Un bon moyen d’éviter que le chauffage ou la climatisation et les éclairages (tous remplacés par des LED à intensité réglable, d’ailleurs) restent allumés durant les vacances. La GTC permet aussi de programmer des températures de consigne, comme son abaissement automatique de 2 à 3 °C chaque nuit en hiver.

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Une cour dégoudronnée pour gagner en fraîcheur

Pour lutter contre les fortes chaleurs à l’extérieur, les écoliers ne bénéficieront évidemment pas de buses de climatisation sur le sol, comme l’on peut en retrouver dans les pays du Golfe. La mairie a opté pour la désartificialisation du sol de la cour. Elle a troqué le goudron pour la terre, sur 40 % de sa surface. Un collecteur d’eau pluviale de 5 000 litres a pris place en souterrain. Il devrait satisfaire les besoins d’arrosage, notamment des 7 nouveaux arbres plantés dans l’école et jardinières accolées aux classes. Une batterie de brise-soleils et de stores permettront également d’ombrager les enfants.

Dans l’ensemble, la rénovation de l’école Célestin-Arigon doit réduire de 40 % sa consommation d’énergie et de 60 % ses émissions de CO2, selon la mairie. Mais au-delà des économies, l’établissement veut aller plus loin dans la réduction de sa facture d’énergie, en vendant sa production d’électricité. Grâce à une centrale solaire photovoltaïque de 2 × 36 kWc installée en toiture, 3 000 € de revenus devraient être générés annuellement. Exposée nord-ouest et sud-est, elle sera branchée en autoconsommation avec vente des excédents.

Cette vaste opération a coûté la coquette somme de 2,2 millions d’euros, dont 60 % ont été pris en charge par le département des Bouches-du-Rhône et le reste par la commune de Gignac-La-Nerthe. Il s’agit d’une des premières écoles rénovées via le programme « Action des collectivités territoriales pour l’efficacité énergétique » (ACTEE), dont l’objectif est d’aider les collectivités à financer la rénovation énergétique de leurs bâtiments.

Une rénovation pilotée par un expert des économies d'énergie

Faire économiser 40 % d’énergie à un bâtiment public demande une certaine expertise, que les collectivités ne possèdent pas systématiquement. Pour les aider, des « Agences de l’énergie et du climat » (ALEC) déployées localement mettent à disposition leurs « économes de flux ». Ces techniciens ont notamment pour mission d’identifier le moindre gaspillage d’énergie et de trouver un moyen d’y remédier. Ils suivent les chantiers et accompagnent la démarche de sobriété, même après la livraison.

Ils analysent également les factures d’énergie des collectivités, afin que les contrats de fourniture correspondent au mieux à leurs besoins. Une chasse, non pas aux kilowattheures, mais aux kilowatts superflus sur les contrats. « Modifier la puissance souscrite peut faire économiser entre 5 000 et 10 000 € par an » explique Melenn Maupu, l’économe de flux en charge de la rénovation de l’école Célestin-Arigon. Son poste est financé à 50 % par le programme ACTEE, le reste par l’adhésion de la commune à l’ALEC, pour un investissement total d’environ 60 000 € annuels.