Avec son potentiel naturel immense, l’Algérie peut jouer un rôle-clé dans le secteur des énergies renouvelables, au moins au plan régional, et assurer sa propre transition énergétique. Son potentiel solaire permettrait notamment de réduire considérablement la consommation de gaz fossile. Or, dans les faits, le pays peine à s’y lancer sérieusement.

Avec une superficie de 2,4 millions km², la plus vaste en Afrique, et 3 000 heures d’ensoleillement par an, l’un des taux les plus élevés dans le monde, l’Algérie est paradoxalement très dépendante des combustibles fossiles. Près de 99 % de sa production d’électricité est réalisée à partir de gaz fossile et de fioul, les renouvelables n’assurant que le pourcent restant, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie.

Confrontés aux défis environnementaux de plus en plus complexes, et tenus d’apporter des solutions à la fois urgentes et durables à la problématique de la préservation de ses hydrocarbures, les dirigeants du pays se sont empressés d’annoncer un programme ambitieux, mais qui s’est avéré utopique, visant à améliorer à des proportions inédites l’efficacité énergétique dans des secteurs aussi divers que l’industrie, les transports ou le bâtiment.

Origine de la production électrique en Algérie en 2019 / Infographie : Révolution Énergétique.

Le gouvernement sommé de s’adapter

Trois décisions illustrent cet intérêt accru qu’accordent les autorités algériennes aux énergies vertes : d’abord le lancement, en février 2022, d’un appel d’offre international pour la mise en œuvre du projet « Solar 1000 MW », susceptible de générer 800 millions de dollars d’investissement. D’après le gouvernement, le projet s’étalera sur plusieurs étapes, avec l’installation d’au moins 11 centrales solaires de différentes capacités dans le sud, et plus précisément à Ghardaïa, Ouargla et Béchar, El-Oued et Laghouat.

En 2021, l’ex-ministre de la Transition énergétique et des énergies renouvelables, Ben Attou Ziane, avait exigé que la société publique Shaems soit associée de fait à des partenaires locaux ou étrangers. Sachant qu’un délai de quatre mois avait été fixé à tous les opérateurs intéressés par ce projet pour déposer leurs offres.

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Aux dernières nouvelles, 110 entreprises nationales et étrangères ont retiré le cahier des charges qui exige de chaque investisseur de participer, à raison de 66%, du montage financier, le reste étant à la charge des deux groupes Sonlegaz et de Sonatrach (17% chacun). Selon nos informations, une cinquantaine d’investisseurs se sont déjà rendus sur les sites.

Dernière mesure en date annoncée par le gouvernement : assister par des subventions la conversion de 150 000 véhicules, dont 50 000 taxis, au GPL, considéré comme économique et moins polluant. D’autres décisions aussi fortes s’ensuivaient durant la même période : le président Abdelmadjid Tebboune appelait à la rationalisation de la consommation locale du gaz « en vue de préserver les ressources énergétiques ». Il avait rappelé que le gaz et l’électricité sont des produits subventionnés par l’État et que les collectivités locales consomment, à elles seules, un taux budgétivore de 8% de la production nationale en électricité.

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27 % de solaire dans le mix électrique en 2030 ?

Ainsi, la généralisation de l’utilisation du solaire dans les communes permettrait une économie de 2 milliards de m³ de gaz, dont l’exportation pourrait ramener 60 milliards de dinars (environ 437 millions d’euros) dans les caisses du Trésor public. Sur ce constat, Tebboune a ordonné aux ministres concernés d’exiger de tous les maires nouvellement élus de recourir à l’énergie solaire pour l’éclairage public.

Dans ce programme, on pense évidemment à connecter les centrales photovoltaïques du sud, notamment celle d’Adrar, aux différentes stations du nord. Le mot-clé reste la « participation active » des chercheurs, d’experts et d’investisseurs, surtout étrangers, plus expérimentés. Ultime écueil surmonté par les autorités algériennes avant de s’engager sur la voie des énergies vertes : l’exploitation du gaz de schiste qui semble avoir été définitivement enterrée.

C’est un ex-ministre de l’Énergie, Noureddine Boutarfa, qui avait, dès avril 2017, solennellement déclaré que l’Algérie n’en avait plus besoin, annonçant, par la même occasion, une perspective ambitieuse pour le pays, celle d’atteindre 27% de la consommation nationale en électricité d’origine solaire à l’horizon de 2030. Par cet engagement ferme, le gouvernement mettait fin à une polémique qui avait, en 2015, donné lieu à des manifestations de protestation contre l’exploitation du gaz de schiste, alors que les autorités elles-mêmes ont longtemps préféré garder le silence sur cette affaire.

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