Au carrefour des défis de la recapture du CO2 et de la production de combustibles non fossiles, le méthanol est la source de nombreux espoirs puisqu’il pourrait être synthétisé directement à partir du CO2. Des chercheurs suisses, aidés par l’IA, cherchent des solutions pour rendre cette synthétisation économiquement viable. 

On sait depuis longtemps que le méthanol peut, sur le papier, être synthétisé à partir de CO2, et ainsi répondre à de nombreux enjeux de la transition énergétique. Mais pour passer de la théorie à la pratique, les chercheurs travaillent depuis de nombreuses années pour trouver un catalyseur efficace et bon marché qui permettrait la production de méthanol de cette manière à grande échelle.  Et il faut dire que la tâche est colossale, puisque d’un point de vue chimique, les combinaisons possibles pour la composition d’un catalyseur sont de l’ordre de cent milliards de milliards.

Pourtant, la recherche sur le sujet est en train de s’accélérer drastiquement à l’aide d’un nouvel allié de taille : l’intelligence artificielle. Les chercheurs de l’ETH de Zurich ont mis en place un protocole combinant l’intelligence artificielle à un laboratoire automatisé permettant de synthétiser et tester les différentes réactions. Face à la faible quantité de données existantes, les équipes se sont basées sur le principe d’optimisation bayésienne, une forme de statistique adaptée lorsque les observations sont peu nombreuses.

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Pour faire simple, les équipes ont d’abord réalisé une première série de 24 compositions choisies aléatoirement, qu’ils ont fait produire et tester par le laboratoire automatisé. Ces premiers résultats ont servi de base pour le système prédictif de l’IA, puis 6 cycles d’itérations ont été réalisés. En 6 semaines de fonctionnement, les équipes ont trouvé, grâce à ce système, pas moins de 150 compositions de catalyseurs permettant de produire du méthanol à partir de CO2. Sans l’IA, de tels résultats auraient demandé des années de travail, d’autant plus que les meilleures de ces compositions sont déjà économiquement rentables et engendrent peu de sous-produits.

Le méthanol, combustible du futur ?

Si le méthanol n’a rien de nouveau, certaines de ses caractéristiques ont freiné son utilisation à plus grande échelle. Aujourd’hui produit à partir de gaz naturel, il est particulièrement corrosif, en particulier pour l’aluminium, ce qui le rend inexploitable dans les moteurs traditionnels. Cette caractéristique ne l’empêche pas d’être utilisé dans certaines courses automobiles et pour l’aéromodélisme, voire même la propulsion de fusées. Il dispose également d’une densité énergétique relativement faible de 16 MJ/L, soit deux fois moins que l’essence (33 MJ/L) et moins que l’éthanol (24 MJ/L).

Néanmoins, transition énergétique oblige, cet alcool suscite un regain d’intérêt, car il possède d’autres caractéristiques particulièrement intéressantes. D’abord, il est biodégradable, mais surtout, comme nous venons de l’évoquer, il peut être synthétisé à partir du CO2 contenu dans les fumées d’usines, ou même dans l’atmosphère. Il pourrait ainsi être une solution à la décarbonation du transport maritime voire même du secteur automobile. En Chine, on retrouve déjà 30 000 voitures en circulation fonctionnant au méthanol. Côté maritime, l’armateur danois MAERSK travaille actuellement sur des portes conteneurs compatibles avec le méthanol. En Turquie, un navire de soutien destiné à l’éolien et propulsé au méthanol est également en cours de construction. Enfin, face à cet engouement croissant, de l’autre côté de l’Atlantique, l’entreprise Lake Charles Methanol vient de lancer un projet de 3,2 milliards de dollars pour la construction d’une usine de méthanol bas-carbone qui devrait voir le jour d’ici fin 2027.