La France va fournir à la sidérurgie de Sarre (ouest de l’Allemagne) le dihydrogène nécessaire à sa sortie progressive du charbon, grâce à une canalisation de près de 10 km dont la mise en service est prévue pour 2027. La consommation d’acier a plus que triplé depuis les années 1970 et le secteur de la sidérurgie consomme près de 8 % de l’énergie finale mondiale.

Le gestionnaire français des réseaux de gaz GRTgaz et son homologue allemand Creos vont coopérer pour mettre en service une canalisation longue de 91 km, dont 51 km sur le territoire français, afin d’alimenter deux aciéries allemandes par du dihydrogène français. 100 millions d’euros seront investis pour convertir « aux deux tiers » la canalisation existante de gaz naturel qui traverse la frontière.

Pourquoi la production d’acier nécessite-t-elle du dihydrogène ?

Le projet en question s’appelle Mosahyc pour MOselle SArre HYdrogène Conversion. Les 2 centrales allemandes destinataires du dihydrogène français, Dilingen et Völklingen, ont pour ambition de commencer l’abandon progressif du charbon à partir de 2027. Ce combustible permet la production du coke, permettant d’atteindre de très hautes températures, mais aussi la réduction des oxydes de fer grâce à sa formulation chimique : pour arriver au fer (Fe), il faut arracher à l’hématite (Fe2O3, présente dans la nature) les atomes d’oxygène (O) grâce au charbon (C). Ces opérations de réduction émettent 1,8 tonne de dioxyde de carbone (CO2) pour 1 tonne d’acier produite. Or, si la réduction directe était réalisée à partir de dihydrogène (H2), c’est de l’eau (H2O) qui serait relâchée et non pas du CO2. Si l’H2 est disponible en quantité industrielle, la réduction du minerai de fer pourra moins émettre de gaz à effet de serre (GES).

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Un investissement qui permettra de moins polluer et d’abaisser les coûts

Le ministre allemand de l’Économie Robert Habeck a ainsi annoncé un soutien de ces 2 usines à travers une subvention de 2,6 milliards d’euros, en attente de l’approbation de la Commission européenne. Cet investissement est stratégique pour limiter les émissions d’un des secteurs les plus émetteurs de GES. Au même titre que les 11 000 installations de l’Union européenne produisant notamment du ciment, verre et de l’électricité, la production d’acier est couverte par le système européen d’échange de quotas carbone et doit payer proportionnellement à ses émissions de GES. Bien que jusqu’à présent au moins 40 % de ces quotas étaient alloués gratuitement, ces droits gratuits à polluer deviendront progressivement tous payants à horizon 2034 avec l’introduction du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Ce dernier dispositif a pour but de mettre sur un même pied d’égalité producteurs européens et étrangers et leur faire payer le contenu carbone de leur acier.

Côté Français, les moyens de production d’hydrogène n’existent pas encore. Les entreprises Gazel Energie, filiale du groupe EPH de l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, et Verse Energy ouvriront des installations de production sur la plateforme chimique de Carling-Saint-Avold (est de la France). La France devrait voir 4 autres projets similaires voir le jour et compter 500 km de canalisation de dihydrogène à horizon 2030.

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