Jusqu’à présent, nous pensions que les régions désertiques et plus particulièrement le Sahara avaient vocation, à cause des changements climatiques notamment, à s’étendre encore plus.
Mais des scientifiques des universités de l’Illinois et du Maryland ont établi que cette tendance pourrait s’inverser en couvrant une partie du désert nord-africain de parcs éoliens et de centrales solaires.

Il y a plus de 5.500 ans, le Sahara était encore vert. Bénéficiant d’une pluviosité abondante, il était alors couvert de forêts tropicales et parsemé de lacs et de fleuves. Des gravures et peintures rupestres de l’époque attestent qu’il était notamment peuplé d’autruches, de girafes et de bovidés.
S’étendant sur plus de 8,5 millions de km2, soit près de 30 % de la surface de l’Afrique, c’est le plus vaste désert chaud du monde. Il s’agit aussi de la plus grande région aride de la planète.

Chaque km2 du Sahara reçoit annuellement du Soleil une énergie équivalant à 1,5 million de barils de pétrole. Il faudrait couvrir moins de 2 % de sa surface avec des centrales solaires thermodynamiques (CSP) pour fournir toute l’électricité actuellement consommée par l’humanité.

Lancé il y a plus de 15 ans, le projet Desertec vise à exploiter ce potentiel afin d’approvisionner durablement en électricité verte les régions avoisinantes : l’Europe mais aussi et surtout les pays du MENA[1]. Après avoir connu des hauts et des bas, ce projet a reçu récemment un nouvel élan avec la signature d’un accord entre l’Algérie et le consortium Dii (Desertec Industrial Initiative). Nous y reviendrons dans un prochain article.

Il suffirait de couvrir 2% de la surface du Sahara par des centrales CSP pour fournir toute l’électricité consommée sur la planète

Doublement des précipitations

Parmi les critiques énoncées à l’encontre de Desertec, nous relevons notamment l’idée (non démontrée) que des centrales solaires de grande envergure pourraient aggraver encore la désertification de la région. Des scientifiques des universités américaines de l’Illinois et du Maryland ont voulu en avoir le cœur net. Surprise : en faisant tourner leurs modèles climatiques, ils ont constaté qu’au contraire, l’implantation dans le Sahara de nombreuses fermes solaires et de parcs éoliens aurait un effet inverse : ceux-ci augmenteraient la pluviométrie, ce qui aurait évidemment un effet positif sur la végétation.
Dans une étude publiée par le prestigieux magazine Science, ces chercheurs expliquent qu’en installant 3 millions d’éoliennes dans le Sahara et en couvrant 20% de sa surface par des panneaux photovoltaïques, la quantité annuelle des précipitations serait plus que doublée, passant de 88 mm par an actuellement, à 215 mm. « Cela pourrait avoir un impact écologique, environnemental et sociétal important et positif » nous confie Daniel Kirk-Davidoff, professeur à l’université du Maryland. Ainsi, le Sahel, cette zone semi désertique au sud du Sahara, pourrait littéralement reverdir grâce à une augmentation des précipitations d’environ 400 mm par an, et profiter avantageusement d’un développement de son élevage et de son agriculture.

Comment expliquer ce phénomène ?

Selon Yan Li, chargé de recherches à l’université de l’Illinois, les éoliennes réduisent la vitesse du vent et par conséquent l’érosion. Elles rabattent aussi l’air chaud vers le sol et diminuent le refroidissement nocturne. L’effet des installations photovoltaïques est similaire : étant de couleur plus sombre que le sable ou les plateaux rocailleux, ils réduisent l’albedo, c’est-à-dire la réflexion des rayons solaires. Il en résulte une augmentation de la température au sol, ce qui, d’après les modèles climatiques a un effet bénéfique sur la pluviométrie et donc la végétation. « L’augmentation des précipitations conduit à une augmentation du couvert végétal et cela génère une rétroaction positive », explique Yan Li. « Lorsque la végétation est plus abondante, une plus grande quantité d’humidité entre dans l’atmosphère par évaporation, ce qui à son tour accroît la fréquence des pluies », ajoute-t-il.

Est-ce réaliste ?

Evidemment il n’est pas réaliste de projeter la construction de millions d’éoliennes dans le désert et de couvrir 20 % de sa surface par des centrales solaires. Martin Claußen du Max Planck Institute for Meteorology de Hambourg en convient : « D’un point de vue strictement scientifique, l’étude de Li et de ses collègues est absolument correcte » admet-il, « mais qu’en pensent les Touaregs qui vivent dans ces régions ? ». Les investissements colossaux qu’un tel projet nécessiteraient ne sont pas non plus imaginables. Toutefois l’objectif des universitaires du Maryland et de l’Illinois n’était pas d’en démontrer la faisabilité. D’ailleurs un tel projet pharaonique serait inutile puisqu’il produirait une quantité d’énergie plus importante que celle que l’humanité consomme.
Leur recherche a permis de prouver que les critiques émises par certains détracteurs des énergies renouvelables selon lesquels la multiplication des parcs éoliens et des centrales photovoltaïques aurait un effet négatif sur le climat, ne sont pas fondées. Au contraire, dans les zones désertiques et semi-désertiques, au moins, ces installations ont un impact positif sur la pluviométrie et la végétation.


[1] MENA : Middle East and North Africa (Moyen Orient et Afrique du Nord)