L’aventure commence en 2012 en Allemagne quand la société TimberTower érige près de Hanovre une première éolienne « pilote » dotée d’un mât en bois de 100 m. Quatre ans plus tard, le développeur éolien Innovent lance la construction à Argentan de la première éolienne française en bois. Tentative avortée puisque, l’année suivante, elle doit être démantelée. Aujourd’hui, le flambeau est repris par l’entreprise suédoise Modvion qui vient de mettre en service un premier prototype et vise la fabrication commerciale en 2022 de mâts en bois pour des éoliennes de 150 m.
Le premier avantage d’une construction en bois est évidemment d’en réduire fortement l’empreinte carbone. Le CO2 absorbé par les arbres pendant leur croissance est stocké ensuite dans la structure pendant toute la durée de vie de l’édifice. Lors du démantèlement, le bois peut être aisément recyclé ou produire de l’énergie.
Le premier mât d’éolienne en bois construit près de Hanovre en 2012 a nécessité 470 m3 de bois soit environ 750 arbres. Constitué de 54 panneaux en épicéa lamellé-collé de 2,7 m de largeur, 15 m de long et 30 cm d’épaisseur, cette structure de plus de 200 tonnes supporte une nacelle d’environ 100 tonnes qui abrite la génératrice de 1,5 MW. Elle fournit chaque année de l’électricité pour environ 1.000 ménages.
Question : si toutes les éoliennes étaient dorénavant construites en bois, seraient-elles responsables d’une déforestation massive ? Pour en installer 4.000 en France, il faudrait environ 2 millions de m3 de bois. Une quantité qui semble considérable mais qui ne représente qu’à peine 3 % des 65 millions de m3 exploités annuellement dans les forêts françaises. Or l’accroissement annuel du domaine forestier de l’hexagone est d’un peu plus de 100 millions de m3. Les français ne prélèvent donc qu’environ 65 % de la production annuelle de leurs forêts, ce qui laisse une belle marge de progression.
Réduction des coûts et des contraintes logistiques
Les mâts de quasi toutes les éoliennes construites actuellement sont en acier. Le transport de ces structure tubulaires pose souvent de gros problèmes logistiques. La plupart des réglementations routières en Europe limitent en effet la largeur des convois exceptionnels à 4,5 mètres. Or comme les machines modernes sont de plus en plus hautes, puissantes et lourdes, une restriction en diamètre des mâts nécessite de les fabriquer avec des tôles plus épaisses, ce qui accroît d’autant leur poids et leur coût.
C’est là que le bois offre un second avantage. A résistance égale, les structures en lamellé-collé sont 70 % moins chères que l’acier. Mais surtout, leur conception modulaire permet d’acheminer vers le chantier des éléments de dimensions réduites et de les assembler sur place. Avec à la clé, une compression de 20 à 30 % des coûts du transport.
Malheureusement l’entreprise allemande TimberTower qui avait conçu et construit en 2012 le premier prototype d’éolienne en bois n’a pas réussi la commercialisation de son innovation. Ses deux fondateurs ont quitté la société en 2015. Depuis lors elle ne donne plus signe de vie et sa page Facebook n’a plus évolué.
Innovent : une tentative avortée
La tentative du développeur français Innovent a également avorté. Après plusieurs années de recherche et développement, cette société basée à Villeneuve-d’Ascq avait entamé en 2016, la construction, dans l’Orne, de ce qui devait être la première éolienne en bois de France. Prévoyant un grand avenir pour cette technologie, InnoVent était devenue l’actionnaire majoritaire de l’entreprise allemande Phi Blades GmbH qui a développé un prototype de pale en bois.
Mais, alors que les premières sections d’un mât de forme dodécagonale constitué de panneaux en lamellé-collé avaient été érigées sur le site, les travaux ont été brusquement interrompus à cause d’un accident de travail (la chute d’une pièce de bois) qui a blessé un ouvrier. A cette mésaventure se sont ajoutés des difficultés d’ordre juridique, des riverains et des associations locales ayant introduit un recours pour caducité du permis de construire délivré en 2007. Finalement le chantier est arrêté en 2019, mais Innovent n’abandonne pas la partie et s’engage dans une longue bataille juridique.
La conception modulaire permet d’assembler les éléments du mât sur le chantier
Le flambeau est à présent repris par la société suédoise Modvion. Soutenue financièrement par l’Union européenne, elle a mis au point une tour de forme circulaire en bois lamellé-collé. Sa conception modulaire permet le transport aisé des éléments qui peuvent être assemblés et montés sur le chantier. L’entreprise a récemment construit et mis en service un premier prototype d’une hauteur de 30 mètres sur l’île de Björkö, au large de Göteborg. Installé sur le site du Centre suédois de technologie éolienne de Chalmers, son comportement est maintenant étudié et analysé. La première phase de tests a permis d’enregistrer une déviation de seulement 2 à 3 mm de la rectitude du bois sur toute la longueur du mât. Un résultat bien en deçà des tolérances.
L’objectif est de mettre au point, dans une deuxième étape, des mâts en bois de 110 mètres de haut pour des turbines culminant, en bout de pale, à 150 mètres.
L’ambition de Modvion est de développer une production commerciale dès 2022. Selon Otto Lundman, son PDG, la négociation de contrats serait déjà engagée avec des développeurs éoliens nationaux comme Varberg Energi ou Rabbalshede Kraft, lequel aurait signé une lettre d’intention pour la fourniture de 10 mâts. « En utilisant les mâts Modvion en bois, nous évitons les difficultés logistiques, réduisons le poids et produisons une énergie totalement neutre en carbone », a déclaré Peter Wesslau, directeur général de Rabbalshede Kraft. « Si le projet abouti », a-t-il ajouté, « Modvion pourrait nous livrer au cours des cinq années suivantes des mâts pour une valeur estimée entre 500 et 900 millions de couronnes suédoises » (47 à 84 millions d’euros).
Selon Karin Björe, chef de projet chez Modvion, « le remplacement d’un seul mât éolien en acier de 150 m de haut par une structure en bois permet d’éviter l’émission de 2.000 tonnes de CO2 pendant la phase de construction ».
Technique intéressante. Cependant je ne saisis pas l’hypothèse d’ « en installer 4.000 en France ». Les 6000 MW produits représenteraient à peine 1% du total annuel nécessaire. Pourquoi pas 40.000 pour un objectif de 10%? Mais alors le calcul passerait à 30% des 65 millions de m3 exploités annuellement dans les forêts françaises… hum. Quid? Et quid de la durée du cycle de vie comparativement au métal??
Brillante idée ! Merci pour votre article !
Je vous joins une petite étude faite sur le rafraîchissement correspondant à l’évapotranspiration d’un grand arbre sur l’année :
https://greenjillaroo.wordpress.com/2020/05/08/impasse-energetique-mondiale-comparaison-avec-labsorption-de-chaleur-de-la-vegetation/
Cela rejoint un de mes commentaires dans un précédent article sur les inconvénients des fermes photovoltaïques se développant dans de nombreux pays et occupant des surfaces sans cesse croissantes qui, lorsque cela est possible, rendraient un meilleur service à notre planète et au climat si celles-ci étaient végétalisées avec des essences d’arbres soigneusement adaptées. Songeons à la Californie, l’Espagne, le Portugal, etc… où les problèmes de surchauffe du climat sont problématiques.
« génératrice de 1,5 MW » –> avec un facteur de charge de 30 %, cela donne 13 140 MWh par an soit 394 GWh en 30 ans.
« le remplacement d’un seul mât éolien en acier de 150 m de haut par une structure en bois permet d’éviter l’émission de 2.000 tonnes de CO2 pendant la phase de construction » 2000 t / 394 GWh = 5 g / kWh.
Selon l’IPCC en 2014, le facteur carbone d’une éolienne est de 11 g / kWh soit quasiment une division par 2.
Si cela est confirmé, c’est effectivement à développer.
L’économie d’énergie fossile est certaine, pas de fonderie, ni de minerai à chercher à l’autre bout du monde, et le transport bien plus aisé. Par contre ce serait tricher de compter aussi le carbone contenu dans le bois comme étant « déduit ». Il est juste stocké temporairement et sera rendu à l’atmosphère un jour ou l’autre, car tout vieux bois finit par être brûlé ou digéré par les microorganismes. A moins de l’enterrer profond!
Ce que vous dites concernant le bois est vrai, à la fois sur l’économie de fossiles qu’elle permet en se substituant à l’acier qui est très émetteur durant sa production, et concernant le stockage de carbone qui ne présente que peu d’intérêt sur la durée de vie d’une éolienne. Cependant, il me semble important de voir que selon les scénarios de fin de vie, l’impact peut varier grandement. En effet vous semblez n’envisager comme fin de vie que le pourrissement ou le brulage sans récupération d’énergie. Si on envisage une « fin de vie » différente, il reste un bénéfice à cette… Lire plus »
Parfaitement juste. Le stockage carbone comme argument de l’exploItation du bois est un paradoxe, pour ne pas dire un écran…de fumée.