L’affirmation selon laquelle les réseaux électriques ne pourraient pas supporter une part importante d’énergies intermittentes comme l’éolien et le solaire dans le mix énergétique d’un pays, n’est pas fondée. C’est ce qui ressort notamment d’un rapport rendu public par le Conseil Européen des Régulateurs de l’Energie (CEER)

Le CEER a établi un classement des Etats dont les réseaux électriques sont les plus stables. L’Allemagne et le Danemark y occupent les 2e et 3e marches du podium, après la Suisse. Il s’agit pourtant de 2 pays qui produisent une part importante de leur électricité par les énergies renouvelables intermittentes.
Le Danemark est même le champion en la matière puisque 60 % de son électricité provient de sources renouvelables dont plus de 42 % sont injectés sur le réseau par des éoliennes. Le pays est aussi celui où la densité d’éoliennes sur le territoire est la plus élevée. Cette performance est rendue possible grâce à deux câbles sous-marins d’interconnexion qui relient le Danemark aux centrales hydroélectriques de la Norvège et de la Suède. Celles-ci permettent de réguler la production intermittente des éoliennes puisque le Danemark étant un pays plat, il ne dispose pas de capacité hydroélectrique. Des centrales à biomasse fournissent 16 % de l’électricité et participent aussi à ce rôle régulateur puisqu’elles peuvent être arrêtées lorsque les éoliennes tournent à pleine puissance et relancées dans le cas contraire.

Au classement des réseaux électriques les plus stables, la France – où l’électricité est principalement fournie par des centrales nucléaires – est 8e, derrière le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche et le Royaume-Uni. Presque à égalité avec l’Espagne, autre pays qui a fortement misé sur l’éolien et le solaire. La Roumanie et la Pologne, majoritairement alimentées en courant électrique par des centrales au charbon, figurent en queue du classement.

L’exemple allemand

La transition énergétique allemande focalise l’attention de nombreux observateurs et responsables puisqu’après sa décision de sortie du nucléaire prise en 2011, elle est l’un des pays européens qui a le plus développé les énergies renouvelables. Avec une part de plus de 40 % du mix énergétique, celles-ci sont devenues en 2018 la principale source d’énergie, devant le charbon. Dans la production d’électricité, les énergies intermittentes contribuaient en 2017 pour 22 %, dont 16 % d’éolien et 6 % de solaire. Une proportion qu’il y a une dizaine d’années certains « experts » considéraient comme impossible : ils estimaient que les réseaux ne pourraient jamais supporter plus de 5 % d’énergies intermittentes.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Le BNetzA, l’agence fédérale de contrôle et de régulation des réseaux, publie chaque année un rapport sur les interruptions de fourniture de courant survenues en Allemagne pendant la période. Dans sa publication relative à l’année 2017 on peut lire : «La transition énergétique et la part croissante de la capacité de production décentralisée continuent à n’avoir aucun impact négatif sur la qualité de l’offre».
Si la durée moyenne des pannes a augmenté en 2017 par rapport aux années précédentes, elles sont principalement dues, selon le BNetzA, aux phénomènes météorologiques extrêmes comme les tempêtes, la neige et les inondations. Il s’agit donc de causes qui n’ont aucun lien avec la part croissante des énergies intermittentes. L’interruption moyenne de courant par consommateur est passée de 12,8 minutes en 2016 à 15,14 minutes en 2017.  En 2006, lorsque les énergies renouvelables étaient encore peu développées, elle était de 21,53 minutes.

Est-il envisageable de recourir encore plus aux énergies vertes pour la fourniture d’électricité, sans risquer l’effondrement des réseaux ? La réponse des experts est positive et il faudra bien y parvenir puisque dans le cadre du plan énergie-climat de l’Union européenne, l’objectif est de couvrir 100 % de la demande d’énergie par les renouvelables.
D’ici là il faudra toutefois investir dans des centrales à biomasse (qui n’ont pas de caractère intermittent), dans les interconnexions entre pays par câble haute tension, et dans les capacités de stockage comme les batteries géantes, lesquelles ont démontré leur efficacité pour assurer la régulation des réseaux.

Interconnexion

Du Portugal à l’Espagne, les réseaux électriques sont déjà interconnectés.
Les échanges d’électricité entre pays sont rendus possibles par des câbles à haute tension, parfois sous-marins, et le plus souvent en courant continu lorsque les distances sont supérieures à 100 km. C’est ce qu’on appelle le CCHT (ou HVDC en anglais) qui permet de transporter l’électricité avec peu de pertes : 3 % pour 1 000 km. Plusieurs câbles sous-marins relient par exemple l’Angleterre au continent. Il y a notamment un projet d’interconnexion entre la France et l’Irlande par un câble sous-marin CCHT de 575 km et d’une capacité de 700 MW.  C’est le projet Celtic Interconnector qui devrait entrer en service en 2026.

L’Europe prévoit des investissements importants dans les interconnexions car c’est un des moyens de pallier à la variabilité des énergies renouvelables en transportant l’électricité d’une région qui bénéficie d’un surplus de courant vers une autre qui est en déficit. Une directive européenne impose à chaque Etat membre de disposer d’ici 2030 d’une capacité d’interconnexion électrique d’au moins 15 % de sa production installée.