Installés sur des bassins industriels, des lacs d’anciennes carrières ou de barrages, des réservoirs d’eau ou des bassins d’orage, les installations photovoltaïques flottantes offrent de nombreux avantages et se développent aux quatre coins de la planète. Certains redoutent toutefois des impacts négatifs pour la biodiversité.

Avant 2014, seules 3 installations solaires flottantes d’une puissance de quelques kilowatts seulement avaient été construites dans le monde. Mais depuis 3 ans la technologie se développe de façon fulgurante et les surfaces installées doublent d’année en année. Le Japon, confronté à un manque d’espace disponible pour des centrales au sol dispose du parc le plus important avec près de 80 % des fermes solaires flottantes en service. Leurs puissances se comptent désormais en MWc. Mais c’est en Chine que les plus grandes centrales se construisent. Au mois de mai de l’année dernière une installation de 40 MWc a été mise en service dans la région de Huainan. Avec 160.000 panneaux solaires, elle couvre sur plus de 800.000 m² un lac artificiel qui s’est formé suite à l’abandon d’une ancienne mine de charbon. L’eau, très polluée par la mine ne peut pas servir pour d’autres fonctions. Dans la même province, une centrale de 150 MWc est en construction depuis juillet 2017. Lorsqu’elle sera terminée dans quelques mois, elle devrait produire près de 290 GWh par an, ce qui correspond à la consommation électrique annuelle d’environ 60.000 familles chinoises. Ce record ne devrait pas tenir longtemps : une centrale flottante d’une puissance de 330 MWc est en chantier en Australie et, l’Inde développe un projet d’une puissance de 648 MWc qui devrait recouvrir une surface de 10 km² !

Plus près de nous, les projets sont plus modestes. La première ferme solaire flottante de Belgique a été inaugurée il y a quelques mois sur un bassin servant de réserve d’eau pour l’entreprise Hesbaye Frost, spécialisée dans la production de légumes surgelés. L’installation d’une puissance de 1 MWc est composée de 3120 panneaux photovoltaïques flottants qui permettent d’assurer 2,5% de la consommation électrique annuelle de l’usine.

Un autre projet belge est à l’étude à Soignies sur le lac qui s’est créé à l’endroit d’une ancienne carrière. Originalité du projet : les autorités communales souhaitent associer leurs citoyens au financement du budget estimé à 5 millions d’euros. A cet effet une coopérative sera créé dans laquelle les habitants pourront prendre des parts.

Quant au secrétaire d’Etat à la mer, il envisage la construction d’une ferme solaire qui serait installée sur une île flottante à l’intérieur des parcs éoliens de la mer du Nord.

France : débuts timides

La PME lilloise Ciel & Terre est probablement le plus grand spécialiste mondial des fermes solaires flottantes. Déjà en 2011 elle avait installé un prototype à Piolenc, sur le lac d’une carrière de granulats du Rhône. D’une puissance de 15 kWc, ce projet lui avait permis de mettre au point la technologie Hydrelio qu’elle a ensuite fait breveter. Mais depuis lors c’est principalement avec des centrales flottantes installées à l’étranger que l’entreprise s’est développée, notamment au Japon, en Corée, en Belgique et au Royaume-Uni. A l’heure actuelle elle compte plus d’une centaine d’installations à son actif, toutes à l’extérieur des frontières de l’hexagone.

C’est qu’en France, les débuts du photovoltaïque flottant sont assez timides.

Au sud de Strasbourg, la commune d’Illkirch-Graffenstaden installe sur l’étang artificiel de Girlenhirsch une centrale solaire qui alimentera plusieurs services municipaux. Une production annuelle de 40 000 kWh est escomptée, ce qui permettrait de couvrir 35 % de la consommation des installations municipales voisines. Ce projet soutenu par Électricité de Strasbourg bénéficiera d’un co-financement de l’Etat à hauteur de 43 000 €.

L’installation lacustre d’Illkirch-Graffenstaden au sud de Strasbourg

Mais l’initiative se heurte aux objections d’associations de protection de l’environnement qui redoutent une déstabilisation de l’écosystème aquatique. Soucieuse de surveiller l’incidence de ce projet sur le milieu naturel, la ville a prévu d’effectuer régulièrement des analyses de l’eau et des relevés de l’avifaune en partenariat avec la LPO.

En fonction du bilan de cette installation expérimentale, la ville envisage un projet de plus grande ampleur sur son ancienne Ballastière, située au sud de la commune. Ce plan d’eau d’une vingtaine d’hectares pourrait accueillir un parc solaire lacustre, à dimension citoyenne et participative.
L’espace manquant sur les toits pour installer des panneaux photovoltaïques, la métropole de Strasbourg est en tout cas déterminée à développer le solaire flottant. L’objectif est de produire 40 000 kWh par an, de quoi soutenir la production électrique locale.

Mais … c’est à peu près tout. Nous n’avons à l’heure actuelle pas connaissance d’autres installations ou projets de ce type en France.

De nombreux avantages

Le photovoltaïque flottant rend possible la valorisation de grandes surfaces qui n’ont en général pas d’autres fonctions que celle de réserve d’eau. En recouvrant une partie de leur superficie, les panneaux réduisent l’évaporation naturelle et l’échauffement de l’eau. Par rapport aux installations terrestres elles évitent la confiscation de surfaces fertiles au détriment de l’agriculture ou de l’exploitation forestière.

La technologie présente plusieurs autres atouts. Le centre d’une étendue d’eau n’est jamais à l’ombre et dispose donc d’un ensoleillement maximal. Mais, surtout, la fraîcheur de l’eau permet d’éviter la surchauffe des panneaux et leur rendement est dès lors nettement amélioré. En outre la technologie permet d’orienter et d’incliner toujours les panneaux de façon optimale ce qui est rarement le cas en toiture. Ces installations sont aussi moins coûteuses que lorsqu’elles sont posées sur des toitures ou des surfaces terrestres.

Impact environnemental ?

Face à ces nombreux avantages, certaines associations de défense de l’environnement opposent une série d’impacts négatifs sur la biodiversité. Selon elles, les panneaux vont provoquer sous leur surface une zone d’obscurité qui aurait pour effet d’empêcher le développement du phytoplancton, perturbant ainsi la chaîne alimentaire de l’étang.

Les oiseaux aquatiques migrateurs risqueraient aussi d’être désorientés à l’amerrissage par ces surfaces qu’ils peuvent confondre avec l’eau libre, surtout la nuit. Certains insectes aquatiques, comme les dytiques, volent à l’état adulte et sont attirés par les surfaces horizontales brillantes qu’ils confondent avec un plan d’eau, surfaces artificielles sur lesquelles ils peuvent s’écraser à l’atterrissage en piqué.

Mais l’objectif n’est évidemment pas de recouvrir des lacs et des étangs qui ont une fonction récréative paysagère ou environnementale. Ces installations sont plutôt destinées à être installées sur des bassins industriels ou artificiels qui contiennent des eaux polluées ou biologiquement « mortes ».

Selon Ciel & Terre, leurs systèmes flottants ne sont pas nuisibles à l’environnement, au contraire. L’installation de panneaux sur l’eau permet de réduire la croissance des algues qui, lorsqu’elles prolifèrent, ont un impact négatif sur la biodiversité aquatique. Ciel & Terre installe le plus souvent ses fermes solaires sur des bassins artificiels. Le but est de trouver un bon équilibre entre le maintien de la qualité de l’eau et la création d’un habitat adéquat pour les plantes et les animaux. Par exemple, pour l’un des projets de l’entreprise aux États-Unis, des aérateurs ont été installés à côté de la centrale pour permettre une oxygénation idéale de l’eau.

Une autre préoccupation concerne le taux de couverture défini comme le pourcentage de la surface du bassin couverte par les panneaux. Celle-ci n’est en effet jamais recouverte complètement. Plusieurs facteurs sont pris en compte en compte pour déterminer le ratio idéal : conditions du site, température, vent, exposition solaire, etc. Le taux de couverture des projets de Ciel & Terre est compris entre 30% et 60% en moyenne. 70% représenteraient un ratio de couverture maximal.

En outre, la société déclare n’avoir été informée jusqu’à présent d’aucun dommage réel pour la faune aquatique qui aurait été causé par une réflexion de la lumière ou autre.