La perspective d’un hiver rigoureux fait craindre des pannes de courant. Les opérateurs télécoms prennent le risque de coupures des réseaux mobiles très au sérieux, et demandent à être intégré dans la liste des clients prioritaires.

L’Europe compte un demi-million de tours télécoms, équipées de batteries permettant d’assurer la continuité de leur fonctionnement en cas de coupure de courant. Mais leur autonomie n’est que d’environ une demi-heure, alors que, dans le pire scenario, les interruptions de fourniture d’électricité pourraient durer jusqu’à deux heures.

La France est équipée de 62 000 tours de téléphonie mobile. Certains sites majeurs disposent déjà de groupes électrogènes ou de micro-batteries, mais un tel équipement de secours est inenvisageable pour la totalité des relais de téléphonie mobile installés dans l’hexagone.

Les opérateurs télécoms tirent dès lors la sonnette d’alarme auprès du gouvernement face aux risques de coupures de courant qui pourraient impacter le fonctionnement de leurs antennes et donc des téléphones portables.

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La téléphonie mobile, prioritaire ou non ?

Liza Bellulo, présidente de la FFT (Fédération française des télécoms), qui regroupe Orange, Bouygues Telecom et SFR, exhorte Enedis, le gestionnaire du réseau basse et moyenne tension, à mettre tout en œuvre pour assurer la continuité des services en cas de coupure de courant. La FFT accuse Enedis de ne pas être capable de préserver les antennes mobiles d’éventuelles pannes de courant. « Ce n’est pas facile d’isoler une antenne mobile du reste du réseau », explique un responsable du ministère des Finances.

Enedis affirme avoir la capacité d’isoler certaines parties du réseau pour que les clients prioritaires ne subissent aucune interruption des services télécom. Toutefois, le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité en France précise qu’il revient aux autorités locales d’ajouter les infrastructures télécoms à la liste des clients prioritaires, tels que les hôpitaux, la police, les pompiers, les sites industriels sensibles, ainsi que les forces armées.

Or, selon Le Monde, 90% des appels d’urgence se font via un portable. En juin 2021, lors de la panne géante des numéros d’urgence, plusieurs personnes sont décédées parce qu’elles n’ont pas pu joindre à temps les services de secours.

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Le risque de coupure est-il réel ?

Dans un contexte de coupure des livraisons de gaz russe, et de fermeture de la moitié du parc nucléaire français (sur 56 réacteurs nucléaires, 32 étaient à l’arrêt au 5 septembre dernier, d’après Francetvinfo), « les risques de coupure ne sont pas totalement exclus », selon RTE, notamment si l’hiver est particulièrement froid et que la consommation d’électricité est exceptionnellement élevée.

Mais la Première ministre Elisabeth Borne se veut rassurante. Un « délestage tournant » pourra être mis en place pour éviter les coupures. Cette mesure consiste à interrompre l’électricité de manière ciblée et ponctuelle dans certains quartiers afin d’éviter le blackout général. Les services essentiels tels que les hôpitaux ou les sites industriels à risques ne sont pas concernés par ces délestages potentiels.

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La France n’est pas un cas isolé

La Suède et l’Allemagne ont également exprimé des inquiétudes en cas de pannes de courant auprès de leurs autorités respectives. En Italie, la fédération représentant les entreprises du secteur des télécoms a affirmé qu’elle voulait que le réseau mobile soit exclu de toute mesure de coupure ou de rationnement d’électricité. La fédération entend soulever cette question auprès du gouvernement de Giorgia Meloni, aussitôt sa formation achevée.

Selon Massimo Sarmi, patron de la fédération italienne, les coupures de courant peuvent provoquer des pannes de composants électroniques s’ils sont soumis à des interruptions brutales. De telles avaries techniques pourraient alors provoquer des perturbations de plus longue durée sur le réseau.

Les opérateurs télécoms travaillent avec les gouvernements au niveau de chaque pays pour s’assurer que toutes les mesures sont prises afin de garantir la continuité des services essentiels.

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De bonnes raisons de s’inquiéter

En Allemagne, sur les 33 000 tours mobiles opérées par Deutsche Telekom, seule une petite partie peut être couverte simultanément par un système électrogène de secours. En cas de panne de courant prolongée, l’opérateur allemand devra recourir à des générateurs mobiles fonctionnant au diesel, selon un porte-parole du groupe. Mais il sera impossible d’alimenter la totalité des relais télécoms.

En France comme dans d’autres pays d’Europe où la fourniture d’électricité est stable et bien assurée, « les investissements dans le stockage d’énergie ont peut-être été moindres que dans d’autres pays », selon les propos d’un responsable du secteur télécoms.

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