Monaco s’est fixée comme objectif de réduire de 50 % ses émissions de CO2 en 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour remplir ses engagements, la Principauté mise notamment sur la thalassothermie – qu’elle appelle l’or bleu – pour chauffer et climatiser ses bâtiments. Une technologie qu’elle maîtrise bien puisque dès 1960, elle a été la première ville à développer ce type d’énergie renouvelable sur son littoral.

La thalassothermie consiste à utiliser l’eau de mer comme source d’énergie pour chauffer ou climatiser des immeubles. Le principe est similaire à celui de la géothermie, mais au lieu de puiser la chaleur dans une nappe souterraine, c’est la mer qui est mise à contribution.
L’eau de mer est pompée à une dizaine de mètres de profondeur où sa température varie entre 12 et 25 °C selon la saison. Envoyée dans une série d’échangeurs thermiques elle cède une partie de son énergie à une boucle d’eau douce qui alimente des pompes à chaleur (PAC) réversibles. Celles-ci augmentent la température du circuit secondaire pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire, ou au contraire la réduisent pour fournir de la fraîcheur pendant la saison chaude.
Comparé aux pompes à chaleur qui puisent leur énergie dans l’air extérieur, le cycle à eau de mer offre un bien meilleur rendement : il produit jusqu’à 5 kWh de chauffage ou de climatisation pour 1 kWh d’électricité consommée, soit 30 % de mieux.

Le savoir-faire monégasque en matière de thalassothermie remonte aux années 1960. La Principauté a en en effet été le premier Etat à développer ce type d’énergie renouvelable sur son littoral, avec l’installation en 1963 d’une première pompe à chaleur sur eau de mer au stade nautique Rainier III pour chauffer l’eau de la piscine.
On dénombre aujourd’hui plus de 80 installations de thalassothermie sur le territoire monégasque. Elles couvrent 17 % des besoins énergétiques de ses habitants et elles alimentent près de deux tiers des bâtiments du Rocher, ce qui représente une économie annuelle de 15.000 tonnes d’équivalent pétrole.

Parmi les exemples les plus emblématiques des bâtiments monégasques alimentés par la thalassothérapie, figurent le Grimaldi Forum, le Musée océanographique, l’Auditorium Rainier III ou encore les établissements de la Société des bains de mer (SBM), le plus important employeur de la Principauté, qui gère de nombreux actifs dans l’hôtellerie de luxe et les loisirs.
Par ailleurs, le nouveau quartier Fontvieille bénéficie déjà depuis plusieurs années d’un réseau de thalassothermie qui dessert ses entreprises ainsi qu’environ 2000 logements.

À lire aussi Energie thermique des mers : les abysses recèlent un potentiel énorme

Deux nouvelles boucles thalassothermiques à Monaco

Soucieuse d’accélérer sa transition énergétique, la Principauté a décidé d’interdire l’utilisation de fioul pour la production de chaleur à compter du 1er janvier 2022. L’objectif est évidemment de remplacer en grande partie cette énergie fossile par « l’or bleu ». Pour préparer la conversion, Pierre Dartou, le nouveau chef du gouvernement et Thomas Battaglione, directeur général de la SMEG (Société Monégasque de l’électricité et du gaz), une filiale d’Engie, ont récemment signé un traité de concession pour deux nouvelles boucles thalassothermiques qui alimenteront les quartiers du Larvotto et de La Condamine.
Ces ouvrages, actuellement en cours de réalisation, seront exploités sur une durée de 30 ans par un consortium d’entreprises constitué autour de la SMEG. Le projet permettra de produire 35 GWh par an d’énergie décarbonée, ce qui représente une économie de 6.925 tonnes de CO2. Le réseau sera connecté à 3.500 logements sur une surface de 200.000 m2, soit 7 % de la surface totale des bâtiments de la ville.

À lire aussi La Réunion bientôt climatisée par l’océan ?

Le long de la Méditerranée, mais pas que …

Depuis plusieurs années, Monaco n’est plus la seule ville à miser sur la thalassothermie. En France, on trouve désormais des pompes à chaleur sur eau de mer à Marseille, Sète, La Seyne-sur-Mer, la Grande-Motte, mais aussi à Biarritz, Cherbourg, Brest et Boulogne-sur-Mer. A Marseille, la centrale Thassalia exploitée par Engie a été inaugurée à la fin 2016 pour chauffer et climatiser 500.000 mètres carrés de bâtiments du quartier d’affaires Euroméditerranée.
Installée sur le port, la centrale de Massileo – le deuxième réseau de thalassothermie de Marseille exploité par Dalkia – est destinée à desservir par un réseau de 9 km plus de 500.000 m2 de bâtiments de la zone Euroméditerranée 2. L’écoquartier « Smartseille » a été le premier à s’y s’être raccordé en 2016.

La thalassothermie se développe bien sur les côtes de la Méditerranée, favorisée par la proximité des  zones urbaines avec le littoral, l’absence de marée et une bathymétrie favorable. Mais pas seulement : elle est aussi très prisée dans certains pays nordiques comme la Norvège, avec des puissances de plusieurs dizaines de MW par installation et des technologies appropriées aux mers froides. En effet, plus l’écart entre la température de l’eau de mer et celle qui est nécessaire pour le chauffage, est grand, plus il faudra d’énergie pour transférer cette chaleur.

À lire aussi Annecy : le réseau de chauffage d’un nouveau quartier puisera son énergie dans le lac

Incidence négligeable sur la biodiversité

Enfin, précisons encore qu’une étude pilotée par Dalkia sur une période de quatre ans a démontré que les pompes à chaleur sur eau de mer ont une incidence négligeable sur la faune et la flore. Les variations de température induites par les rejets d’eau ne dépassent pas 1 °C, dans un périmètre de cinq mètres autour du point de rejet. L’étude consacre la thalassothermie comme une technologie à fort potentiel le long des littoraux densément urbanisés et comme une solution compétitive de la transition énergétique, à condition que les installations soient bien conçues et réalisées.

À lire aussi Impact environnemental des éoliennes offshore : globalement bénéfique pour la biodiversité