Depuis 2018, le panneau solaire bifacial connaît un véritable engouement. Avec une efficacité accrue offrant un gain de production de 25 à 40%, et un coût du mégawattheure en nette baisse, la technologie bifaciale pourrait bientôt remplacer la cellule photovoltaïque monofaciale classique.
Les modules solaires bifaciaux présentent de nombreux avantages sur leurs confrères. En premier lieu, l’électricité peut être produite sur les deux faces du module solaire, ce qui accroît la quantité totale d’énergie produite.
Pour ce faire, il est essentiel que les panneaux bifaciaux ne soient pas posés sur une toiture, mais fixés sur une structure placée en hauteur, pivotante ou non, afin d’utiliser au maximum l’albédo.
L’albédo, un allié incontournable
L’albédo mesure la proportion du rayonnement solaire réfléchi par le sol. Les panneaux bifaciaux convertissent ce rayonnement lorsqu’il est capté par leur face arrière.
L’albédo varie donc en fonction de la nature de la végétation ou du sol, de la position du soleil, et de la hauteur des modules. Plus un équipement est éloigné du sol, mieux il capte le rayonnement réfléchi. Un pavement réfléchira aussi plus de rayonnement que l’herbe ou que l’asphalte noir.
L’albédo est relativement stable dans des régions comme le Proche-Orient. Par contre il peut connaître de fortes amplitudes dans les zones nordiques lorsque la neige fond. En hiver, quand le sol enneigé augmente l’albédo et que le rayonnement direct est plus faible, les panneaux bifaciaux offrent le gain de production le plus élevé (de l’ordre de 40% supplémentaire à cette période de l’année).
Dans les contrées désertiques, le pouvoir réfléchissant du sol permet aux centrales solaires bifaciales de bénéficier d’un albédo très élevé. L’idéal est de poser les panneaux sur un revêtement en béton peint en blanc, mais le coût du revêtement risque d’avoir un impact négatif sur le LCOE (Levelized Cost Of Energy, ou coût actualisé de l’énergie).
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Quelle technologie choisir ?
Il existe essentiellement deux technologies qui présentent des coefficients de bifacialité différents : la technologie monocristalline p-PERC (Passivated Emitter and Rear Contact), actuellement la plus utilisée, et la technologie polycristalline appelée n-PERT (Passivated Emitted Rear Totally diffused) ou solaire à hétérojonction (HJT).
Le coefficient de bifacialité exprime le rapport entre la puissance nominale de la face inférieure et celle de la face supérieure. Ce ratio dépend de la technologie des cellules et du type de parois du module (verre, polymère, …), et est généralement compris entre 60 et 95%. Le coefficient de bifacialité exprime donc l’efficacité de la face arrière par rapport à la face avant pour une même intensité de rayonnement.
Les panneaux n-PERT ou HJT présentent un meilleur comportement bifacial (95% de bifacialité), mais leur coût est plus élevé, ce qui les disqualifie des marchés publics actuels. Le type p-PERC reste le moins cher sur le marché, et offre 70 à 90% de bifacialité.
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Un vrai gain de production
Si les laboratoires manquent de retours d’expérience, les études réalisées à ce jour montrent qu’un panneau bifacial offre en moyenne une productivité accrue de 10% à 20% par rapport à un panneau monoface classique. Le gain peut même être de 30 à 40% lorsque le panneau est placé sur un tracker[1].
Afin d’optimiser le LCOE, et non la production maximale, il est préférable de recourir au tracker à axe horizontal. Les trackers à double axe autorisent des gains de production encore supérieurs, mais ils sont trop coûteux pour être recommandés.
Des chercheurs du Solar Energy Research Institute de Singapour ont établi que les installations bifaciales fixées sur des trackers à axe horizontal permettent de réaliser un gain de production de 35% et d’obtenir un coût d’énergie actualisé (LCOE) minimal, quel que soit l’endroit de la planète. Des gains jusqu’à 40% ont été enregistrés lorsque les conditions de mesure sont optimales.
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Un coût de fabrication en chute libre
La baisse du coût de production des modules bifaciaux promet à cette technologie un avenir radieux. Alors que ce coût s’établit aujourd’hui à 50 €/MWh pour une grande installation photovoltaïque fixe, les fermes solaires bifaciales affichent parfois un LCOE de 17€/MWh.
En juillet dernier, une installation bifaciale de 2 GW à Abu Dhabi a été concédée par adjudication au prix de 11,4 €/MWh. En octobre 2019, un parc de 900 MW en bifacial avec tracking avait déjà été attribué au prix de 14,4 €/MWh.
Les trois dernières années ont démontré que la technologie du panneau bifacial va devenir incontournable pour le marché des fermes solaires de grande puissance. Les modules bifaciaux représentaient déjà 10 % des nouvelles installations en 2018, et 15% en 2019. Selon la plate-forme d’études de marché Tayiang, ils devraient atteindre 50 % du marché mondial au cours de la prochaine décennie. Mais, dans le secteur photovoltaïque, les prévisions sont souvent dépassées par la réalité.
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[1] Un tracker ou suiveur solaire est structure portante motorisée qui oriente les panneaux vers le soleil pendant la course de celui-ci dans le ciel, pour augmenter la production.
Très intéressant en effet. Petit aparté, on dit que le tracker mono axe est préférable pour son coût, et que dès lors il vaut mieux un axe horizontal plutôt que vertical. Mais le bon monoaxe ne serait-il pas tout simplement polaire, comme pour les téléscopes à monture dite équatoriale?
Bel article qui résume bien l’avancée du bi facial sur le marché. Avec un banc de test bifacial qui tourne depuis plus d’un an, nous partageons nos resultats sur ce webinar https://youtu.be/NtRl4DxkqdA