Aujourd’hui, l’écrasante majorité des panneaux solaires photovoltaïques est fabriquée en Chine. D’un point de vue économique, mais aussi écologique, ce n’est pas une bonne nouvelle. Mais l’Europe a-t-elle les moyens de changer les choses ? Oui, estiment les experts de l’Académie des technologies.

Parmi les objectifs du plan « France 2030 » figure la production d’une électricité décarbonée en quantité suffisante pour répondre à des besoins en forte croissance. La production, non seulement sur notre territoire, mais aussi à partir de technologies fabriquées en France — ou au moins en Europe. « Parce que disposer d’une énergie à la fois bas-carbone et peu chère est désormais plus que jamais stratégique », explique Jean-Pierre Chevalier au moment de présenter l’avis de l’Académie des technologies « pour le développement de productions industrielles de panneaux photovoltaïques en France et en Europe ».

Pour comprendre pourquoi les experts de l’Académie des technologies se sont posé la question du développement d’une industrie du solaire photovoltaïque (PV) sur nos territoires, il faut d’abord remonter dans le temps. Mais pas si loin. « Jusqu’au début des années 2020, il était admis que nos besoins en électricité n’augmenteraient pas », raconte Yves Bamberger, le vice-président de l’Académie des technologies. Et puis, coup de tonnerre !

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De grands pays comme la France ou l’Allemagne ont reconnu que pour faire face à la crise climatique, ils allaient devoir produire plus d’électricité. Beaucoup plus. D’une électricité bas-carbone, il va sans dire. « Parce que nous aurons besoin d’une électricité décarbonée, non seulement pour nos usages domestiques, mais aussi pour l’industrie, pour le transport ou encore pour la production d’hydrogène », précise Jean-Pierre Chevalier. En France, nous devrions pouvoir compter sur le nucléaire. Mais ça ne suffira pas. « Pour assurer la baisse de nos émissions, nous aurons besoin de toutes les technologies disponibles », assure l’Académicien. Parmi lesquelles, donc, le PV.

Des panneaux européens nettement plus « verts »

Dans son scénario Net Zero Emission, l’Agence internationale de l’énergie table même sur près de 40 % de l’électricité mondiale produite à partir du solaire d’ici 2050. Et alors que la production des composants sur la totalité de la chaîne de valeur du PV est très largement dominée par la Chine, le pays prévoit déjà d’augmenter significativement sa capacité pour accompagner cette croissance annoncée de la demande. « Même en lui prêtant les meilleures intentions, continuer à dépendre à plus de 95 % de la Chine, ce ne serait pas très sérieux », commente Jean-Pierre Chevalier.

D’autant que l’Europe a été un acteur industriel significatif du secteur jusqu’en 2010 environ. Avant que sa part sur le marché s’effondre jusqu’à passer sous la barre des 1 % en 2021. Le tissu industriel, lui, est toujours en place. Il est seulement aujourd’hui « largement sous-dimensionné ». « Fabriquer du PV en France — ou au moins en Europe —, ce serait clairement un élément positif pour notre souveraineté énergétique, pour notre balance commerciale et pour nos emplois », souligne Yves Bamberger. Mais pas seulement.

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Parce que laisser à la Chine et à son mix électrique fortement carboné — de l’ordre de 600 g eqCO2/kWh pour environ 50 g eqCO2/kWh pour la France — le soin de fabriquer les galettes de silicium — une étape extrêmement énergivore — indispensables à la production de cellules solaires photovoltaïques, c’est aussi accepter que le PV, sur son cycle de vie, ne soit finalement plus aussi bas-carbone que ça. « On peut y voir une opportunité de mettre en place un mécanisme de taxation CO₂ aux frontières européennes qui pourrait avoir un impact sur la compétitivité de ce type d’importations », glisse Yves Bamberger.

Une industrie solaire à développer de bout en bout

Mettre en place « sans attendre » des politiques interventionnistes et de protection, c’est bien ce que recommande l’Académie des technologies pour permettre un redémarrage de l’industrie du PV en Europe. Des mesures auxquelles il faudra adosser une « politique stable et claire de l’énergie et un prix compétitif de l’électricité ».

Pour les experts, « l’Europe doit, en parallèle, se doter de moyens de production significatifs sur l’amont de la chaîne de production — de l’extraction à la purification en passant par la production de lingots et de monocristaux ainsi que la découpe de galettes — des cellules à base de silicium ». Ce sont les seules pour lesquelles ils envisagent un réel marché sur les 15 années à venir. L’investissement estimé serait de 7 à 8 milliards d’euros. « C’est conséquent, mais ça reste dans l’ordre des possibles », commente Jean-Pierre Chevalier.

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Les cellules, les modules et les panneaux solaires, eux, pourraient être produits aux échelles nationales. L’Académie des technologies recommande tout particulièrement de ce point de vue d’industrialiser les technologies dites couches minces ou les technologies tandem, à base de pérovskite. Des technologies qui promettent des rendements augmentés.

Aux deux extrémités de la chaîne de valeur, il y aura aussi du travail. Pour maintenir l’effort de R&D sur des technologies photovoltaïques qui continuent d’évoluer d’une part. Et pour structurer un écosystème de fabricants de composants électroniques, de structures, d’intégrateurs ou encore d’installateurs d’autre part.