L’annonce est tombée il y a quelques jours : les prix de l’électricité vont subir une augmentation de 10 % dès le 1ᵉʳ août. Quelles en sont les raisons exactes ? Est-ce un rattrapage lié au bouclier tarifaire ? D’autres hausses sont-elles à prévoir ? On fait le point.

Rappelons d’abord le contexte en matière de prix de l’électricité. Depuis fin 2021, plusieurs facteurs ont contribué à la hausse des tarifs dans le secteur : d’abord la reprise économique post-pandémie qui a entraîné un besoin accru en énergie, puis la guerre en Ukraine qui a tendu le marché du gaz (sur lequel est indexé le prix de l’électricité). Enfin, en France, en 2022, la faible disponibilité du parc nucléaire et la sècheresse inhabituelle ayant affaibli le secteur hydroélectrique ont également tendu le réseau électrique.

Dans ce contexte, le gouvernement a mis en place dès 2022 un bouclier tarifaire pour l’électricité, permettant de contenir l’envolée des prix. Ainsi, en février 2022, l’augmentation du tarif réglementé de vente (TRV) a été limitée à 4 % jusqu’au 31 janvier 2023. Puis à partir du 1ᵉʳ février, l’évolution a été de 15 %.

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Or, le 18 juillet 2023, le gouvernement a annoncé une nouvelle augmentation de 10 %, provoquant la colère de l’opposition. Certains y voient un rattrapage lié à l’application du bouclier tarifaire. En réalité, il n’en est rien. Le bouclier tarifaire a toujours été conçu comme une aide ponctuelle à destination des ménages, petits professionnels et petites collectivités territoriales, pour les protéger contre une hausse exceptionnelle des prix de l’électricité. Mais il était prévu que cette aide diminue progressivement avant de disparaître totalement d’ici fin 2024. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire l’avait rappelé en avril 2023.

Toutefois, cette hausse surprend, car c’est la seconde en 2023. Or, cela va à rebours de l’annonce de la Première ministre Elisabeth Borne en 2022, affirmant une progression de 15 % du prix de l’électricité sur l’année 2023. On ne s’attendait donc pas forcément à une nouvelle augmentation après celle de 15 % appliquée en février 2023. En fait, cette modification de tarif n’a rien d’anormal. Elle s’effectue dans le cadre du calendrier classique de révision des prix, prévu deux fois par an en février et en août.

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Un retrait progressif du bouclier tarifaire

Pour autant, cette nouvelle hausse ne s’apparente pas à une compensation des coûts engagés par l’application du bouclier tarifaire. Il s’agit en fait du retrait progressif du bouclier tarifaire. Dès le mois d’août, l’État continuera de prendre en charge une partie de la facture des consommateurs protégés. Mais cette contribution ne sera plus de 43 % de la facture, comme c’était le cas jusqu’ici, mais s’établira à 37 %. Cela représente tout de même un tiers de la facture.

Il est vrai que cette hausse des prix des TRV en électricité tombe mal, dans le contexte d’inflation qui touche tous les secteurs et notamment celui de l’agroalimentaire. Selon le chiffrage du gouvernement, elle devrait correspondre à une augmentation moyenne de 160 € par an pour le consommateur.

Mais gardons en tête que sans le bouclier tarifaire, qui est donc toujours en vigueur, la hausse des prix aurait été de 74,5 % en août 2023, selon les calculs de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Et le gouvernement rappelle que le coût du bouclier tarifaire (gaz et électricité) représente environ 110 milliards d’euros pour les finances publiques depuis son entrée en vigueur. Concernant le gaz, il a pris fin au 1ᵉʳ juillet 2023 avec la disparition des TRV pour tous les consommateurs.

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De nouvelles augmentations de prix à prévoir ?

À quoi doit-on s’attendre pour la suite ? De nouvelles hausses des prix de l’électricité sont-elles à prévoir dans les années à venir ? Plusieurs facteurs vont entrer en jeu. D’abord, il y a la fin annoncée en décembre 2024 de l’ARENH (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) contraignant EDF à revendre aux fournisseurs concurrents de l’électricité issue des centrales nucléaires à bas coût et dans une quantité définie par l’État. Un nouveau mécanisme devrait le remplacer, mais il reste inconnu pour l’instant.

Ensuite, une réforme du marché de l’électricité proposée par la Commission européenne devrait également rebattre les cartes en matière de fixation des prix.

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Enfin, les prix restent élevés sur les marchés à terme de l’électricité. La situation est clairement expliquée dans les « perspectives sur la sécurité de l’approvisionnement pour l’été, l’automne et l’hiver 2023 » du gestionnaire du réseau de transport RTE. Le document confirme que la situation sur le réseau s’est améliorée : retour d’une meilleure disponibilité nucléaire, niveau satisfaisant des stocks hydrauliques, stocks gaziers élevés en Europe. Selon RTE, il n’y a pas de risque pour le réseau ni pour l’été ni pour l’automne à venir. Même la situation pour l’hiver 2023 est bien meilleure que celle de l’hiver précédent et s’apparente plutôt à celle de l’hiver 2021/2022.

Malgré ces perspectives optimistes, RTE alerte sur la situation des prix : « les prix de l’électricité sur les marchés à terme se situent aujourd’hui, pour la France, à des niveaux très élevés pour l’hiver et en particulier pour le premier trimestre 2024 ». Et l’institution ajoute : « Ces niveaux de prix ne sont pas cohérents avec les projections sur l’état de tension du système électrique français et apparaissent, en résumé, problématiques ».

Autant dire que ce n’est pas demain que le montant de nos factures va baisser.