
Des centaines de kilomètres de câbles « à papier imprégné » sont enfouis sous les rues de nombreuses villes en France. Si la plupart fonctionnent parfaitement, Enedis, le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, s’affaire à les retirer au plus vite. En cause : la grande vulnérabilité de ces câbles vieux d’un demi-siècle face au changement climatique.
Entre un câble électrique récent et un câble à papier imprégné (CPI), la différence est saisissante. Si le premier isole le conducteur d’une simple gaine en polyéthylène, le second est composé d’un millefeuille de couches de papier gorgé d’huile minérale, de fibres textiles et de feuillards métalliques. Le câble à papier imprégné était le standard déployé il y a une cinquantaine d’années en souterrain dans plusieurs villes, sur le réseau basse et moyenne tension.
Problème : en vieillissant, ce câble devient particulièrement sensible à la chaleur. Une vulnérabilité qui s’accroit avec le changement climatique, selon Enedis, le gestionnaire du réseau de distribution. Les canicules récurrentes font surchauffer le macadam des villes et donc les câbles qui sont enfouis à quelques dizaines de centimètres sous la surface. La chaleur ambiante augmente la résistance des conducteurs, qui se mettent à chauffer à leur tour, pouvant entraîner une détérioration de la gaine isolante puis un court-circuit. C’est le scénario classique de la coupure soudaine en pleine vague de chaleur, souvent brève et très localisée.
Mais, si « en ville, il y a toujours un câble pour secourir l’autre », explique Hervé Champennois, le directeur technique d’Enedis, la répétition et l’intensification des épisodes de fortes chaleurs font peser un risque important sur la sécurité d’approvisionnement des clients urbains.
« Le plus gros aléa des réseaux électriques en ville, c’est la chaleur », affirme le cadre. À Marseille, ville « la plus touchée par la chaleur », 4 100 des 5 000 km de câbles du réseau électrique sont souterrains. Depuis une quinzaine d’années, l’entreprise de service public s’attèle à remplacer les tronçons équipés de câbles à papier imprégné. Ils sont renouvelés à un rythme de 40 km chaque année, par des câbles à isolant synthétique, jugés plus résistants à la chaleur. Dans la cité phocéenne, « il reste 160 km à remplacer, et en 2030 l’intégralité du réseau sera renouvelée », détaille l’ingénieur.
Pour des raisons économiques, les vieux câbles à papier imprégné ne sont pas retirés du sol, malgré leurs quatre conducteurs en cuivre qui pourraient être recyclés. « On ne peut pas tirer l’ancien câble et en mettre un nouveau dans la gaine, ce n’est pas comme à la maison », nous confie un agent encadrant un chantier en plein centre de Marseille. D’autant que les nouveaux câbles synthétiques troquent le cuivre pour l’aluminium, un métal nettement moins cher, mais aussi moins conducteur. Leur section est donc supérieure, 240 mm², de par ce changement de matière, mais également en prévision d’une augmentation des besoins en électricité.
Entre autres chantiers, le déclassement des vieux câbles devrait améliorer la fiabilité du réseau électrique. « En remplaçant les câbles en papier imprégné, on divise par 30 le nombre d’incidents », affirme Hervé Champennois. Une amélioration bienvenue sur le réseau marseillais, actuellement parmi les moins bons élèves en zone densément urbanisée. Le temps de coupure moyen par client et par an y atteint 75 minutes. Si cela correspond à une disponibilité de 99,99 % tout de même, ce score, appelé « critère B », est bien meilleur dans d’autres métropoles. Il est d’environ 45 minutes à Lyon, 35 minutes à Paris et 60 minutes à l’échelle nationale.
Alors que les pompes à chaleur gagnent du terrain, aussi bien pour chauffer l’hiver que pour climatiser l’été, que les bornes de recharge pour voitures électriques fleurissent sur les parkings, et que les usages numériques sont vitaux, le réseau électrique se doit d’être toujours plus fiable. Son renouvellement et renforcement dans le cadre de la transition énergétique est parfois considéré comme une « seconde électrification de la France ».
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