Le développement des énergies renouvelables nécessite de moderniser les réseaux pour prendre en compte ces nouveaux modes de production. Et ce n’est pas toujours évident, comme le prouve l’exemple récent de la Pologne, contrainte de réduire la production de ses énergies renouvelables afin d’éviter de déséquilibrer son réseau électrique.

Face à l’urgence climatique, l’Union européenne s’est fixée comme objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Chaque État membre met ensuite en place une politique énergétique adaptée afin de parvenir à cet objectif et cela passe notamment par le recours aux énergies renouvelables (ENR).

En Pologne, en 2023, le charbon assurait 61 % de la production d’électricité. Le pays mise sur le nucléaire pour décarboner sa production à l’avenir. Le gaz devrait assurer la transition dans l’attente du démarrage des premiers réacteurs, qui ne devrait pas avoir lieu avant 2033. Les énergies renouvelables connaissent également une forte croissance en Pologne, principalement avec le photovoltaïque. Le pays constitue le troisième marché solaire en Europe, derrière l’Allemagne et l’Espagne, avec 12,4 gigawatts (GW) de capacité installée fin 2022.

Mais en tant que source de production d’électricité non pilotable, les ENR nécessitent de disposer de moyens de production flexibles permettant d’équilibrer en permanence l’offre et la demande sur le réseau, sous peine de voir survenir un black-out. En outre, le réseau doit subir des adaptations afin d’accueillir les moyens de production décentralisés que sont les ENR.

Le réseau polonais inadapté aux nouveaux modes de production décentralisés

Or, la Pologne n’a pas suffisamment modernisé son réseau pour cela. Ainsi, face à un afflux de production d’énergie éolienne et solaire, le pays a été contraint de prendre une décision drastique : effectuer une déconnexion d’une partie de son parc photovoltaïque du réseau. En pratique, le gestionnaire de réseau polonais Polskie Sieci Electroenergetyczne (PSE) a effectué une réduction de la capacité de production d’énergie photovoltaïque, pour la troisième fois au mois de mars. Cette troisième salve de réduction a eu lieu au cours de la journée du 26 mars : -1 201 mégawatts (MW) entre 11 h et 12 h, -1 877 MW entre 12 h et 13 h puis -1 711 MW entre 13 h et 14 h.

PSE justifie cette décision dans un communiqué de presse « en raison de l’offre excédentaire de production dans le système électrique national et de la nécessité de restaurer les capacités de régulation du système électrique national ». Pour éviter ce gâchis de production solaire tout en préservant l’équilibre du réseau, la Pologne doit donc accélérer la mise à niveau de son réseau électrique afin que cet épisode ne se renouvelle pas trop souvent. À ce titre, le pays bénéficie du soutien financier de la banque européenne d’investissement (BEI) pour entreprendre ces travaux. Fin 2022, la BEI a en effet annoncé un soutien de plus de 466 millions d’euros accordé à la Pologne pour moderniser le réseau de transport et y intégrer les ENR.

À savoir que la Pologne n’est pas un cas isolé dans le monde. L’État du Texas, aux États-Unis, qui est devenu un champion du renouvelable en quelques années, n’a pas pris la mesure des besoins en modernisation de son réseau électrique. Ainsi, en 2022, il a déjà dû brider sa production éolienne et solaire. Selon l’Agence d’information sur l’énergie américaine (EIA), le Texas pourrait ainsi perdre 13 % de sa production éolienne et 19 % pour le solaire d’ici 2035 en raison de décisions de bridage, afin de préserver l’intégrité du réseau.