L’ONU vient de lancer un vaste programme visant à développer les forêts urbaines dans une trentaine de pays. Vraie nécessité, ou mesurette pour se donner bonne conscience ?

En parallèle du Sommet Action Climat qui s’est tenu à New-York le 23 septembre dernier, Qu Dongyu, le directeur-général de l’organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), a annoncé le lancement d’une initiative baptisée « Une grande muraille verte pour les villes ». Le programme vise à reboiser 800.000 hectares en zone urbaine, dans trente pays  à travers l’Afrique et l’Asie : 500.000 hectares de nouvelles forêts, et 300.000 hectares à maintenir.

Pour mener le projet à bien, un fonds sera créé pour lever 1,5 milliard de dollars, afin d’apporter un appui technique et financier aux villes qui veulent reconstituer ou préserver leurs zones boisées.
L’objectif du programme est multiple : faire baisser la température dans les villes, économiser l’énergie consommée pour la climatisation, réduire les eaux de ruissellement, et mieux filtrer les polluants atmosphériques.

Mais 800 000 hectares… c’est une goutte d’eau dans l’océan.  Le programme ne risque-t-il pas d’éclipser l’urgente nécessité de replanter des dizaines de millions d’arbres pour contrer tant que faire se peut le déboisement massif ?

Un large éventail d’effets bénéfiques

Les villes n’occupent que 3% de la surface terrestre et le total des zones urbanisées, 10%. Mais l’ensemble les grandes cités sont responsables de 78% de l’énergie consommée, et de 60% de nos émissions de CO2.
Or les forêts urbaines peuvent contribuer efficacement à réduire la lourde empreinte carbone des centres citadins. Lorsqu’elles sont bien gérées, les zones boisées peuvent contribuer à faire baisser la température de 8°C dans les zones urbanisées, et permettent de réduire de 40% les frais liés à la climatisation, grosse émettrice de CO2.

A titre d’exemple, un seul arbre de 5 m³ peut absorber l’équivalent de 5 tonnes de CO2, ce qui correspond aux émissions de 5 vols aller-retour entre Paris et New York.
Ainsi, l’ensemble des forêts françaises peut absorber annuellement 70 millions de tonnes de CO2, soit 15 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’hexagone.

Les villes cherchent dès lors à augmenter la place accordée aux arbres, aux espaces verts et aux jardins. L’enjeu est de planter les bons arbres, adaptés aux changements climatiques, aux bons endroits. Dans la capitale de l’Ethiopie, Addis Abeba, on a notamment observé des écarts de 10°C entre les quartiers riches arborés et les bidonvilles.

Les forêts urbaines offrent un large éventail d’effets bénéfiques supplémentaires : stockage du carbone, élimination des polluants atmosphériques, fixation des particules fines, apport alimentaire, rôle économique, prévention des inondations et des sécheresses, et préservation d’une large biodiversité : champignons, plantes, insectes, oiseaux, petits mammifères, etc.
Les forêts urbaines peuvent servir d’habitat, offrir de la nourriture et assurer la protection de nombreux animaux, voire même un environnement plus sain. Pensons aux abeilles qui, face à l’agression des pesticides en milieu rural, trouvent refuge dans les zones urbaines.

Sans compter que les espaces verts exercent un effet difficilement quantifiable, mais bien réel, sur notre santé mentale. Investir dans les espaces verts, c’est faire le choix de lieux de vie plus agréables, plus durables, résilients, sains, et plus équitables.
Plusieurs études ont observé une convalescence plus rapide chez des patients ayant une vue sur un espace vert depuis leur chambre d’hôpital que chez les patients alités dans une chambre avec vue sur du béton.

Un enjeu de taille

La volonté du programme de la FAO est de contribuer à lutter contre les îlots de chaleur et à mieux retenir les eaux de pluie, mais également d’associer aux grandes villes un environnement de qualité.
De nombreuses villes n’ont pas attendu le lancement du programme « Une grande muraille verte pour les villes » pour agir. Plusieurs d’entre elles ont mis en place d’ambitieux projets de plantations d’arbres, dans l’objectif de créer de véritables forêts urbaines.

En 2012, Montréal s’était déjà fixé l’objectif de planter 300.000 arbres d’ici à 2025 pour atteindre un indice canopée[1] de 25% (contre 20% en 2012).
En France, la ville de Lyon avait déjà adopté dès 2000 une « charte de l’arbre » pour faire face au changement climatique.

Des chercheurs du M.I.T. ont également mis au point le Green view index (ou indice de verdissement) à partir de l’outil d’observation Google Street. 27 villes à travers le monde ont ainsi été passées au peigne fin. Sans surprise, Singapour vient en tête du classement avec un indice de verdissement[2] de 29,3%, suivie par Sydney (25,9%) . Il est vrai que Singapour a été précurseur en matière de forêts urbaines : mégalopole de 5,6 millions d’habitants, la ville a investi il y a 50 ans pour devenir « le jardin urbain de l’Asie », et est devenue un modèle où les gratte-ciel côtoient de vastes zones boisées, offrant ainsi à ses habitants une qualité de vie reconnue de partout.


[1] L’indice canopée correspond au pourcentage de la projection au sol des couronnes des arbres ou groupes d’arbres de plus de 3 m de hauteur sur la zone considérée.

[2] L’indice de verdissement ne prend en compte que les arbres des rues, ne donnant ainsi qu’une vision partielle de la canopée urbaine.