Un peu partout dans le monde, des projets de parcs éoliens offshore émergent pour accompagner la transition énergétique. Mais le secteur est ralenti par une pénurie : celle des bateaux capables d’installer les différentes parties des parcs éoliens en mer. La situation était pourtant prévisible.

Des États-Unis à l’Asie en passant par l’Europe, les projets de sites éoliens maritimes fleurissent un peu partout depuis quelques années. Avec les défis climatiques en jeu, le marché est en plein essor. Pourtant, en France, le secteur peinait déjà à recruter des techniciens pour gérer la maintenance des sites. Mais le secteur est également confronté à un autre problème.

Différents chantiers en cours ou programmés ces prochaines années pourraient bien être retardés. La pénurie des matériaux liée à la crise sanitaire n’est pas étrangère à la situation, mais elle n’est pas la seule en cause. En effet, les entreprises en charge des différents projets de parcs éoliens en mer rencontrent des difficultés à trouver des bateaux spécialisés dans la mise en place des éoliennes et de leurs fondations.

C’est ainsi que le parc éolien en mer du Calvados déclare accuser un retard de 8 à 9 mois sur son planning, du fait de la difficulté d’obtenir un navire pour réaliser le chantier. Le parc de 64 éoliennes qui sera installé au large des côtes du Bessin ne sera donc pas mis en service fin 2024 comme prévu, mais au troisième trimestre 2025.

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La situation était prévisible

Comment en est-on arrivé là ? Pour le comprendre, il faut savoir que les bateaux nécessaires à ces travaux sont très spécifiques. Il s’agit de géants des mers qui peuvent atteindre 200 mètres de long pour 100 mètres de large. Leur coût de construction s’élève à plusieurs millions de dollars. Ils reposent sur de gigantesques piliers posés sur le fond marin qui permettent de surélever le navire. Cela permet de procéder à la pose des fondations, la plupart du temps de type monopieu, puis des éoliennes.

D’après l’entreprise Rystad Energy, il y aurait seulement 32 bateaux de la sorte dans le monde. Déjà en 2020, la firme alertait sur des pénuries possibles dans le secteur d’ici 2025. Alors, pourquoi ne pas avoir fabriqué davantage de navires pour anticiper le problème ? En réalité, ce n’est pas si simple. Compte tenu des investissements et du temps nécessaires pour fabriquer ces bateaux, les constructeurs sont frileux et veulent s’assurer que leurs embarcations seront réservées dès leur mise à l’eau.

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En outre, les éoliennes évoluent et deviennent plus grandes, nécessitant de construire des bateaux plus imposants. Le marché est donc difficile à suivre pour les constructeurs. De leur côté, les entreprises en charge des projets éoliens avancent prudemment et cherchent à avoir la certitude de disposer d’un bateau capable d’assembler le parc, dans les délais prévus. La situation semble donc quelque peu figée, ce qui expliquerait les pénuries actuelles.

Aucun navire installateur sous pavillon français

Mais d’ailleurs, d’où viennent ces bateaux installateurs qui font l’objet de tant de convoitises ? Pas de France, hélas, puisque le pays, déjà à la traîne sur le développement de l’éolien en mer, n’a construit aucun navire de ce type. Par exemple, l’installation du parc éolien en mer de Fécamp a été réalisée par le bateau Sleipnir appartenant à la société néerlandaise Heerema Marine.

Concernant le parc éolien en mer du Calvados, 4 pieux sous-marins ont déjà été posés en mai 2022 pour permettre l’installation de la sous-station électrique. Ce travail a été réalisé par le bateau Sea Installer appartenant à la société belge DEME Offshore. D’autres navires existent et sans tous les citer, notons le Vole au vent appartenant à la société luxembourgeoise Jan De Nul et les bateaux de la société britannique Seajacks.

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Toutefois, même si aucun navire français n’est en mesure d’installer les éoliennes en mer, les entreprises hexagonales ne sont pas pour autant totalement absentes dans le secteur. Le site éolien en mer de Saint-Nazaire peut ainsi compter sur des bateaux français, les crew transfer vessel (CTV), issus des usines de Louis Dreyfus armateurs pour acheminer les techniciens et leur matériel jusqu’au parc éolien et réaliser des travaux de maintenance.

Situation délicate pour l’éolien en mer aux États-Unis

Qu’en est-il aux États-Unis ? La situation est encore plus délicate outre-Atlantique puisque le marché est soumis à une réglementation bien plus stricte. Un texte promulgué en 1920, le « Jones Act » impose en effet que toute marchandise transportée d’un port à l’autre des États-Unis doive l’être sur un navire américain.

Or, aucun bateau installateur d’éoliennes en mer ne bat pavillon américain à ce jour. Pour la construction de la ferme solaire en mer américaine, Block Island Wind Farm, il a donc fallu ruser pour contourner la loi. Ainsi, les bateaux installateurs partaient de pays étrangers comme le Canada, pour ne pas être soumis au « Jones Act ». Une solution qui a toutefois complexifié l’organisation du chantier. Pour remédier à ce problème, un navire dédié est actuellement en construction aux États-Unis pour une mise en service prévue en 2024.

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