Non, la Dolwin Epsilon n’est pas la version bodybuildée du AT-AT de l’univers Star Wars. Il s’agit d’une plateforme offshore HVDC d’une puissance impressionnante de 900 MW qui permettra de convertir l’électricité produite par plusieurs parcs éoliens allemands en courant continu pour faciliter son transport vers la terre ferme.

Fabriquée à Singapour, la plateforme offshore HVDC (High Voltage Direct Current ou Courant Continu Haute Tension) commandée par TenneT mesure 82 m de long, 73 m de large et 84 m de haut pour un poids total de 23 500 t, de quoi faire pâlir la plupart des sous-stations installées sur les parcs éoliens européens.

Après 3 ans de construction, elle vient de commencer son long voyage de 24 000 km vers le chantier naval de Aibel, en Norvège, pour y recevoir ses derniers équipements. Ensuite, elle sera acheminée à l’été 2024 vers son emplacement définitif au large de la Basse-Saxe allemande, en mer du Nord. Une fois sur place, les larges pieds de la structure seront remplis d’eau, et la plateforme sera posée directement sur le fond marin, à une trentaine de mètres de profondeur. Ensuite, l’eau sera remplacée par des enrochements.

Cette architecture développée par Aibel limiterait l’impact sur l’écosystème et en faciliterait le démantèlement. En effet, à l’issue des 30 ans d’exploitation prévus, il sera possible d’enlever les enrochements pour faire remonter la plateforme et laisser la nature reprendre ses droits, selon la société.

À lire aussi Qu’est-ce qu’une ligne haute tension à courant continu HVDC ?

Du courant continu plutôt qu’alternatif pour exporter l’électricité éolienne

Si la Dolwin Epsilon est novatrice par son architecture basée sur la gravité, elle l’est aussi par son fonctionnement. En temps normal, le courant alternatif triphasé produit par chaque parc éolien est dirigé vers une sous-station afin d’être transformé à une tension compatible avec le réseau électrique (généralement de 33 ou 66 kV à 225 kV). Mais cette solution a des limites, car plus le parc se situe à distance du réseau électrique, plus le transport de courant alternatif à travers des câbles sous-marins génère des pertes.

Pour cette raison, la Dolwin Epsilon a un fonctionnement différent. Elle sera directement alimentée en courant triphasé alternatif depuis les éoliennes grâce à des liaisons de 66 kV. Cette électricité sera alors transformée en courant continu haute tension pour être ensuite transportée jusqu’à la station de Emden, dans le nord de l’Allemagne, via un câble de 130 km de long.

À lire aussi Pourquoi l’installation de cette gaine électrique sous-marine est historique ?

C’est là son principal avantage : elle permet aux opérateurs des parcs éoliens de s’affranchir de la construction de sous-stations individuelles, entraînant ainsi des économies financières tout en limitant le temps nécessaire à leur déploiement. De plus, en convertissant l’électricité en courant continu, la plateforme permet de limiter grandement les pertes du transport liées à l’effet capacitif et à l’effet de peau.

Si la construction de parcs éoliens toujours plus puissants est déjà une prouesse technologique, acheminer leur production à terre l’est tout autant, et cette plateforme Dolwin Epsilon en est le parfait témoin. Tennet, gestionnaire du réseau de transport d’électricité aux Pays-Bas et en Allemagne ayant commandé la Dolwin Epsilon pour son projet Dolwin 5, ne compte pas s’arrêter à des plateformes de 900 MW et vise d’ores et déjà la construction d’infrastructures de près de 2 GW. Trois projets sont déjà en développement.