
Un méthanier à propulsion nucléaire vient d’obtenir une certification inédite. Ce feu vert symbolique marque une étape décisive vers la décarbonation du transport maritime, mais les obstacles restent nombreux.
C’est une première mondiale : un méthanier propulsé par un réacteur nucléaire vient d’obtenir la certification « Approval in Principle » (AiP). Délivrée par des sociétés de classification maritime, cette attestation confirme que la conception et la technologie du navire répondent aux normes internationales de sécurité et de réglementation.
À lire aussiVent ou nucléaire : à quoi va carburer le porte conteneur du futur ?La propulsion serait assurée par un réacteur à sels fondus (MSR, Molten Salt Reactor) d’une puissance de 100 MWth. Dans ce type de réacteur, le combustible fissile est dissous dans un sel liquide qui fait office à la fois de combustible et de fluide caloporteur. Ce mélange circule en circuit fermé dans le cœur du réacteur. Lorsque la réaction en chaîne a lieu, le sel fondu chauffé traverse un échangeur thermique qui transfère la chaleur vers un circuit secondaire produisant de la vapeur, utilisée pour la propulsion et générer de l’électricité. Grâce à ce design, le navire n’aurait besoin d’aucun rechargement en combustible durant toute sa durée de vie. Pour l’heure, le concept a reçu l’« AiP » du American Bureau of Shipping (ABS), organisme de classification maritime américain, ainsi que de l’État du Liberia.
À première vue, l’approbation d’un petit pays de 5,5 millions d’habitants peut sembler anecdotique. Pourtant, le Liberia détient le deuxième plus grand registre maritime mondial, juste derrière le Panama. Créé en 1948 par des Américains, ce registre permet aux armateurs de bénéficier d’une fiscalité avantageuse et d’une grande flexibilité, sans exigence sur le pays de construction des navires ni sur la nationalité des équipages. Toujours contrôlé par une société privée américaine, il représente aujourd’hui près de 17 % de la flotte mondiale, soit plus de 5 700 navires.
À lire aussiLa Corée du Sud dans les starting-blocks pour la propulsion nucléaire civileLe Korea Ato Energy Research Institute et Samsung Heavy Industries, porteurs du projet, espèrent finaliser leur design en 2026. La propulsion nucléaire suscite de grands espoirs pour décarboner le transport maritime, responsable de 2 à 3 % des émissions mondiales de CO2. Malgré les défis technologiques, les recherches progressent rapidement. En janvier 2024, le Royaume-Uni et la Corée du Sud ont signé un protocole d’accord pour développer des navires marchands nucléaires. La Chine travaille également sur un porte-conteneurs de 24 000 EVP à propulsion nucléaire, tandis que le coréen KSOE s’est récemment allié à TerraPower pour concevoir un réacteur maritime.
Les perspectives sont prometteuses : en plus de réduire les émissions de CO2, la propulsion nucléaire offrirait une vitesse de croisière accrue grâce à une puissance plus élevée. Néanmoins, les enjeux de sûreté demeurent considérables. La circulation de navires nucléaires dans des zones sensibles comme le canal de Suez ou en régions en conflit soulève des interrogations. Les escales dans les ports constituent un autre défi. À ce sujet, Lloyd’s Register et Core Power ont lancé une étude afin d’évaluer la faisabilité réglementaire et sécuritaire de l’accueil de tels navires dans les ports européens.
La suite de votre contenu après cette annonce
Notre Newsletter
Ne ratez plus les dernières actualités énergetiques
S'inscrire gratuitement