Imaginez un fournisseur d’électricité vous proposer un tarif dérisoire, mais également vous rémunérer pour chaque kilowattheure non consommé durant les pics hivernaux. Ne cherchez pas, ce genre de fournisseur ne se trouve pas en France, mais au Québec. Pour inciter ses clients à la sobriété, l’équivalent local d’EDF a trouvé une formule particulièrement avantageuse.

En France, pour inviter les particuliers à réduire fortement leur consommation d’électricité lors des pics en hiver, il existe une offre spécifique. Il s’agit de l’option « Tempo » du tarif bleu, proposée par EDF et dont les tarifs sont fixés par l’État. Cette offre assez complexe se décompose en 6 tranches tarifaires, chacune déclinée en heures pleines et heures creuses.

Il y a d’abord les 300 jours « bleus » annuels, correspondant à des périodes de faible demande, où l’électricité est facturée à bas prix. Le reste de l’année est composé de 43 jours « blancs », où la demande en électricité est un peu plus élevée, et donc légèrement plus chère. Enfin, 22 jours « rouges » exclusivement répartis en automne et hiver complètent le calendrier. Le prix de l’électricité y est parfaitement délirant sur la plage d’heures pleines : il augmente de 450 % par rapport aux heures creuses des jours « bleus » (voir les tarifs détaillés).

Gare à ceux qui oublient la « couleur » du jour, et lancent régulièrement leur sèche-linge, radiateurs, ou un gigot au four durant les heures pleines des jours rouges : la facture pourrait être très salée en fin de mois. L’objectif de cette offre est clair : sanctionner les abonnés qui ne jouent pas le jeu de la sobriété lors des pics de consommations hivernaux, qui correspondent généralement aux vagues de froid. Car l’option Tempo a été créée pour aider le réseau à conserver son équilibre durant les périodes les plus tendues. Si la stratégie semble fonctionner, pourrait-il en être autrement ?

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Au Québec, soulager le réseau en rémunérant les volontaires

La problématique est la même de l’autre côté de l’Atlantique, chez nos cousins québécois. La province canadienne a — comme la France – fait le choix de développer le chauffage électrique, afin de profiter de son abondante et peu coûteuse production hydraulique. En conséquence, les pics de consommation peuvent être très importants lors de grands froids. Hydro-Québec, l’équivalent local d’EDF, propose lui aussi une offre dont l’objectif est similaire à l’option Tempo en France. Les conditions sont toutefois bien différentes.

En effet, au Québec, l’équivalent de Tempo s’appelle le « crédit hivernal ». Il s’agit d’une option proposée sur le tarif local de base, le « tarif D ». Qu’ils aient ou non optés pour cette option, les abonnés payent leur kilowattheure (kWh) au même prix : 0,07 à 0,10 $ (soit 0,05 à 0,07 €) toute l’année, selon la quantité d’électricité consommée. Il n’y a pas d’heures creuses, d’heures pleines ni de « couleur » du jour.

Grille tarifaire du tarif D avec option crédit hivernal proposé par Hydro-Québec.

Toutefois, les consommateurs ayant souscrit à l’option « crédit hivernal » se voient gratifiés d’une prime de 0,54 $ (0,37 €) pour chaque kilowattheure effacé durant les « évènements de pointe ». Concrètement, Hydro-Québec rétribue ses abonnés sur la différence de consommation enregistrée entre les « heures de pointe » et la consommation moyenne habituelle aux mêmes heures durant les 5 jours précédents. Un minimum de 2 kWh économisés est exigé. Du gagnant-gagnant : l’abonné voit sa facture d’électricité réduite s’il fait un effort et le réseau bénéficie de sa sobriété au moment le plus important. Contrairement à l’option Tempo française, il n’y a aucun risque de recevoir une facture ahurissante si l’on ne respecte pas la consigne.

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Le crédit hivernal plus flexible que l’option Tempo ?

Le « crédit hivernal » québécois se distingue également de Tempo par sa capacité à s’adapter aux besoins réels du réseau. En France, l’option Tempo doit obligatoirement comporter 22 jours rouges par saison, outre les 300 jours bleus et 43 jours blancs, même si l’hiver est doux et que le réseau n’est pas particulièrement sollicité. Un fonctionnement rigide qui étonne de nombreux abonnés, notamment au mois de mars, lorsque le gestionnaire du réseau électrique RTE est contraint de positionner les derniers jours rouges non utilisés malgré des températures clémentes.

Au Québec, les « évènements de pointe » sont un peu moins encadrés. Ils peuvent être placés n’importe quel jour de la semaine, entre 6 h et 9 h et entre 16 h et 20 h, du 1ᵉʳ décembre au 31 mars. S’il n’y a pas de quota minimal d’évènements, un plafond limite à 33 le nombre d’activations pour un maximum de 100 heures par saison.

Une offre parallèle à 3 centimes le kilowattheure

À noter qu’Hydro-Québec propose une autre offre à tarification dynamique, plus proche de l’option Tempo française, baptisée « tarif D Flex ». L’abonné bénéficie d’un kilowattheure extrêmement bon marché facturé entre 0,05 et 0,08 $ (0,03 à 0,05 €) en hiver et entre 0,07 et 0,10 $ (0,05 à 0,07 €) en été. En contrepartie, le tarif s’envole à 0,54 $/kWh (0,37 €) durant les évènements de pointe hivernaux. Le consommateur peut donc choisir entre deux méthodes pour stimuler sa sobriété énergétique.