En Australie, le géant minier Fortescue exploite un réseau de chemin de fer sur lequel circulent 54 locomotives qui tractent chacune des dizaines de wagons. Chaque année, ces trains consomment 82 millions de litres de diesel en transportant du minerai de fer de la mine à l’usine. Pour réduire l’énorme dépense, mais aussi la pollution que cela représente, l’entreprise projette d’utiliser des locomotives électriques équipées de batteries. Et la société affirme que celles-ci… ne devront jamais être rechargées. Comment est-ce possible ?

Les ingénieurs de Fortescue auraient-ils découvert le mouvement perpétuel ? Pendant des siècles – et encore parfois aujourd’hui – sa recherche a été une sorte de Graal des inventeurs de tout poil, comme la transmutation des métaux l’était chez les alchimistes. Leur objectif : mettre au point un mécanisme capable de générer un mouvement qui ne s’arrêterait jamais, sans avoir besoin d’un apport extérieur d’énergie.

Évidemment personne n’y est jamais parvenu, car aujourd’hui les scientifiques expliquent que le mouvement perpétuel est impossible, sur Terre du moins. Tout simplement parce que chaque mouvement génère des pertes d’énergie par frottement et friction – ne fusse qu’avec l’air – et que celles-ci doivent dès lors être compensées par un apport extérieur.

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L’idée n’est pas neuve

Mais alors, ce géant minier australien fait-il une grossière erreur en espérant exploiter des locomotives électriques à batteries qui ne devront jamais être rechargées ?

En réalité, l’explication est simple et ne fait appel à aucun tour de passe-passe. Le principe n’est d’ailleurs pas neuf. En 2017 déjà, et en Suisse cette fois, la société Ciments Vigier SA a mis en service un tombereau électrique géant équipé d’une batterie de 700 kWh. Il s’agit d’un très gros véhicule utilisé dans les carrières et les mines pour transporter des matériaux en vrac comme des terres, des roches ou des minerais.

L’engin suisse, de marque Komatsu, qui pèse 45 tonnes à vide, transporte plusieurs fois par jour 65 tonnes de roches depuis une mine nichée dans la montagne jusqu’à la cimenterie située en contrebas. Lorsqu’il descend sur la piste, le tombereau doit évidemment freiner constamment pour ne pas dévaler la pente à toute vitesse. Ce faisant, il recharge sa batterie grâce au freinage régénératif que les propriétaires de voitures électriques connaissent bien.

Quand, plus tard, le Komatsu remonte à vide vers la carrière, sa batterie se décharge, mais comme l’engin est alors beaucoup plus léger, il consomme moins d’électricité que celle qu’il a générée pendant la descente. Au cours des 20 trajets effectués chaque jour, le véhicule produit 200 kWh de plus qu’il n’en consomme, lesquels sont dès lors injectés dans le réseau.

Ce tomberau électrique équipé d’une batterie de 700 kWh produit plus d’énergie qu’il n’en consomme.

L’Infinity Train utilise le même stratagème

Les trains de Fortsecue, baptisés Infinity Train, fonctionneront en utilisant le même stratagème. L’entreprise ne l’explique pas dans son communiqué, mais la mine est très certainement située à une altitude plus élevée que l’usine de traitement des minerais. Dans le trajet menant de la mine vers l’usine, le chemin de fer comporte donc des descentes plus nombreuses et plus longues que les remontées. Grâce au freinage régénératif les locomotives rechargeront plus d’électricité dans leurs batteries qu’elles n’en consommeront pendant le parcours inverse, à vide.

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Sortie du diesel d’ici 2030

« La régénération de l’électricité sur les sections en descente supprimera le besoin d’installations de production d’énergie et d’infrastructures de recharge. Il s’agit donc d’une solution efficace et capitale pour éliminer le diesel et les émissions polluantes de nos opérations sur rails », explique Elizabeth Gaines, PDG de l’entreprise.
Fortescue vise une sortie du diesel qui devrait être totale d’ici 2030.

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