Avec la transition énergétique, l’acronyme STEP, pour « station de transfert d’énergie par pompage », se fait de plus en plus entendre. Il s’agit d’un système de stockage d’électricité de grande ampleur, qu’il faudrait massivement développer selon certains spécialistes. Mais savez-vous vraiment comment fonctionne une STEP ?

En France, elles représentent autour de 5 GW de puissance. Les STEP, ou stations de transfert d’énergie par pompage (ou pompage-turbinage), sont des installations hydroélectriques destinées au stockage d’électricité, indispensables à notre réseau. Véritables batteries géantes, elles permettent de stocker le surplus d’énergie de nos centrales électriques pour la redistribuer lors des périodes de fortes demandes.

Mais avant de rentrer dans le détail de leur fonctionnement, un petit peu d’histoire. Si le principe a été inventé dans les Alpes suisses et italiennes dans les années 1880, la première STEP française est inaugurée en 1934 au lac Noir, en Alsace. Une mise en service d’ailleurs dramatique, car la rupture d’une conduite, lors de sa première mise en service, entraînera le décès de 9 personnes. C’est dans les années 1970 et 1980 que cette technologie va prendre son essor en France, principalement pour optimiser le fonctionnement des nouvelles centrales nucléaires.

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Le principe de fonctionnement d’une STEP

Une STEP utilise l’énergie hydraulique pour stocker ou produire de l’électricité. Pour y parvenir, deux bassins d’altitudes différentes sont reliés par le biais d’une ou plusieurs conduites, équipée de turbines réversibles. Lorsque le réseau électrique est susceptible de produire plus d’électricité que la demande, l’excédent est absorbé par les turbines, pour pomper l’eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur.

À l’inverse, lorsque la demande en électricité est supérieure à la production, des vannes s’ouvrent, permettant à l’eau du bassin supérieur de chuter dans le bassin inférieur sous l’effet de la gravité. En passant à travers cette conduite, l’eau entraîne les turbines, ce qui génère de l’électricité. Selon les installations, le rendement de cette technologie oscille entre 70 et 85 %.

Schéma simplifié d’une station de transfert d’énergie par pompage turbinage (STEP) / Infographie : Révolution Énergétique.

Le même principe est également appliqué en fonction des prix de l’électricité en temps réel. Les STEP se rentabilisent ainsi en stockant de l’électricité bon marché (voire gratuite) durant les heures creuses et en la revendant au prix fort, lors des pics de consommation. De même, elles peuvent contribuer à stabiliser la tension et la fréquence du réseau électrique. Lors d’un blackout, elles jouent aussi le rôle de groupe électrogène de secours version XXL, afin de reconstruire progressivement le réseau.

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Grâce à cette technique, il est possible de stocker de très grandes quantités d’énergie. À titre d’exemple, la STEP de Montézic, dans l’Aveyron, peut stocker au total 38,8 GWh d’électricité. C’est autant que 760 000 batteries de voitures électriques ! En Isère, la STEP de Grand Maison a une puissance installée de 1 800 MW, ce qui en fait la plus puissante du pays. Au total, la France compte 6 STEP principales, ce qui représente 18 % de la puissance hydroélectrique installée.

Contrairement à d’autres moyens de production d’électricité, les STEP ont l’avantage de pouvoir être mobilisées très rapidement : 15 minutes seulement, entre l’ordre du gestionnaire de réseau RTE, la mise en route des turbines et l’injection d’électricité sur le réseau.

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Associer les STEP aux énergies renouvelables ?

Si les STEP françaises ont surtout été créées pour optimiser la production des centrales nucléaires, cette technologie devrait connaître un nouvel essor avec le développement des énergies renouvelables. En effet, le pompage-turbinage permet de pallier le caractère variable, voire intermittent des énergies solaire et éolienne.

Ainsi, des projets intégrants des éoliennes à des STEP commencent à voir le jour. C’est le cas de la centrale hydro-éolienne d’El Hierro, sur l’une des îles de l’archipel des Canaries. Cette centrale comporte 5 éoliennes d’une puissance de 2,3 MW chacune, dont la production est lissée grâce à une STEP d’une puissance de 11,3 MW. Elle comporte un réservoir inférieur, situé au niveau de la mer, et un réservoir supérieur implanté à 700 mètres d’altitude. Le complexe intègre également une usine de désalinisation de l’eau de mer.

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En Grèce, un équipement similaire a récemment vu le jour. Il s’agit de la centrale Ikaria, en mer Égée. Celle-ci, plus petite, ne comporte que 3 éoliennes de 0,9 MW. Néanmoins, ces deux centrales ont pu être implantées grâce à la topographie montagneuse des îles concernées. Elles utilisent également de l’eau douce grâce à leurs usines de désalinisation, se délestant ainsi d’éventuels problèmes de corrosion dus à l’eau de mer.

Au Chili, l’entreprise américaine Oceanus Power and Water compte également profiter du relief avantageux du pays. La société, qui s’est récemment associée à EDF, souhaite créer un vaste complexe comprenant une STEP dite « marine » de 200 MW, un parc éolien, un parc photovoltaïque, ainsi qu’une usine de désalinisation. Ce projet, nommé IPHROCES, utilise l’océan comme bassin inférieur. Outre une production d’électricité mieux maîtrisée, cette installation permettrait d’obtenir de l’eau douce à moindre coût. En effet, l’eau sera acheminée par gravité depuis le bassin supérieur jusqu’à l’usine.

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Des STEP d’un nouveau genre ?

La faible densité énergétique du pompage-turbinage -la chute de 100 mètres d’un mètre cube d’eau (1000 litres) ne génère que 0,272 kWh- nécessite des différences d’altitudes importantes entre les deux bassins et des volumes d’eau conséquents. C’est pour cette raison que la grande majorité des STEP sont aujourd’hui situées dans des zones montagneuses.

L’un des enjeux préalables au développement massif de ce type d’installation est la possibilité de contourner le problème du relief requis pour pouvoir l’étendre à tout le territoire. C’est pourquoi de nombreux prototypes de STEP marines sont en cours de conception. Reposant sur le même principe, elles utilisent néanmoins l’océan comme réservoir inférieur ou supérieur. La première installation de ce type fut la station de pompage turbinage de l’île d’Okinawa, au Japon, dont la mise en service a eu lieu en 1999. Elle a finalement été arrêtée après quelques années d’exploitation. En France, EDF a évoqué un potentiel de 5 GW (en puissance de turbinage), principalement sur les côtes de la Manche et de la Bretagne.

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Mais certaines entreprises voient encore plus loin. L’entreprise Belge DEME avait, par exemple, imaginé une île artificielle de 6 km² en mer du Nord. Cette île devait être recouverte de panneaux solaires et connectée à de nombreux parcs éoliens offshore. En son centre, elle devait accueillir un vaste lac dont la surface aurait été plus basse que celle de l’océan, servant ainsi de bassin inférieur. Si ce projet, nommé Kema, a finalement été refusé par les autorités belges, il a médiatisé un concept qui pourrait renaître dans le futur.

Enfin, d’autres sociétés reprennent le concept des STEP pour les adapter spécifiquement aux parcs éoliens offshore. C’est le cas de la société Ocean Grazer qui a conçu une batterie océanique. Celle-ci est constituée d’un réservoir rigide situé sous le fond marin, et d’un réservoir souple posé sur le fond marin. Les deux réservoirs sont reliés par une conduite et une turbine réversible. Lorsque les éoliennes produisent trop d’énergie, celle-ci sert à transférer l’eau contenue dans le réservoir rigide vers le réservoir souple qui se gonfle.

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À l’inverse, lorsque la demande en électricité est supérieure à la production, les vannes du réservoir souple sont ouvertes. Sous l’effet de la pression océanique, le réservoir se vide, et l’eau rejoint le réservoir rigide en entraînant la turbine. Cette innovation a notamment été primée au CES (Consumer Electronic Show) 2022, un salon dédié aux nouvelles technologies.

Toutefois, ces technologies doivent encore prouver leur efficacité. À ce jour, seule la traditionnelle STEP installée sur des reliefs naturels est totalement éprouvée, et peut stocker de très grands volumes d’électricité via des techniques maitrisées et à un coût raisonnable.

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