La transition énergétique va mobiliser beaucoup de matières premières. Pour faire face et alimenter ses projets, le groupe TotalEnergies envisage d’extraire du lithium directement de ses puits de gaz et de pétrole de schiste.

Début juillet s’est tenu à Nancy le World Materials Forum. Le « Davos des métaux critiques » comme l’appellent certains. La réunion a rassemblé des dirigeants d’entreprises minières et métallurgiques et des experts des matériaux. Car, tous le savent, la transition énergétique notamment est à l’origine d’une explosion et d’une diversification des besoins en matières premières. Plus encore en ressources dites « rares ».

Ainsi, « même avec un recyclage fortement développé et des innovations technologiques qui aideront à remplacer certains matériaux par d’autres, il faudra inévitablement ouvrir de nouvelles mines », confirmait, il y a quelques mois, l’Académie des technologies.

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Un géant français de l’énergie lorgne sur les matériaux

Le sujet intéresse notamment le groupe TotalEnergies, parce qu’il s’est engagé dans la production à grande échelle de batteries pour les voitures électriques de demain. Mais aussi comme solution de soutien pour ses parcs éoliens et ses fermes photovoltaïques. Fin mai 2023, Auto-motive Cells Company (ACC), une filiale du groupe, a inauguré dans le Pas-de-Calais, la première gigafactory de France. Pour l’heure, la capacité de production est de l’ordre de 13 GWh. Le projet, c’est de la multiplier par trois très rapidement.

Pour cela, il faudra du lithium. Beaucoup de lithium. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que, rien que pour satisfaire aux besoins de la mobilité et de la production d’électricité, les besoins d’ici 2040 seront multipliés, dans le monde, par plus de 40 ! Le dernier inventaire minier réalisé en France — il remonte tout de même aux années 1970 — rapporte que notre pays dispose de gisements intéressants. Toutefois la Chine — avec l’Amérique du Sud et l’Australie — reste aujourd’hui maîtresse du marché. Et pour diverses raisons, le prix du lithium apparait très instable. Début 2020, il en coûtait quelque 5 500 € la tonne. En novembre 2022, il était monté à 80 000 € la tonne. Au printemps de cette année, il était redescendu à un peu plus de 40 000 € la tonne.

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Du lithium presque à portée de main

Mais depuis quelque temps, une idée commence à faire parler d’elle. Les experts estiment en effet que du lithium pourrait être récupéré dans des saumures. Comprenez, dans des eaux souterraines concentrées en sels et plus exactement, en chlorure ou en carbonate de lithium, par exemple. Parce que ces saumures bénéficient, en la matière, des interactions qui se produisent en profondeur entre l’eau et les roches. Ne resterait donc plus qu’à les capter et à en extraire le lithium.

Les scientifiques parlent d’ailleurs d’extraction directe du lithium (DLE). Et elle s’avère bien plus efficace que les techniques traditionnelles d’exploitation de la précieuse ressource. Un récent rapport estime qu’elle pourrait permettre de doubler la production mondiale. De premiers projets sont testés à grande échelle et certains sont même déjà en phase de construction commerciale.

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Un projet européen a par exemple récemment permis de récupérer du lithium des saumures géothermales qui dorment sous la frontière franco-allemande. Avec la possibilité de réinjecter lesdites saumures pour minimiser l’impact environnemental des projets. Mais ce qui intéresse peut-être encore un peu plus les groupes comme TotalEnergies, c’est que des chercheurs ont récemment découvert que du lithium hautement concentré se cache dans les saumures de roches mères pétrolières. D’où l’idée d’extraire finalement la précieuse ressource des eaux usées des puits de gaz et de pétrole de schiste. En Pennsylvanie (États-Unis), une entreprise achète déjà l’eau produite par les sociétés pétrolières et gazières qui exploitent les schistes de Marcellus — qui contiendraient l’une des plus importantes quantités de gaz au monde — pour en extraire du lithium.