AccueilNucléaireQu'est-ce que « l'inertie des machines tournantes » qu'EDF veut monétiser

Qu'est-ce que « l'inertie des machines tournantes » qu'EDF veut monétiser

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Par Kevin CHAMPEAUPublié le 20 mai 2025
Un rotor d'alternateur installé à la centrale hydroélectrique de La Coche / Capture vidéo EDF.

C’est un atout de taille pour garantir le fonctionnement des réseaux électriques. Mais à quoi correspond exactement l’inertie des machines tournantes, qu’EDF veut valoriser grâce à ses grandes centrales ?

Pour contribuer à la stabilité du réseau français et même européen, EDF dispose d’un atout de poids : ses machines tournantes. Concrètement, il s’agit des alternateurs qui produisent de l’électricité en tournant sur eux-mêmes, entrainés par les turbines des centrales hydroélectriques, nucléaires et thermiques. Ils sont essentiels pour assurer l’équilibre du réseau, et notamment le maintien de la sainte fréquence de 50 hertz (Hz). Malgré leur rôle important, ces machines sont moins déployées qu’auparavant, du fait de la part croissante des énergies renouvelables dans le mix électrique.

Dans ce contexte, EDF souhaite valoriser ce type d’équipement à travers une rémunération dédiée. Cela permettrait, dans le cadre de nouveaux projets d’infrastructure, de prendre en compte cette composante à la stabilité du réseau.

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L’inertie, un atout fondamental pour le réseau électrique

Pour comprendre le rôle des machines tournantes sur la stabilité du réseau électrique, revenons d’abord sur les conditions à respecter pour qu’un réseau soit opérationnel. La tension et la fréquence de celui-ci doivent être d’une extrême stabilité, sous peine d’effondrement. Pour y parvenir, il est fondamental que la production et la consommation d’électricité soient toujours égales. C’est cet équilibre qui n’a pas été respecté lors du récent blackout qui a secoué l’Espagne. En quelques secondes, le réseau a perdu 15 GW, ce qui a déstabilisé la fréquence du réseau, et donc des déconnexions d’infrastructures en chaîne.

Sur un réseau synchronisé comme celui de l’Europe continentale, on compte des centaines de milliers de machines, alternateurs et moteurs qui tournent à l’unisson, parfaitement synchronisés sur la fréquence 50 Hz. Les gestionnaires de réseaux utilisent plusieurs mécanismes permettant de moduler la production et la consommation afin de les faire coïncider. Parfois, ces variations sont néanmoins impossibles à anticiper : chute d’une ligne de transport, arrêt d’un gros consommateur, etc.

Pour y faire face, le gestionnaire de réseau a plusieurs outils à disposition, et peut, par exemple, faire varier très rapidement la puissance de moyens de production pilotables comme une centrale hydraulique, thermique ou à vapeur. Parmi ces outils d’ajustement, il en existe un qui est entièrement automatique et instantané : la très grande inertie des machines tournantes. En fonctionnement normal, ces dernières emmagasinent une grande quantité d’énergie cinétique sous forme de rotation. Lors d’une baisse de la fréquence du réseau, ces machines tournantes permettent de compenser la variation de fréquence en restituant une partie de l’énergie stockée. Ce mécanisme permet aux équipes des gestionnaires de réseau de gagner du temps afin d’activer d’autres mécanismes de régulation.

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L’inertie de synthèse n’a pas encore prouvé son efficacité à grande échelle

Ces machines tournantes jouent un rôle capital dans la régulation des réseaux. D’ailleurs, les réseaux disposant de beaucoup moins de sources d’inertie sont bien plus sujets aux coupures et aux instabilités. C’est un phénomène que l’on retrouve notamment sur les réseaux insulaires.

Dans ce contexte, le développement massif des énergies non pilotables pose un problème, car ces énergies ne peuvent pas participer à ce phénomène d’inertie. D’une part, les panneaux photovoltaïques ne possèdent aucune inertie et fournissent du courant continu, qui est transformé en courant alternatif par des composants électroniques. D’autre part, les éoliennes peuvent bien stocker de l’énergie cinétique grâce à la rotation de leur turbine, mais leur fréquence et leur tension varient en fonction de leur vitesse de rotation. De ce fait, elles ne sont jamais synchronisées au réseau électrique. De manière générale, les installations solaires et éoliennes nécessitent des convertisseurs à électroniques de puissance qui permettent d’adapter les caractéristiques de l’électricité produite à celle du réseau.

Pour contribuer à l’équilibre du réseau, les gestionnaires de réseau peuvent de plus en plus compter sur l’inertie de synthèse. Ce mécanisme électronique permet de reproduire artificiellement les effets stabilisateurs de l’inertie mécanique des machines tournantes. Elle est rendue possible par les onduleurs qui détectent en temps réel les variations de fréquence, et injectent ou absorbent de la puissance active de manière quasiment instantanée. Ce mode de stabilisation est rendu possible principalement grâce aux batteries stationnaires. Néanmoins, ces équipements n’ont pas encore prouvé leur fiabilité à grande échelle, à la hauteur de l’inertie mécanique actuellement très utilisée. Pour cette raison, selon EDF, l’inertie mécanique sur le réseau est encore essentielle et doit être valorisée. Reste désormais à trouver une valorisation juste, qui considère l’intérêt de telles machines sur le réseau.

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