📣 La phrase : « Les décharges de pales usagées se remplissent aux USA. »

🗞️ La source : X (ex-Twitter)

ℹ️ Le contexte : selon Fabien Bouglé, qui se présente comme un expert en politique énergétique sur le réseau social X, les décharges de pales d’éoliennes usagées se rempliraient aux États-Unis. Cet utilisateur du réseau social exprime régulièrement son opposition farouche envers l’énergie éolienne. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages très critiques sur la transition énergétique.

📣 La phrase : « Les décharges de pales usagées se remplissent aux USA. »

Deux phrases et une photo. La publication de Fabien Bouglé, qui se présente sur X comme un « expert en politique énergétique », est percutante. Mais est-elle exacte ?

Intéressons-nous d’abord à la photo. Elle a été prise du côté de Sweetwater, au Texas. Depuis 2017, il s’est effectivement développé là-bas, ce qui pourrait être la plus grande décharge de pales d’éoliennes usagées au monde. Elle s’étend aujourd’hui sur plus de 12 hectares. Et, détail inquiétant que racontent les locaux, l’endroit est devenu un véritable repaire pour les serpents à sonnettes.

À l’origine, les pales d’éoliennes ont été déposées là dans l’attente d’être recyclées. L’idée, c’était de les broyer pour en faire des palettes, des traverses pour chemin de fer ou des panneaux de revêtement de sol. Mais l’activité semble peiner à décoller. En attendant, les pales continuent de s’empiler. Les amendes pour stockage illégal de déchets solides aussi. Et si rien n’est fait, jusqu’à 2,2 millions de tonnes de pales pourraient être déposés dans les décharges américaines d’ici 2050 selon une étude. Un chiffre qui semble colossal, mais que l’on peut nuancer en le comparant aux près de 27 millions de tonnes de plastiques jetés aux États-Unis chaque année.

Notons, avant de poursuivre, qu’en France, enfouir ou mettre des pales d’éoliennes à la décharge est devenue légalement impossible dans le cadre de la loi antigaspillage. Déjà, 35 % des rotors doivent être recyclés. Et en 2025, l’obligation montera à 55 %.

Les anciennes pales d’éoliennes encore peu recyclées

Maintenant que la question de la photo publiée sur X par Fabien Bouglé est réglée, revenons à ce que les deux phrases qui l’accompagnent suggèrent. Que les pales d’éoliennes ne sont pas recyclables. Et c’est trompeur pour plusieurs raisons.

Il y a d’abord la question la plus épineuse en la matière. Celle des pales d’éoliennes les plus anciennes. Elles n’ont pas été conçues pour être recyclables. Elles sont faites de matériaux composites dits thermodurcissables. De résines époxy ou polyesters renforcées de fibres de verre ou de carbone. Et si le mélange leur offre à la fois résistance et légèreté, il les rend aussi difficilement recyclables en leurs composants de base. Même si les ingénieurs continuent de plancher sur la question. Encouragés par les législations qui se font de plus en plus exigeantes en la matière. Vestas, visée sur X par Fabien Bouglé, a annoncé en 2023, avoir mis au point un procédé chimique permettant de décomposer les composites en matériaux réutilisables. Y compris pour fabriquer de nouvelles pales.

De nombreuses pistes sont également explorées pour recycler les pales en d’autres matériaux. Des pistes qui semblent parfois exotiques ou plutôt de niche comme l’idée de transporter d’anciennes pales en matière première pour l’impression 3D, en écran antibruit ou en glissière de sécurité. Les architectes, déjà, les exploitent pour la fabrication de mobilier urbain : des bancs, des parkings à vélo ou encore des rampes.

Dans les cimenteries, les pales d’éoliennes démantelées finissent dans les fours. Jusqu’ici, ils brûlaient aux combustibles fossiles. Mais de plus en plus, les cimentiers ajoutent des déchets de type plastiques, pneus de voiture ou pales d’éoliennes réduites en confettis. Et cela permettrait de réduire de presque un tiers les émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’usage de charbon.

Vers des pales d’éoliennes 100 % recyclées

Les pales d’éoliennes sont donc bel et bien recyclables ou, a minima, valorisables. Mais le sont-elles pour autant ? Pas réellement. Parce que ce qui est techniquement faisable reste aujourd’hui peu rentable. Même confier d’anciennes pales à des cimentiers coûte encore aujourd’hui entre 20 et 30 % plus cher que de les envoyer à la décharge. Mais cela pourrait évoluer avec les contraintes de décarbonation auxquelles font face ces industriels. Notons aussi que de plus en plus de grands noms de l’industrie éolienne comme General Electric, Vattenfall ou Orsted s’engagent à récupérer et à réutiliser ou à recycler leurs pales.

Et désormais, la recyclabilité des pales est intégrée dans le processus même de conception. Des pales d’éolienne en composites thermoplastiques garderaient leurs propriétés mécaniques, mais elles pourraient être refondues après usage. De quoi rendre leur recyclage économiquement intéressant. Des pales entièrement recyclables sont déjà commercialisées. Elles resteraient pour l’heure plus adaptées aux éoliennes offshore. Mais Siemens a bien pour ambition le 100 % recyclable en 2030. Vestas prévoit également de lancer la commercialisation à cette échéance.

Les infox de l'énergie, c'est quoi ?

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