Les nouveaux tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque sont dorénavant connus, et leur évolution est à la baisse. Cette baisse est susceptible d’impacter la rentabilité des nouvelles installations. L’investissement financier est le principal levier censé assurer le développement de l’énergie solaire, la filière serait donc directement menacée par une baisse de la rentabilité, ou pire encore, par une rentabilité nulle ou négative. Mais est-ce vraiment le cas ?

En France, la majeure partie des installations sont destinées à la vente d’électricité, en autoconsommation avec vente des surplus ou en vente de la totalité ; les installations destinées à l’autoconsommation pure restent rares. Les panneaux photovoltaïques sont donc essentiellement perçus par les particuliers comme un placement financier, et, à ce titre, le tarif d’achat est une donnée cruciale pour établir son rendement économique et décider ou non de l’investissement.

Les décisions du gouvernement concernant l’évolution des tarifs d’achat sont donc suivies et commentées, avec la plus grande attention. Il s’agit en effet de répondre à la question : quel est l’impact financier de ce nouvel arrêté ? Pour ce faire, ce sont trois composantes qui doivent être prises en compte : le tarif d’achat de l’électricité produite par les panneaux, l’évolution du coût de l’électricité acheté et le coût d’investissement.

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La baisse des tarifs d’achat réduit la rentabilité

Le mécanisme des tarifs d’achat établit de très nombreuses catégories de tarification, et le résultat est pour le moins complexe à analyser et à présenter sans noyer dans les détails. Chaque situation est en outre particulière, et il ne serait pas réaliste de proposer une réponse définitive qui s’appliquerait à tous. Mais nous allons nous efforcer de dégager les tendances, en présentant une méthode de raisonnement. Nous allons nous concentrer sur deux cas illustratifs d’installations domestiques :

  • Cas n°1 : centrale de 3 kWc avec vente en totalité.
  • Cas n°2 : centrale de 6 kWc avec vente en surplus.

On considère également une productivité moyenne, de l’ordre de 1100 kWh/kWc/an pendant les 20 ans du contrat de tarif d’achat. Pour la vente en totalité, le nouvel arrêté établit une baisse spectaculaire du tarif d’achat de 20,77 c€/kWh à 17,35 c€/kWh (≤ 3 kWc), tandis que pour la vente en surplus, la diminution est moins drastique, de 13,39 c€/kWh à 13,00 c€/kWh (entre 3 kWc et 6 kWc). Par ailleurs, dans ce dernier cas, la prime à l’investissement toutefois diminue notablement : elle passe de 440 €/kWc à 370 €/kWc.

Cas

n°1

n°2

Puissance crête

kWc

3

6

Productivité

kWh/kWc/an

1100

1100

Durée du contrat

an

20

20

Production annuelle

MWh/an

3.3

6.6

Production totale

MWh

66

132

Tarif d’achat

c€/kWh

17,35

13,00

La baisse du coût d’investissement est favorable à la rentabilité

Les prix des panneaux photovoltaïques sur les marchés de gros n’ont cessé de diminuer et de battre des records bas au cours de l’année 2023 ; nous l’avons régulièrement commenté sur Révolution Énergétique. La baisse de ces prix ne se répercute toutefois pas directement sur le prix des installations pour des particuliers, car d’autres sources de coûts sont à considérer, notamment la main d’œuvre. Les installateurs peuvent également choisir de conserver pour eux la marge, particulièrement dans un contexte de forte demande.

Les prix ont cependant tendance à baisser. Tucoenergie, par exemple, relève que le coût moyen d’une centrale de 3 kWc est passé de 10 520 € en 2022 à 8 730 € en 2023, soit une baisse d’environ 20 %. Rapporté à la puissance installée, le coût moyen passe ainsi de 3 500 €/kWc à 2 900 €/kWc. On note que cette baisse d’environ -600 €/kWc est nettement plus importante que la baisse de la prime à l’autoconsommation, qui s’élève à -70 €/kWc. La conjoncture fait donc que le particulier est franchement gagnant sur le coût d’investissement.

Baisse des prix de gros des panneaux photovoltaïques / Image : OPIS.

 

Cas

n°1

n°2

Puissance crête

kWc

3

6

Coût moyen unitaire

€/kWc

2900

2175*

Prime investissement

€/kWc

0

370

Coût net unitaire

€/kWc

2900

1805

Investissement total

8700

10830

Coût de production

c€/kWh

13,2

8,2

* nous avons considéré une décote de 25 % pour une installation de 6 kW par rapport à une installation de 3 kW.

La hausse du prix de l’électricité achetée améliore la rentabilité

Les dernières années écoulées ont conduit à une succession de hausses significatives du prix d’achat de l’électricité, et il semble que ce ne soit pas près de s’arrêter. Révolution Énergétique a évalué pour vous le tarif de 2024 de l’électricité dans le cas où la hausse préconisée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) serait mise en œuvre par le gouvernement : pour un contrat de base, le prix atteindrait alors 25 c€/kWh.

Nous constatons donc que le prix d’achat de l’électricité réseau est plus élevé que le coût de production des panneaux photovoltaïques. Un propriétaire d’une centrale solaire a donc avantage à consommer l’électricité qu’il produit plutôt qu’acheter cette même électricité au réseau. C’est possible, dans le cas de la vente des surplus.

Cas

n°1

n°2

Puissance crête

kWc

3

6

Taux d’autoconsommation

%

0 %

30 %*

Électricité vendue

MWh

66

92

Électricité autoconsommée

MWh

0

40

Prix d’achat réseau

c€/kWh

25

25

La production d’électricité est évaluée sur 20 ans. * Cette valeur peut être raisonnablement atteinte pour une installation standard. Elle serait plus élevée avec une batterie domestique, moyennant toutefois un investissement supplémentaire.

Conclusion

Cas

n°1

n°2

Puissance crête

kWc

3

6

Investissement

– 8 700 €

– 10 830 €

Ventes

+ 11 451 €

+ 12 012 €

Achats réseau évités

+ 0 €

+ 9 900 €

Solde

+ 2 751 €

+11 082 €

Le bilan économique simplifié proposé dans cet article montre qu’une centrale photovoltaïque domestique a de grandes chances de rester rentable, et ce, en dépit de la baisse des conditions d’achat et de prime à l’autoconsommation. Nous laisserons le lecteur décider de la valeur de ces investissements, car tout ne saurait être réduit à de simples chiffres.

On note que la conjoncture accentue un possible avantage à l’autoconsommation avec vente des surplus, du fait d’une part d’un faible changement du tarif d’achat et d’autre part de la hausse très significative du prix de l’électricité achetée au réseau. Il faut savoir en outre que les prix d’installation peuvent être très variables selon les installateurs, et parfois plus proches de l’escroquerie que de la vente honnête ; en fonction du devis, la rentabilité peut être positivée ou se trouver complètement annulée. Il est donc essentiel, bien sûr, d’être attentif aux devis proposés et de consulter plusieurs professionnels.

Les cas présentés ici sont simplifiés, mais ils montrent qu’une centrale photovoltaïque peut rester rentable dans des conditions raisonnables. En pratique, c’est normal : la révision des tarifs est censée inciter et accompagner les baisses de prix du matériel et de l’installation, de façon à plafonner la rentabilité des placements et limiter le risque de bulles spéculatives. Cela ne signifie pas qu’ils sont toujours adéquats en tout lieu et tout temps, mais cela nous incite à toujours vérifier l’ensemble des conditions conjoncturelles pour estimer la rentabilité d’une installation solaire.