Ses contrats d’électricité et de gaz arrivant à échéance, la ville de Neuilly-sur-Marne doit impérativement les renouveler sous peine de coupure. Problème : un seul fournisseur a répondu à l’appel d’offres et lui propose des tarifs stratosphériques. Indigné, son maire, Zartoshte Bakhtiari, a lancé un collectif pour interpeller le gouvernement.

Écoles, gymnases, bâtiments administratifs : d’ici quelques semaines, les équipements municipaux de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) pourraient bien être privés de gaz et d’électricité. En cause : les coûts exorbitants du renouvellement des contrats de fourniture d’énergie de la ville, qui arrivent à échéance fin octobre.

Selon Zartoshte Bakhtiari le maire LR de cette commune de 36 000 habitants, les tarifs proposés pour de nouveaux contrats feraient bondir de 2 à 15 millions d’euros son budget annuel d’énergie. Seul son fournisseur actuel, dont la ville n’a pas souhaité que nous révélions le nom, aurait répondu à l’appel d’offres en lui soumettant des prix intenables.

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Une nouvelle offre 32 fois plus chère que la précédente

Alors que la ville payait jusque-là son kilowattheure de gaz 0,015 € HT, le tarif exploserait à 0,228 € HT/kWh entre novembre et décembre 2022 puis à 0,24 € HT/kWh en 2023. Pour l’électricité, la commune passerait de 0,065 € HT/kWh à… 2,07 € HT/kWh puis 1,38 € HT/kWh l’année prochaine. Nous avons pu vérifier ces chiffres en consultant la simulation tarifaire transmise par un poids lourd de l’énergie à la mairie. Toutefois, cette dernière n’a pas souhaité que nous publions ce document.

L’offre concerne l’alimentation en électricité de 38 bâtiments publics : écoles, crèches, mairie, médiathèque, équipements sportifs et culturels, cuisine centrale et locaux techniques, entre autres. Elle est en réalité déclinée en 4 plages de consommation (heures pleines – heures creuses distinguées selon l’hiver ou la basse saison). En basse saison, les tarifs passent de moins d’un centime d’euro HT/kWh en heures creuses à 0,312 € HT/kWh en heures pleines.

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C’est nettement plus salé en hiver ou les prix évoluent de 0,614 € HT/kWh en heures creuses à 1,38 € HT/kWh en heures pleines, pour l’année 2023. Pour la période de novembre à fin décembre 2022, le tarif atteint 0,722 € HT/kWh en heures creuses et plafonne effectivement à 2,07 € HT/kWh durant les heures pleines.

Pour mieux comprendre : 2,07 € HT/kWh, c’est 12 fois plus cher que le tarif réglementé actuel de l’électricité auquel les particuliers et petites entreprises peuvent souscrire (0,174 € TTC/kWh) et 32 fois plus coûteux que l’offre dont Neuilly-sur-Marne bénéficiait précédemment.

Des prix tellement élevés qu’il coûterait moins cher à la ville d’utiliser des groupes électrogènes au diesel plutôt que l’électricité du réseau. Un puissant générateur alimenté par du gazole non routier lui permettrait par exemple de produire du courant autour de 0,45 €/kWh (202 litres de carburant par heure à 100% de puissance pour un groupe de 830 kW).

Sans contrat, les compteurs seront coupés

« Si nous devions souscrire à de tels contrats, cela reviendrait à acter la faillite » déplore Zartoshte Bakhtiari dans un courrier adressé à Emmanuel Macron. Fin septembre, le Président de la république avait appelé les français à « ne pas signer à des prix fous », promettant qu’il négocierait des tarifs plus raisonnables et un meilleur contrôle des prix en coopération avec nos voisins européens. Une annonce très éloignée des préoccupations immédiates de la commune francilienne.

Car, si elle ne souscrit pas rapidement à nouveau contrat, Neuilly-sur-Marne pourrait tout simplement voir ses compteurs d’électricité coupés par Enedis. « Dans le contexte cité, si votre fournisseur d’énergie demande une coupure, Enedis sera dans l’obligation d’exécuter cette demande d’interruption de fourniture d’électricité. Enedis ne peut pas alimenter un site en électricité sans contrat de fourniture d’électricité. Cela représente des pertes non techniques qui sont pris en charge par Enedis » explique le gestionnaire du réseau basse et moyenne tension.

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Un « racket organisé »

Pour tenter de sortir de l’impasse, Zartoshte Bakhtiari médiatise le cas de sa commune sur les réseaux sociaux comme sur les plateaux de télévision. Il dénonce un « racket organisé » et les « superprofits chez les fournisseurs de l’énergie », qu’il accuse d’être des « profiteurs de guerre ».

Le maire de Neuilly-sur-Marne a créé un collectif « Stop Racket Énergie », qui rallie pour l’instant une vingtaine de maires et sénateurs, et lancé en parallèle une pétition approchant la barre des 50 000 signatures. À 21 jours de l’échéance de son contrat d’énergie, la commune n’a toujours pas trouvé de fournisseur en mesure de lui proposer des tarifs raisonnables, selon l’attachée presse du maire.

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