Réseau de transport d’électricité (RTE) a publié son bilan électrique 2023. Il révèle notamment une consommation en berne, mais une hausse de la production de nos moyens bas-carbone (nucléaire, éolien, solaire et hydraulique). Résultat, les émissions de gaz à effet de serre de notre système électrique ont atteint leur niveau le plus bas depuis le début des années 1950.

« Il y a un an, nous étions au cœur d’un hiver difficile, un hiver marqué non pas par une, mais bien par trois crises énergétiques. Des crises indépendantes, mais simultanées qui avaient mis en tension notre système électrique. Une crise d’abord de l’approvisionnement en gaz à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Elle a provoqué une envolée des prix. Une crise ensuite de la production nucléaire française. Elle a alors atteint un minimum depuis 1988. Enfin, une crise de la production hydraulique du fait de faibles précipitations. Elle aussi a atteint un minimum depuis 1976. » C’est le rappel que Thomas Veyrenc, directeur général en charge de l’économie et de la prospective chez RTE, le gestionnaire du réseau de transport français, a tenu à faire en introduction de la présentation du bilan électrique 2023.

Retrouvez les principaux chiffres du bilan électrique 2023 dans notre tableau interactif ⬇️

Un nouveau recul de la consommation en 2023

« Aujourd’hui, la situation est très différente et notre système électrique a trouvé un nouvel équilibre » a-t-il ajouté. Nouvel équilibre, car les chiffres montrent que la situation demeure très différente, en revanche, de ce qu’elle était « avant la crise », à la fin des années 2010.

D’abord, la consommation d’électricité en France a continué de diminuer. Elle a reculé de 3,2 % par rapport à 2022 pour atteindre les 445,4 térawattheures (TWh) — après retraitement des effets liés à la météo. C’est même moins qu’en 2020, année marquée par la crise sanitaire. Et un recul de 6,9 % par rapport à la période d’avant-crise (moyenne 2014-2019). Les experts de RTE l’expliquent par une mobilisation continue en faveur des économies d’énergie et par une conjoncture macroéconomique dégradée.

Une forte progression de la production d’électricité

Dans le même temps, la production d’électricité en France a progressé. En 2023, notre pays a produit 494,3 TWh. C’est 11 % de plus qu’en 2022. Mais cela reste notamment inférieur à la production de 2020 qui avait atteint les 500 TWh en pleine crise sanitaire.

Cette hausse est en partie due au redressement de la production nucléaire qui est remontée à 320,4 TWh. Soit 41,5 TWh de plus qu’en 2022. Le niveau de production est toutefois resté en dessous de celui de la période avant-crise. La moyenne d’alors était de 394,7 TWh. Ce qui montre qu’après avoir été bousculé par les contrôles et les réparations liés au phénomène de corrosion sous contrainte et par la densification des arrêts dus aux visites décennales ainsi que par la perturbation des plannings de maintenance à la suite de la crise sanitaire, le parc nucléaire français n’est pas encore revenu à son fonctionnement nominal. L’enjeu des années à venir sera de retrouver de meilleurs niveaux de disponibilité et de production.

La production hydraulique est, quant à elle, revenue à un niveau conforme à ses moyennes historiques après une année 2022 marquée par une très faible pluviométrie. Avec une production de 58,8 TWh, elle se situe tout de même en dessus de la moyenne de 61,7 TWh enregistrée pour la période 2014-2019. Le résultat d’un début d’année encore plutôt sec.

Des niveaux records pour les productions éolienne et solaire

Ensemble, les productions éolienne et solaire ont fait mieux que l’hydraulique pour la deuxième année consécutive avec une production de 72,2 TWh. C’est près de 15 % de la production totale d’électricité en France.

L’éolien, surtout, a connu une excellente année. Il a battu son record de 2020 avec 48,7 TWh produits. Dépassant du même coup largement le volume de production des centrales au gaz fossile (30 TWh). Les effets conjugués de conditions météo favorables et d’un parc installé qui a poursuivi sa progression. L’éolien en mer commence aussi à apporter sa contribution. En 2022, il n’avait produit que 0,6 TWh. En 2023, avec trois parcs installés dont un totalement en service, il a grimpé à 1,9 TWh. Il est à noter aussi que l’éolien a pu contribuer à la sécurité d’approvisionnement lors des saisons froides, permettant de limiter le recours aux centrales alimentées par les combustibles fossiles. En janvier, mars et novembre 2023, la production éolienne a en effet avoisiné les 6 TWh.

Le photovoltaïque a connu une année record du côté de la production, avec 21,5 TWh, et du côté de l’installation de nouvelles capacités, de l’ordre de 3,2 GW contre 2,7 les deux années précédentes. Les experts de RTE remarquent que les capacités installées n’ont pas permis d’atteindre les objectifs fixés par les pouvoirs publics. Les retards, toutefois, correspondent à quelques mois de développement pour le solaire — au rythme moyen d’installation sur les cinq dernières années — et à environ un an et demi de retard en ce qui concerne l’éolien terrestre. Pour l’éolien en mer, environ deux parcs additionnels seraient nécessaires.

Les énergies fossiles en chute libre

L’autre bonne nouvelle du Bilan électrique 2023, c’est que le volume de production thermique fossile (gaz, fioul et charbon) a baissé de 34 % par rapport à 2022. Seulement 32,6 TWh produits au cours de l’année 2023. Le plus bas niveau depuis 2014. Le charbon n’a ainsi compté que pour 0,2 % du mix électrique de la France.

La première conséquence de tout cela, c’est que les émissions de gaz à effet de serre du système électrique français ont atteint, en 2023, un minimum historique : 16,1 millions de tonnes d’équivalent CO2 (MtCO2eq). C’est le niveau le plus bas depuis le début des années 1950. Quel que soit le volume de production. Et c’est 32 % de moins qu’en 2022. Résultat, l’intensité de nos émissions — 32 g d’équivalent CO2 par kilowattheure produit (gCO2eq/kWh) — demeure parmi les meilleures d’Europe. Pour comparaison, celle de l’Allemagne est de l’ordre de 303 gCO2eq/kWh. Par ailleurs, le taux de production d’électricité bas-carbone atteint 92,2 % en France en 2023. Du jamais vu depuis 73 ans.

L’autre conséquence, c’est que la France a retrouvé son rôle d’exportatrice nette d’électricité. En 2022, notre pays avait importé 16,5 TWh d’électricité, mais en 2023, 50,1 TWh ont été vendus à l’étranger. Un solde dans la moyenne de la dernière décennie et qui a permis à la France de réduire sa facture énergétique d’environ 4 milliards d’euros. Une broutille face aux 80 milliards d’euros que devraient nous coûter les énergies fossiles importées l’année dernière. On pourra peut-être se consoler un peu en notant que les exportations d’électricité bas-carbone françaises auront au moins permis aussi d’éviter des volumes non négligeables d’émissions dans des pays comme l’Italie (11 MtCO2eq) ou l’Allemagne (5,4 MtCO2eq). Le tout dans un mix électrique européen dans lequel les sources fossiles ont reculé de 11 % ces dix dernières années.

Échanges commerciaux d’électricité entre la France et les pays voisins en 2023 / Visuel : RTE.