Sur le marché de gros français, les prix de l’électricité pour livraison future dépassent les prix du jour. Ce phénomène est particulier, la trajectoire étant baissière chez nos voisins européens.
Dans un marché énergétique sain, le prix spot (celui de l’électricité livrée le lendemain) et le prix à terme (pour livraison dans six mois, un an, voire trois ans) évoluent de manière cohérente : le second reflète les anticipations de coûts futurs légèrement supérieurs pour du risque par exemple. Mais depuis plusieurs mois, la courbe française des prix de l’électricité affiche un profil anormalement croissant : les prix à terme sont nettement supérieurs au spot, dans des proportions inhabituelles. C’est ce qu’on appelle une situation de contango.
Ce terme, emprunté au vocabulaire pétrolier, désigne un marché où les acteurs paient une prime pour se protéger d’une hausse future ou compenser un risque d’indisponibilité. En clair, ils préfèrent payer plus cher aujourd’hui pour verrouiller des prix futurs jugés incertains. Les courbes d’EPEX indiquent que la France est l’un des rares marchés européens durablement en contango, quand d’autres pays (comme l’Allemagne) affichent des structures plus plates, voire en backwardation (futur moins cher que le spot).
Sur la semaine dernière, le prix moyen du contrat français pour une livraison en 2029 s’établit à 65,93 euros le mégawattheure (€/MWh), soit 4,58 €/MWh de plus que celui de 2028. Ce dernier dépasse de 3,48 €/MWh le contrat 2027, lequel reste lui-même supérieur de 1,18 €/MWh à celui de 2026.
De prime abord, cette situation est surprenante : la consommation n’augmente pas et l’offre d’électricité est toujours abondante en France (nous exportions près de 100 TWh l’année dernière). Alors est-ce une distorsion économique plutôt qu’une logique de marché ? Une raison avancée par des analystes s’appuierait sur un manque de visibilité du parc nucléaire français. Malgré les annonces de relance de la filière, le calendrier des arrêts et redémarrages reste mouvant. Le 11 juin, EDF annonçait le retour de problèmes de corrosion sous contrainte à Civaux 2.
Les opérateurs de marché intègrent donc une prime de risque sur la disponibilité future. Tant que la trajectoire de production d’EDF n’apparaît pas stabilisée, les prix à terme resteront élevés. Chaque incertitude sur une tranche nucléaire pèse mécaniquement sur les anticipations de prix à un ou deux ans.
Le contango reflète aussi l’inquiétude sur les coûts d’exploitation à venir. L’électricité française, historiquement compétitive, subit désormais la hausse du coût du capital (taux d’intérêt élevés), la flambée du prix du CO₂ sur le marché ETS européen et la montée des coûts de maintenance et de main-d’œuvre. Mais ça, c’est aussi applicable aux autres pays européens.
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