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L’hydrogène et l’électricité devront payer leur contenu carbone dès 2026

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Par Ugo PETRUZZIPublié le 12 octobre 2025
Illustration : es_sarawuth, modifiée par RE.

Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) permettra, dès janvier 2026, d’intégrer le coût du carbone aux importations d’électricité et d’hydrogène. Il sera accompagné par un système intérieur à l’UE de quota carbone sur ces mêmes secteurs qui montera en puissance

Entré en phase transitoire en octobre 2023, le CBAM (Carbon Border Adjustment Mechanism) impose aux importateurs européens de déclarer les émissions de CO₂ liées à leurs produits. Si 2025 reste une année de simple déclaration, dès 2026, ils devront acheter des certificats carbone alignés sur le prix du marché européen des quotas carbone (ETS), actuellement situé aux alentours de 70 € la tonne de CO₂.

Une disparition progressive des quotas gratuits d’ici 2034

« Une phase transitoire va démarrer de 2026 à 2034, où les quotas gratuits vont progressivement disparaître », explique Adrien Fourmon, avocat en droit de l’énergie au cabinet Jantet. Ces quotas gratuits « perturbent le signal prix » car une partie des quotas sont aujourd’hui payants et d’autres gratuits. Avec la pleine application du CBAM, entreprises étrangères et européennes paieront toutes le contenu carbone de leurs produits.

S’il existait des quotas gratuits dans l’ETS, c’était pour ne pas trop pénaliser les entreprises européennes face aux importations. Désormais, les entreprises devront « se conformer rapidement et déclarer leurs importations, sinon elles n’auront pas accès au marché européen », prévient l’avocat. L’objectif de ce double mécanisme — marché intérieur et taxe carbone aux frontières — est d’éviter les fuites de carbone et d’assurer une concurrence équitable entre acteurs européens et importateurs.

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Électricité : un risque de désavantage pour le Royaume-Uni

Pour l’électricité, le CBAM pourrait impacter l’interconnexion avec le Royaume-Uni, sauf si celui-ci démontre que ses producteurs paient déjà un prix du carbone équivalent via l’UK ETS. Une électricité issue d’un mix très carboné — charbon ou gaz sans capture — émet en moyenne 700 à 900 kg CO₂/MWh. Avec un prix du carbone à 100 €, cela représenterait 70 à 90 € supplémentaires par mégawattheure : ces importations deviendraient largement non compétitives.

À l’inverse, la « cloche solaire » de 14 h sur Eco2Mix (l’outil de RTE pour suivre l’intensité carbone et les prix) montre une intensité carbone de seulement 15 kg CO₂/MWh, soit un coût additionnel d’à peine 1 à 5 € par MWh.

L’Union française de l’électricité (UFE) a déjà réagi et exprimé deux craintes. La première concerne le risque de double paiement du contenu carbone : « il pourrait être très difficile de tracer un import jusqu’à l’installation d’origine au Royaume-Uni », ce qui entraînerait un double paiement (UK et UE). La seconde critique vise la valeur par défaut retenue pour l’intensité carbone du mix britannique, calculée sur la base de données historiques, donc plus carbonées.

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Un effet plus spectaculaire sur l’hydrogène

L’impact du CBAM devrait être encore plus marqué sur les importations d’hydrogène. L’hydrogène gris, produit à partir de gaz naturel, émet 9 à 12 kg de CO₂ par kg d’H₂. Au prix actuel du carbone, cela renchérit le produit d’environ 1 € par kg, portant son coût total entre 2,5 et 4 € contre 1,5 à 3 € auparavant.

L’hydrogène bleu, avec capture partielle du CO₂, limiterait la hausse à 0,3 à 0,6 €/kg. Quant à l’hydrogène vert, issu d’électrolyse alimentée par des énergies renouvelables, ses émissions tombent sous 1 kg CO₂/kg d’H₂ produit, soit moins de 10 centimes de coût carbone supplémentaire. Et plus le prix du carbone augmentera, plus l’hydrogène vert deviendra compétitif, jusqu’à devenir moins cher que l’hydrogène fossile.

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Un levier diplomatique et climatique

Au-delà de ses effets économiques, le CBAM agit comme un outil diplomatique. Il incite les pays exportateurs à instaurer leurs propres systèmes de tarification du carbone pour éviter une double pénalisation. Certains, comme le Maroc ou le Canada, s’en inspirent déjà pour aligner leurs politiques climatiques sur celles de l’Europe.

Plusieurs zones d’ombre demeurent : l’intégration des émissions indirectes dues à l’électricité utilisée dans les processus de fabrication (acier, chimie…), la répercussion sur le prix final payé par les consommateurs européens, et la trajectoire future du prix du CO₂. Alors que la nouvelle version de l’ETS 2 doit couvrir le carburant routier et le chauffage domestique dès 2027, les prix de l’énergie pourraient fortement augmenter. La réussite du couplage entre CBAM et ETS apportera rapidement des réponses.

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