Que se passe-t-il au sein de la centrale nucléaire de Taishan, dans le sud de la Chine? Selon CNN, un problème d’une gravité encore indéterminée s’y serait produit. La chaîne d’information américaine révèle aujourd’hui que Framatome, une filiale d’EDF a communiqué au « Department of Energy » une note avertissant d’une « menace radiologique imminente pour le site et le public ».

Malgré l’implication d’exploitants nucléaires français (EDF et Framatome), n’est-il pas étrange que les informations les plus détaillées viennent des Etats-Unis ? Citant des documents et des sources officielles américaines, CNN indique que les Etats-Unis «évaluent» la situation depuis une semaine et s’inquiètent d’une potentielle fuite radioactive dans la centrale de Taishan.
Dans un communiqué laconique publié ce 14 juin, EDF, actionnaire de la centrale, déclare avoir été « informée de l’augmentation de la concentration de certains gaz rares dans le circuit primaire du réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Taishan » et sollicité la tenue d’un conseil d’administration extraordinaire.

L’énergéticien français s’est voulu rassurant en ajoutant que l’exploitant chinois du réacteur « a réalisé des rejets atmosphériques de gaz rares » mais que ceux-ci « ne dépassent pas les limites autorisées par l’autorité de sûreté nucléaire chinoise ». EDF omet toutefois de dire que cet organisme de contrôle aurait déjà relevé le seuil de rejets radioactifs tolérables à l’extérieur à plus du double du seuil initial pour éviter la mise à l’arrêt du réacteur. Une information révélée elle aussi par CNN.

D’après Les Echos qui fait état de « plusieurs sources » le phénomène dure depuis « plusieurs semaines ». Par ailleurs, toujours selon ces sources, le niveau de gaz rares identifié dans le circuit primaire dépasse les standards français. « Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut arrêter le réacteur par précaution afin de faire la lumière sur les causes de cet événement » explique un expert anonyme proche d’EDF et cité par le quotidien.

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Pourquoi Framatome a-t-elle prévenu les Etats-Unis ?

La filiale d’EDF a conçu les réacteurs EPR de Taishan. « Nous demandons de toute urgence l’autorisation de transférer les données techniques et l’assistance qui pourraient être nécessaires pour remettre la centrale en fonctionnement normal », a écrit l’entreprise française dans sa lettre adressée au département de l’Energie américain.  CNN note qu’il est « inhabituel qu’une entreprise étrangère prenne contact avec le gouvernement américain de manière unilatérale pour lui demander de l’aide, alors que son partenaire étatique chinois n’a pas encore reconnu l’existence d’un problème ».

Alors, pourquoi Framatome a-t-elle alerté les Etats-Unis ? L’entreprise juge-t-elle la situation critique au point de demander leur appui technique ? S’est-elle auparavant tournée vers la France ? Selon Le Monde, le gouvernement français aurait été prévenu dès le 10 juin. Mais il aurait tu l’information. Ce lundi, l’Autorité française de sûreté nucléaire (ASN) et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) n’ont encore fait aucun commentaire. Le ministère chinois des Affaires étrangères n’a pas non plus répondu aux sollicitations de l’AFP.

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Retards et malfaçons

Quatre autres réacteurs du type de ceux de Taishan sont en cours de construction dans le monde : un en Finlande (Olkiluoto), un en France à Flamanville (Manche) et deux au Royaume-Uni (Hinkley Point). Leurs chantiers accusent tous de très importants retards.

Bien qu’aucun élément ne permette d’affirmer qu’il existe ou non un lien avec ce qu’il se passe aujourd’hui, il faut rappeler que la centrale de Taishan est déjà concernée par plusieurs malfaçons. Les cuves de ses deux réacteurs EPR sont affectés du même défaut de fabrication que celui de Flamanville, construit par EDF. Par ailleurs, en 2017, une fissure a été détectée sur un composant lors de tests effectués sur le réacteur n°1.

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