Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Alors qu’il existe déjà des solutions efficaces pour réaliser la transition énergétique, quelques sociétés promettent de bouleverser l’avenir avec de surprenantes technologies. Des innovations à-priori séduisantes mais en réalité incapables de répondre aux enjeux. Tour d’horizon du meilleur du pire des énergies vertes.

La transition énergétique peut ressembler à un casse-tête. Pour certains, il est indispensable de trouver de nouvelles technologies afin de produire et stocker les énergies propres. Décarboner l’électricité n’a pourtant rien de bien compliqué. Des techniques existent depuis longtemps et ont déjà prouvé leur efficacité.

Cela n’empêche pas quelques start-ups de développer d’étonnants concepts. Annoncés comme révolutionnaires, sublimés par un argumentaire lyrique et de belles images de synthèse, ils bénéficient d’une large couverture médiatique et sont parfois soutenus par des responsables politiques. Au mieux crédules, au pire adeptes du greenwashing, ils mettent en avant des technologies coûteuses aux piètres performances.

L’arbre à vent

L’une des plus célèbres est l’arbre à vent, conçu par la start-up française New Wind. Il s’agit d’une structure imitant la forme d’un arbre, équipée de plusieurs petites éoliennes à axe vertical. L’invention promet de générer de l’électricité verte à partir des vents faibles et turbulents proches du sol. Sur son site, l’entreprise affiche un argumentaire assez confus. « Seuil de démarrage inférieur à 2 m/s » indique un premier schéma, immédiatement contredit par un paragraphe mentionnant un « seuil de démarrage abaissé à 2,5 m/s ».

L’arbre à vent serait capable de prendre le vent « à 360°, en potentialisant les énergies diffuses » et d’obtenir « une production augmentée plus ou moins (sic) 300 jours par an » écrit New World Wind, la société qui a racheté les brevets de New Wind après sa liquidation judiciaire en 2017. Car si l’invention a été encensée à son lancement, elle n’a finalement pas dupé grand monde.

Vendu autour de 50 000 € pour une puissance nominale promise à 10,8 kW, l’arbre à vent affiche une production anecdotique dans les faits. De médiocres performances expliquées par l’éminent youtubeur Monsieur Bidouille (Dimitri Ferriere). « Avec un vent de 10 m/s (36 km/h, ndlr), l’arbre avec ses 54 aéroleafs produit 810 W, soit de quoi alimenter un aspirateur » déplore l’électrotechnicien vidéaste. Une telle vitesse de vent est rarement atteinte en ville, le terrain pourtant privilégié par New World Wind. Une performance bien trop faible au regard du prix, équivalent à une installation solaire d’environ 15 kWc. L’arbre à vent peut toujours servir à décorer, son esthétique étant plutôt réussie.

L’éolienne sans pales

Exploiter les vibrations générées par le vent pour produire de l’électricité ? C’est le concept de l’éolienne sans pales développée par la start-up espagnole Vortex Bladeless. Il s’agit d’un mât vertical qui oscille grâce aux turbulences de l’air, dans un mouvement comparable à celui d’un métronome. Si l’idée n’est pas si mauvaise sur le papier, les performances de l’engin sont très limitées. Haute de 2,75 m, l’éolienne sans pales plafonne à 100 W, soit la puissance d’une petite télévision récente. Elle nécessite un vent d’au-moins 3 m/s (10,8 km/h) pour démarrer et délivre son maximum à 12 m/s (43,2 km/h). Dans ces conditions, une éolienne compacte telle que l’on peut en trouver sur les voiliers peut générer jusqu’à 4 fois plus d’énergie. Nous avons consacré un article détaillé à propos de l’éolienne bladeless, que vous pouvez consulter en cliquant sur le lien ci-dessous.

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La route solaire

Intégrer des cellules photovoltaïques à la chaussée ? L’intention était bonne, mais elle s’est heurtée aux dures réalités. Trop coûteuse, bruyante, rapidement dégradée et surtout peu productive, la route solaire est un échec. Ça n’est pas faute d’avoir été soutenue politiquement et économiquement, grâce à de généreuses enveloppes d’argent public. Le tronçon le plus célèbre situé à Tourouvre-au-Perche (Normandie) s’étend sur 1 km. Cette route solaire développée par Colas Wattway a coûté 5 millions d’euros, pour une puissance très théorique de 340 kWc.
L’installation a rapidement montré ses limites en produisant seulement 52 % des 790 kWh espérés en 2017, soit un an après son inauguration. Selon le site techniques-ingenieur, son facteur de charge s’élève à 5 %, là ou un panneau solaire classique revendique 12 % dans la même région. D’autant que sa durée de vie est particulièrement courte.

Donnée pour 15 ans selon le fabricant, plusieurs portions de routes solaires ont dû être retirées quelques mois ou années en raison d’usures prononcées. Celle de Bellevigny (Vendée) a par exemple été entièrement démolie après 18 petits mois de service. Le tronçon a été remplacé par un modèle de dernière génération, qui s’est à son tour dégradé en peu de temps.

Le stockage gravitaire à blocs

Le solaire et l’éolien étant des moyens de production intermittents, il est préférable d’y associer des systèmes de stockage d’énergie afin d’optimiser leur exploitation. Pour cela, il existe les classiques mais efficaces batteries stationnaires et STEP hydrauliques. Quelques alternatives de petite envergure sont également en cours développement, telles que les STEP à fluide haute densité, les volants d’inertie, le gaz comprimé et… le stockage gravitaire à blocs.

Plusieurs start-up comme Energy Vault et Gravitricity travaillent sur ce dernier concept, dont le fonctionnement est assez simple. Lorsque l’électricité est excédentaire, un treuil soulève des blocs de béton pour les stocker en hauteur. Puis selon la demande, il les redescend. Dans leur chute contrôlée, les blocs entraînent un alternateur qui génère du courant.

Le système conçu par Energy Vault est une grue à bras multiples haute de 120 m, hissant des blocs de 35 tonnes. Si elle n’a pas encore vu le jour dans ces dimensions, l’invention promet de révolutionner le stockage d’énergie. Une annonce nettement exagérée. Chaque tour peut théoriquement accumuler 35 MWh d’électricité selon la start-up. D’après la chaîne Youtube « Le Réveilleur » animée par l’ingénieur Rodolphe Meyer, une seule installation nécessite environ 6500 blocs. Cela représente 227 500 tonnes de béton, soit… plus de 1,5 fois la masse de la tour Montparnasse à Paris.

Une quantité astronomique de matériaux pour finalement stocker 0,02 % de la capacité des 6 STEP hydrauliques françaises actuellement en service (170 000 MWh). Il faudrait ainsi déployer 4857 tours à blocs totalisant plus d’1,1 milliard de tonnes de béton pour égaler nos STEP. La solution n’est donc pas envisageable à grande échelle et ne peut participer à l’intégration des énergies renouvelables.

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La batterie à hydrogène

L’hydrogène est si tendance qu’il est mis à toutes les sauces, jusqu’aux plus indigestes. Le gouvernement se targuait récemment d’avoir illuminé la tour Eiffel grâce à un groupe électrogène à hydrogène, en omettant d’indiquer le rendement exécrable de l’opération. Fabriquer de l’H2 « vert » nécessite en effet de l’électricité, qui est déjà utilisée directement pour l’éclairage de la dame de fer. Hormis sur des usages très spécifiques (industries, transports lourds), transformer le courant en hydrogène pour le convertir à nouveau en électricité n’a aucun intérêt. Pire, le processus gaspille une quantité significative d’énergie.

Pourtant, d’innombrables projets persistent dans le « petit » hydrogène. C’est le cas de la batterie domestique développée par la start-up australienne Lavo. Le dispositif transforme l’électricité en hydrogène grâce à un électrolyseur et la restitue via une pile à combustible. Le gaz est stocké dans un robuste cylindre à une pression de 30 bars et peut générer 40 kWh d’électricité. Avec son rendement plafonné à 42 %, le système prétend surpasser les batteries classiques au lithium, qui affichent pourtant un rendement supérieur à… 90 %.
Un défaut qui n’est même pas compensé par son prix : 22 000 €, soit un peu plus que les solutions de stockage domestiques actuelles.

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