Si des annonces de la COP 28 ou du salon du nucléaire laissent penser à un retour en grâce de l’atome comme source de production d’énergie décarbonée, certains chiffres, eux, soulignent plutôt la perte de vitesse du secteur depuis de nombreuses années. Qu’en est-il vraiment ?

Difficile de voir clair dans la dynamique mondiale du nucléaire tant les annonces contradictoires s’enchaînent depuis quelque temps. Si l’on s’en tient au salon du nucléaire, qui vient de se dérouler à Paris à la fin du mois de novembre, tout va bien du côté de l’atome. Cette nouvelle édition s’est montrée particulièrement chargée avec près de 750 exposants venus de 76 pays différents, malgré l’absence de la Russie, acteur majeur de la filière dans le monde. Les start-up ont été mises sur le devant de la scène avec un village dédié. La France y a notamment annoncé une enveloppe de 100 millions d’euros destinés à 6 projets pour permettre le développement de nouveaux usages, comme la décarbonation de sites industriels, ou la mise en œuvre de réseaux de chaleur.

Dans le même temps, à la COP 28 de Dubaï, une vingtaine de pays, dont la France, les USA et les Émirats arabes unis, appelaient, dans une déclaration commune, à tripler les capacités de l’énergie nucléaire dans le monde d’ici à 2050, par rapport à 2020. Cette déclaration reconnaît « le rôle clé de l’énergie nucléaire dans l’atteinte de la neutralité carbone d’ici à 2050 et pour conserver l’objectif de 1,5 °C à portée de main ». John Kerry, représentant de la délégation américaine, ajoutait même qu’il est impossible d’atteindre la neutralité carbone dans le monde d’ici 2050 sans le nucléaire.

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Un rapport non étatique montre le déclin du nucléaire

Malgré ces nombreuses annonces, le rapport World Nuclear Industry Status Report (WNISR), publié par une équipe indépendante internationale d’experts, montre une réalité un peu moins réjouissante pour la filière. Ce rapport de 540 pages montre, en effet, qu’elle est globalement en perte de vitesse dans le monde, et ce, malgré une très forte progression de la Chine. Ainsi, sur les 20 dernières années, on comptabilise 105 fermetures de réacteurs nucléaires contre seulement 99 mises en service. Ces chiffres prennent pourtant en compte les 49 mises en service chinoises pour aucun arrêt de réacteur.

Si la Chine possède le programme nucléaire le plus dynamique, celui-ci ne représente qu’une petite partie du mix énergétique du pays. En 2022, le pays a en effet mis en service 125 GW d’énergies renouvelables contre 2,2 GW d’installations nucléaires.

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Le coût du nucléaire pointé du doigt

Si les avis divergent sur l’état de santé de la filière, ainsi que sur son intérêt écologique, tous font un même constat : l’aspect financier fait partie des principaux enjeux du développement de la filière. Le rapport WNISR fait état des nombreux retards des chantiers, mais aussi de leurs coûts prohibitifs.

Les nombreux projets de SMR qui fleurissent un peu partout en sont à la fois la réponse et le témoin. Plus petits et plus modulables, ces nouveaux réacteurs d’une puissance inférieure à 300 MW sont également censés être moins coûteux, et ainsi éviter les investissements titanesques comme les 37 milliards d’euros de la centrale de Hinkley Point (pour deux réacteurs), ou encore les 13,2 milliards d’euros de Flamanville. Pourtant, c’est bien pour des raisons financières que l’un des projets de SMR les plus aboutis au monde, porté par NuScale, dans l’Idaho, a été abandonné. De plus, selon le rapport WNISR, les autres projets du même type ne montrent pas de réel avancement.

Dans ce contexte, la déclaration présentée par les 22 pays favorables à une augmentation des capacités mondiales nucléaires d’ici à 2050, demande à ce que les actionnaires des institutions financières internationales puissent participer au financement de programmes nucléaires, au même titre que les autres énergies renouvelables. À l’heure actuelle, certaines institutions de crédit internationales excluent le financement de projets nucléaires, ce qui pénalise toute la filière.